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Corinne Bitaud : Peut-on tuer des êtres vivants pour sauver des vies humaines ?

Un article rédigé par Corinne Bitaud - RCF, le 4 février 2025 - Modifié le 4 février 2025
Le point de vue de 7h20Corinne Bitaud | Peut-on tuer des êtres vivants pour sauver des vies humaines ?

LE POINT DE VUE DE CORINNE BITAUD - Tuer un moustique, un insecte, est souvent un acte que l'on oublie presque aussi tôt après l'avoir exécuté. Pourtant il n'est pas sans conséquences, en particulier d'un point de vue théologique. Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, le détaille.

Corinne Bitaud © DRCorinne Bitaud © DR

La semaine dernière la Guinée est devenue le 8e pays africain pour lequel cette maladie mortelle n’est plus un problème de santé publique, grâce à un programme de l’OMS associant notamment l’IRD et l’Institut Pasteur de Guinée. Et le pronostic des malades encore diagnostiqués s’améliore considérablement, avec un nouveau médicament de Sanofi, distribué gratuitement grâce à des mécènes comme la Fondation Gates.

Or, l’éradication prochaine de cette maladie est un cas limite des questions d’éthique éco-théologiques qui s’intéressent aux relations de l’humain à la nature en tant que création de Dieu. Nous ne pouvons pas ignorer que les microbes eux-mêmes font partie de cette création. Les trypanosomes, qui causent la maladie du sommeil, sont des organismes unicellulaires parasites, dont on devrait pouvoir se dire qu’ils ont, comme tout être vivant, une valeur en soi.

Détruire des vies pour en sauver d'autres

Evidemment ! Je voudrais donc évoquer ce matin le docteur Albert Schweitzer, dont nous célébrons les 150 ans de la naissance. Il a fait partie de l’histoire scientifique de la lutte contre les trypanosomes. Or il écrivait, dans les années 1920 : « chaque fois que je vois au microscope les microbes de la maladie du sommeil, je ne puis m’empêcher de reconnaître qu’il me faut détruire ces vies pour en sauver une autre. »

Schweitzer n’était pas seulement médecin, mais aussi pasteur, théologien et philosophe. Et musicien. Comme philosophe, il soutenait que le « respect de la vie » est la valeur fondamentale de l’éthique, c’est-à-dire la valeur sur laquelle prend appui toute distinction entre le bien et le mal. Il insistait sur le fait qu’il s’agit bien du respect de toute forme de vie, pas seulement des vies humaines.

Médecin, soignant de nombreuses victimes des trypanosomes, il n’avait aucune naïveté quant aux limites pratiques de ce principe. Depuis toujours, il était saisi par ce dilemme que pose l’hétérotrophie, le fait que nous ne puissions assurer notre survie qu’au prix de la mort d’autres vivants. Se heurtant à ce dilemme, son éthique était celle de la responsabilité : certes nous devons tuer pour vivre, mais nous ne devons le faire qu’en cas de nécessité avérée, et « sans jamais consentir intérieurement à cette mort ».

Des dilemmes éthiques

C’est bien là qu’émerge notre responsabilité, car si le bien et le mal étaient des questions simples, nous serions simplement ou justes, ou pécheurs. Or c’est une des convictions fondamentales portées par Martin Luther : nous sommes à la fois justes et pécheurs. C’est bien là que Dieu nous sauve, lorsque nous prenons, en conscience, nos responsabilités.

Albert Schweitzer nous encourageait à donner un sens le plus large possible au commandement « Tu ne tueras pas » car, écrivait-il il y a un siècle dans son livre La civilisation et l’éthique, « tout se tient ». Cette règle me semble d’une actualité criante.

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le point de vue de 7h20
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