Édito de Stéphane Vernay - Une défaite qui ne passe pas
Je n’ai pas particulièrement envie de remuer le couteau dans la plaie, mais force est de constater que cette défaite ne passe pas. Trois jours après le drame, tout le monde continue d’en parler, et moi aussi !
Une anecdote, pour commencer : je me trouvais à Zagreb, capitale de la Croatie, pour la finale de la Coupe du monde 2018, envoyé là-bas en reportage pour Ouest-France. Les Croates, qui avaient perdu face à la France, avaient fait un triomphe gargantuesque à leurs joueurs de retour de Russie. Tout le pays était en liesse pour saluer le glorieux parcours de leur équipe. Nous, 50.000 personnes place de la Concorde pour un "claping" tristounet lundi soir, c’est vraiment le minimum syndical. On a perdu, d’accord, mais avec une équipe composée de bric et de broc, pas au mieux de sa forme, qui a fait un parcours extraordinaire dans cette compétition et qui nous offre, au final, un match de légende, qui restera gravé dans les mémoires pour un siècle, rangé juste à côté de la demi-finale France-Allemagne de 1982, à Séville. Ce qui nous est arrivé est monumental, on devrait s’en réjouir comme jamais, mais non. Ce n’est pas l’esprit français. Plutôt que de rendre grâce, on préfère s’inventer des polémiques à la noix, s’insulter, se diviser.
Des "polémiques à la noix"
On a l’embarras du choix... On pourrait commencer par l’envahissement du terrain par notre président de la République, à peine la partie perdue. Chercher à consoler Kylian Mbappé en lui expliquant qu’il va pouvoir disputer encore 10 Coupes du monde grâce à la retraite à 65 ans, ce n'était pas ce qu’il y avait de mieux à faire. C’était plus que maladroit, c’était déplacé, mais que voulez-vous, on a un Président qui aime vraiment le football, ce dont on pourrait aussi se réjouir. Il en a fait trop, beaucoup trop, c’est vrai, mais c’est quand même curieux que ce sujet - qui ne devrait pas en être un - tourne en boucle depuis trois jours.
Autre histoire qui enfle : la mésentente supposée au sein des Bleus, dont certains cadres n’auraient pas apprécié le retour de Karim Benzema en équipe de France. Ah, s’il avait joué, ç'aurait été une autre paire de manches, et patati, et patata… Moi qui croyais que notre Ballon d’Or national avait été écarté pour cause de blessure, je découvre qu’il aurait été victime d’un complot. Si tel était réellement le cas, il eut été bon de crever l’abcès avant le début de la compétition, non ? Après, je ne vois pas l’intérêt. Mais ce n’est pas le pire…
Et pire encore...
Le pire, c’est la déferlante de commentaires racistes et haineux qu’essuient les joueurs depuis dimanche. Quelle honte ! Et quelle médiocrité. Elle est magnifique, cette équipe. Elle nous a fait rêver, vibrer, chavirer, et c’est par des insultes dégueulasses, produites à la chaîne, qu’une partie du pays la remercie ? La France change, et franchement pas pour le meilleur.
Reprenons nos esprits. Essayons d’apprécier ce qui nous est donné. Souvenons-nous que le foot est d’abord un jeu. Et qu’il est tout aussi important de savoir perdre avec panache que de gagner. En réagissant aussi mal, plutôt que de célébrer nos héros, nous nous infligeons une double peine : la défaite et le déshonneur. Et on est en train de se faire ça tout seul. On a besoin de se serrer les coudes et d’être fiers de ce que nous sommes en ce moment, où tout ne va pas pour le mieux. Pas de nous cracher dessus les uns les autres.
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- 19 décembre 2022
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