L’édito de Julien Bal : une papamobile à Gaza ?
La papamobile offerte par le Pape François aux enfants de Gaza n’a toujours pas été livrée. Pourquoi ?
Pope Francis waving for the people after the mass in Bethlehem. (Mustafa Bader/Creative Commons) VOLONTÉ TESTAMENTAIRE
Peu de temps avant de mourir, le Pape François a demandé que l’exemplaire de la papamobile qu'il avait utilisé lors de sa visite à Bethléem dix ans plus tôt soit offert aux enfants de Gaza.
Il souhaitait que le véhicule qui avait servi pour ses parades en Cisjordanie occupée soit transformé en dispensaire mobile pour venir en aide au million d’enfants déplacés que compte désormais l’enclave gazaouie.
C’est un testament qui peut sembler dérisoire face à l’ampleur du désastre. Une papamobile médicalisée ne pourra pas à elle seule sauver un million de vies. Bien sûr. Mais c’est un cadeau plus que symbolique, c’est un cadeau révélateur. Ce qui est révélateur, c’est que la papamobile en question n’est pas à Gaza. Aujourd’hui elle est bloquée à Jérusalem, elle l’est depuis un mois.
FRONTIÈRE FILTRANTE
C’est Caritas Jérusalem qui a été chargée de transformer ce véhicule en clinique mobile et de le livrer ensuite à bon port. D’après les photos que l’on peut voir sur le site de Caritas, le véhicule est prêt, immaculé, il a l’air presque neuf. Le problème c’est qu’Israël ne laisse rien entrer dans l’enclave palestinienne.
La situation est la suivante : l’aide humanitaire n’entre que par quelques points de passage et au compte-goutte à Gaza. Tout élément qui de près ou de loin pourrait avoir une finalité militaire est interdit par Israël. C’est le cas depuis des années. C’est encore plus le cas aujourd’hui. Dans ces conditions, une papamobile, aux yeux des autorités israéliennes, c’est une arme potentielle aux mains de ses ennemis. Il y aurait éventuellement une autre voie, plus au Sud, à la frontière entre Gaza et l’Égypte. Mais par là non plus, rien ou presque n’entre dans l’enclave.
ET SI PAS MAINTENANT QUAND ?
Ça n’est donc pas le bon moment pour la livrer. Ok. Mais dans quel état sera Gaza quand enfin la papamobile médicalisée pourra y entrer ? Est-ce que Gaza existera encore ? D’ailleurs, imaginez si la papamobile était livrée maintenant, parachutée par avion en plein milieu de Gaza-ville, par exemple. Imaginez un peu au milieu de quel désastre elle atterrirait, quelle anomalie ce serait que ce véhicule tout blanc se frayant un chemin entre les ruines et les morts.
Il y a l’armée israélienne qui bombarde démesurément et dont certains soldats pillent les maisons des déplacés. Et puis il y a ces factions islamistes qu’Israël arme et finance pour semer encore plus le chaos à Gaza. Enfin, la population gazaouie a besoin de véhicules pour organiser sa survie faite de déplacements incessants. Dans ces conditions, la papamobile ne ferait pas long feu à Gaza. C’est certain.
UN CADEAU FAIT AUX RUINES
Il faut continuer de parler de ce cadeau fait aux ruines et aux fantômes, parler de ce que ce cadeau nous révèle de la situation là-bas et de l’indignation si tiède des pays occidentaux. Une indignation tardive, très molle et sans effet pour l'instant.
J. B.


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