Corinne Bitaud | Science et foi… et honnêteté !

Les menaces proférées à l’encontre des méthodes de travail scientifique et des libertés académiques doivent inquiéter les chrétiens. Le christianisme comprend un commandement fondamental d’amour du prochain ; or, dire la vérité, c’est refuser de manipuler son prochain. C’est considérer autrui comme une fin et non comme un moyen. Le refus du mensonge est une forme de respect des personnes, c’est le "minimum syndical" de l’amour du prochain.

Le mensonge peut prendre diverses formes.

Certes ! Nier la réalité est une de ces formes. Or, le travail de la science est précisément de décrire la réalité. C’est pourquoi foi et science, même si elles ne sont pas du même ordre, ont ce point commun : elles reposent toutes deux sur une exigence extrêmement forte d’honnêteté intellectuelle.

Bien sûr, la science, comme la théologie d’ailleurs, n’est pas totalement exempte de biais. Mais la communauté scientifique a conscience de l’existence de ces biais et les étudie. Divers garde-fous méthodologiques, comme les systèmes de publication internationale et de revue par les pairs, permettent de limiter ces effets. La méthode scientifique est ainsi ce que nous avons encore de plus fiable et solide pour décrire le réel. C’est en tout cas beaucoup plus efficace et beaucoup moins biaisé que de croire que le réel est ce qui convient au chef de l’État. On avait bien connu cela à l’ère soviétique, on croyait que c’était révolu… Mais force est de constater que ces combats sont à conduire sans cesse.

Foi et science défendent toutes deux l’honnêteté.

Si l’une est menacée sur ce point, l’autre doit comprendre qu’elle le sera aussi à son tour, de manière directe, car quand l’honnêteté est menacée, tous ceux qui la défendent le sont aussi. Mais aussi de manière indirecte, parce que l’instrumentalisation politique d’une supposée défense des idéaux chrétiens conduit évidemment certains observateurs, tombant dans ce piège, à faire le rapprochement entre les politiques de deux grandes puissances mondiales et le christianisme. Les chrétiens devraient clairement se désolidariser de ces travestissements de la réalité, qu’il s’agisse de nier des massacres et des purifications ethniques ou de nier la responsabilité humaine dans les changements climatiques et l’érosion de la biodiversité. Nous devons affirmer que cela heurte profondément notre sens de l’honnêteté, lequel est pour nous un pilier fondamental de l’amour du prochain. Nous ne devons jamais perdre de vue ce lien.

Parlons beaucoup moins des annonces tonitruantes de ceux qui cherchent à saturer l’espace médiatique et concentrons-nous sur les questions de fond que soulève la situation réelle, pour identifier ce à quoi nous devons résister au nom de nos convictions. Aujourd’hui, dans une démocratie, des scientifiques perdent leur travail parce qu’ils sont climatologues. D’autres ont interdiction de poursuivre l’échange international de données scientifiques sur l’état de l’océan ou les maladies infectieuses. D’autres encore sont menacés d’interdiction de publier les résultats de leurs travaux parce que ceux-ci ne correspondent pas aux croyances de leur administration. C’est ahurissant. C’est révoltant. C’est dangereux. C’est une attaque en règle contre l’honnêteté. Nous devons nous tenir debout auprès d’eux. Stand up for science !