Édito de Benoist de Sinety - Le celebret ne remplacera pas la prévention des abus
Voilà qu’en ces belles journées de printemps, chaque jour porte son lot de scandales et de révélations : sœurs bénédictines de Montmartre, sœurs de Bethléem, et d’autres, nous annonce-t-on, restent à venir... Nul n’était naïf et nous savons bien que le fait de voir un immeuble s’effondrer n’est rien comparé au nombre de victimes qu’il faudra retirer ensuite des décombres. Le rapport de la Ciase correspondait à ce séisme. Depuis lors, nous n’en finissons pas de compter les morts. Heureusement qu’il y a de temps en temps une annonce qui tombe des cieux comme une promesse de jours heureux.
La Conférence des Évêques de France nous fait part d’une décision prise à l’unanimité de ses membres, une décision collégiale, ce qui est bon signe... Voici qu’après les conclusions des groupes de travail dans lesquels ont œuvré des dizaines de laïcs, dont le but était de proposer des pistes pour accompagner les victimes des abus, prévenir les crimes et délits et accompagner la gouvernance de l’Eglise, oui, voici donc que nous est présenté un objet insolite sensé établir, je cite, "une plus grande manifestation du lien d’amitié entre Dieu et les fidèles qui reçoivent les sacrements".
Quel est donc cet objet providentiel ?
Une carte en plastique qui sera distribuée à tous les clercs, diacres, prêtres et évêques d’ici la fin de l’été prochain. Cette carte permettra à chacun de savoir les éventuelles restrictions qui frappent l’ecclésiastique, par exemple s’il a le droit de confesser, ou de présider une célébration en public. Encore faudra-t-il la demander et avoir sur soi le moyen électronique de la lire. Et quand bien même... Est-ce vraiment là l’urgence absolue ? L’adage qui dit que "trop de com' tue la com'" se révèle une nouvelle fois exact !
En France, depuis 26 ans, je n’ai jamais eu à présenter mon celebret (c’est ainsi qu’on nomme cette carte de prêtre qui existe depuis des lustres et dont la nouveauté consiste donc désormais à ce qu’elle soit plastifiée et numérisée). Et je pense ne pas être le seul à ne jamais l’avoir sorti de ma poche en tout cas dans notre pays...
Nous arrivons au pire des moments, celui où la rumeur prévaut sur le droit, où la dénonciation vaut reconnaissance de culpabilité, où chacun se terre et attend passer l’orage comme s’il s’agissait d’une tornade après laquelle le calme se ferait. Mais non, il n’y a pas d’accalmie en vue pour la simple raison que ce n’est pas avec des gadgets que l’on traitera le mal.
Car ce que révèlent ces drames qui sortent au grand jour mais qui étaient connus de beaucoup depuis longtemps, c’est notre paralysie collective qui nous empêche de comprendre que nous sommes arrivés à un tournant majeur, à un moment essentiel. Et qu’il ne faudrait pas que, restant agrippés à nos manières séculaires, nous nous rangions du côté de ces prêtres de Jérusalem qui avaient tout pour voir et entendre et qui n’ont rien voulu savoir.
Une simple carte face aux abus ?
L’enjeu n’est pas de permettre qu’une carte plastifiée distingue les vrais prêtres des escrocs. L’enjeu est que la manière dont l’Église fonctionne doit être revue à l’aune de ce que l’Esprit inspire non à quelques-uns qui se sont souvent trompés par le passé ,sur ce sujet en tout cas, mais à tous les baptisés : n’est-ce pas cela la réelle synodalité ?
En fait cette carte n’empêchera pas ceux qui abusent de continuer à le faire. Comment, par exemple, aurait-elle pu protéger les jeunes gens qui se faisaient déshabiller pendant des confessions ? Ou telle jeune fille qui se fit embrasser de force ? Ou des religieuses réduites en quasi esclavage par quelques-unes au cœur de la capitale ?
Car elles sont là les vraies attentes. En espérant que la nouvelle carte qui viendra se glisser bientôt dans mon portefeuille ne fasse pas oublier les rapports rédigés et les prescriptions courageusement faites. Et qu’un bout de plastique, en ce domaine comme en d’autres, ne se substituera pas au courage et ne remplacera pas la prévention.
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