TRIBUNE CHRÉTIENNE - En marge du 77ème festival de Cannes, interrogation sur l'érotisation dans les films et les séries. Paradoxe à l'heure du mouvement MeToo ?
Puisque nous en sommes au festival de Cannes, et si nous faisions un arrêt sur image ? Voici maintenant plusieurs années que le mouvement MeToo dénonce les abus dont sont ou ont été victimes un certain nombre de femmes inconnues et parfois connues. Parmi elles, quelques artistes de premier plan disent avoir été victimes de viols ou d’abus. Impossible de se dérober devant ce que cela révèle de souffrance et de douleurs, devant ce cri qui sourd par ces révélations : « Plus jamais ça ! ».
Mais alors on est en droit de s’interroger : lorsque les séries tv et les films accessibles à tous publics nous imposent systématiquement des scènes érotiques voire explicitement sexuelles, de plus en plus fréquemment, dans lesquelles on met en scènes des acteurs de plus en plus jeunes, dans des situations de plus en plus graveleuses, que cela provoque-t-il ?
Cette érotisation, cette sexualisation de nos écrans n’est-elle pas profondément malsaine ? D’aucuns répondront que s’interroger ainsi est passéiste, ringard, ou même fasciste pour reprendre les imprécations à la mode.
Derrière ce voyeurisme auquel on nous contraint, n’y aurait-il pas des raisons de se soucier de ce que cela peut provoquer dans le cerveau et le corps de ces jeunes acteurs prêts à tout pour pouvoir se faire un nom en haut de l’affiche, de jouer des situations aussi intimes et déplacées ?
Et dans la tête d’un réalisateur lorsqu’il donne à un couple d’acteurs les indications précises pour mimer une scène intime ? Et dans l’œil de tous ceux qui filment, enregistrent, maquillent ? Est-il possible à une jeune fille ou à un jeune homme de 16 ans qui rêve de faire carrière et un jour de monter les marches de Cannes, de refuser d’enlever son T-shirt si on l’exige pour un film ? Légalement, la réponse est "bien sûr". Mais au-delà, ne devinent-ils pas que leurs réticences leur fermeront des portes qu’ils ambitionnent de passer ?
Si tout cela existe, n’est-ce pas parce que nous nous sommes habitués à regarder ces images comme normales et anodines, banalisant même le trouble qu’elles peuvent produire en nous ?
Comment prétendre supprimer les effets d’un mal dont nous chérissons les causes ? On pourra multiplier les lois, battre le pavé, signer des pétitions et pleurer abondamment, cela ne servira à rien si on refuse de chercher à freiner ce qui n’est pas de la création artistique mais de la marchandisation des corps.
Il est étonnant, paradoxalement, de constater que les plus gros succès populaires sont toujours des comédies dans lesquelles nulle scène de nu, nulle partie fine n’a besoin d’attirer le voyeur. De la Grande Vadrouille à Un P’tit truc en plus, en passant par les Visiteurs ou Intouchables, il est encore possible de rassembler et de distraire sans maltraiter les corps et dénaturer l’amour. Plus largement, les plus grands réalisateurs sont en général les moins enclins à se comporter en proxénètes. Le défi, c’est la masse énorme d’images tournées uniquement pour l’argent, qui suscite les instincts les plus bas pour assurer un profit maximal. C’est bien ce pseudo cinéma là qu’il faut dénoncer en refusant d’abord de lui accorder le moindre regard car il tue l’art aussi sûrement qu’un Jeff Koons dénature la sculpture...
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