Édito de Nathalie Leenhardt - À Vézelay, l'ermitage de la Cordelle : un écrin pour la célébration de Pâques
J'ai eu la joie de célébrer Pâques à Vézelay. Et j'avais envie de vous en parler. Car il est des moments si précieux que l’on se sent tenu d’en témoigner. C’est ce qui m’est arrivé à Vézelay où j’ai vécu des célébrations d’une rare intensité, d’une rare beauté.
Dans ce coin magnifique de Bourgogne, Vézelay, sur sa colline, est un signe vivant d’une foi millénaire, autour de sa basilique bien-sûr, inscrite au Patrimoine mondial de l’Humanité. Mais aussi - et c’est moins connu - grâce à la présence discrète et vive d’un petit ermitage franciscain. Créé en 1217, quand François d’Assise envoie des disciples s’établir en Europe, l’ermitage connaît les vicissitudes de l’Histoire mais persiste à témoigner de sa présence.
Aujourd’hui, trois frères célèbrent quotidiennement les offices dans sa chapelle romane, laissant leurs voix et celles des fidèles de passage rebondir sur la pierre. Ils accueillent là des hommes et des femmes, souvent trentenaires, en quête d’un lieu où déposer leur vie et discerner l’orientation qu’ils souhaitent lui donner. Et j’ai ressenti, au plus profond, combien la rencontre fortuite, fugace peut permettre de s’expérimenter frères et sœurs d’un même Père.
Cet ermitage de la Cordelle, je l’ai découvert grâce à une amie, pasteure protestante. Avec elle, avec d’autres pasteurs, avec une soixantaine de catholiques, nous avons vécu une aube
pascale au milieu des vignes, autour du feu qui régénère. Nous
sommes passés ensemble de la nuit à la lumière, de la peur à
la confiance, du silence à la joie, à l’image de ces femmes qui
ont découvert le tombeau vide. Confrontées au pire, comme on
butte parfois sur l’impensable, l’insupportable, elles ont puisé la
force de se remettre debout et de repartir sur les chemins. Autour d’un vrai bassin et d’une eau qui coule réellement, le baptême a repris tout son sens. Quand les paroles s’ancrent ainsi dans le réel, dans la matérialité des choses, elles prennent un autre poids...
J'ai également découvert le tympan de la basilique. Et ce fut un choc. Grâce au décryptage d'une théologienne catholique, j’ai appris à lire cette Bible de pierre qu’est un tympan. Imaginez des pauvres, des rejetés, des bannis du XIIIe siècle réunis à l’abri du narthex. Ils lèvent les yeux sur les sculptures et sur les chapiteaux. Et ils en appréhendent le sens, eux à qui la lecture est interdite.
Telle une bande dessinée des temps anciens, les personnages gravés dans la pierre dévoilent leur histoire. La pierre d’angle attire les regards et les relégués entrevoient qu’il existe une brèche dans leur destin, que le sentiment si prégnant de tourner en rond n’est pas une fatalité, que seule la mise en relation avec d’autres différents ouvre un chemin. Quelle stupéfaction et quelle leçon d’humilité de découvrir que Pierre le Vénérable, à l'origine de la basilique, et ses tailleurs de pierre ont déjà tout dit. Et nous parlent encore, en ce début de XXIe siècle vacillant...
Pour aller plus loin
- Ermitage de la Cordelle - 89450 Vézelay
- "Vézelay, livre de pierre", de Véronique Rouchon, éd. Flammarion, 1998
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