Claire des Mesnards | Le loup et l’agneau
LE POINT DE VUE DE CLAIRE DES MESNARDS - Les promotions liées au Black Friday se multiplient dans les magasins. La course aux achats de Noel commence, mais ce temps de l'Avent nous invite à ne pas être centrer uniquement sur nos besoins propres.
Claire des Mesnards © DRAprès avoir profité des offres du Black Friday, j’ai commencé à préparer le culte du 2ème dimanche de l’Avent. Je suis tombée sur ce verset, dans l’Evangile selon Matthieu au chapitre 3, verset 4 :
« Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. » (Matthieu 3, 4)
C’est à ce moment là seulement que je me suis dit que, peut-être, sur certains articles, j’avais cédé un peu vite à l’appel du superflu – et nourri plus qu’il n’était nécessaire le loup de Wall Street ! En fait, s’il n’y avait pas d’enjeux planétaires et sociétaux, ce ne serait qu’une question spirituelle, qui regarderait tout individu acceptant de se placer devant Dieu, en son âme et conscience. Mais aujourd’hui, sachant qu’à la COP30 toute récente à Bélem les puissants eux-mêmes ont échoué à s’accorder sur les décisions dont l’humanité aurait besoin pour subsister, c’est en fait devenu pour nous tous une véritable question de survie.
L'impact sur les cadeaux de Noel
Si aucune loi en dehors de moi n’interdit de nuire à l’équilibre précaire des cycles bio-géo-chimiques qui garantissent la vie sur Terre, qu’est-ce qui m’aidera à les faire passer avant mon bon plaisir ou celui de mes proches ? Si aucune loi en dehors de moi ne m’interdit de polluer par procuration des rivières qui en abreuvent d’autres, de brader malgré moi les droits de ceux qui produisent ces objets plein d’attraits, de contaminer à notre insu les sols qui nourriront celles qui n’ont pas encore pris la peine de naître : où trouver la force de résister au chant fatal des sirènes que le marketing a rendu plus terribles que jamais ? David Hume disait, « il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt ». Alors oui, tant que le désir trouvera de quoi se satisfaire, on fera toujours entendre à la raison des raisons de s’accommoder des destructions en règle. Mais pour le cœur ? Il ne supporte pas la mort de tout ce qui est vraiment cher. Le « tremblement de terre » décrit dans l’Évangile de Matthieu à la mort de Jésus en croix, c’est toute la Terre qui frissonne de ce que l’humain est capable d’infliger à un Autre.
Faire attention à l'Autre
Cet Autre, c’est justement celui dont nous célébrons la naissance à Noël, sur cette Terre fragile. Alors, s’y préparer, ça ne peut pas consister à entrer dans une surconsommation fondée sur la destruction de l’être humain et de la planète qu’il habite. S’y préparer, cela veut dire assumer pleinement notre interdépendance avec la Création : c’est bien à travers elle, humains ou bêtes, que nous recevons au quotidien l’habit et la nourriture. Ce temps de l’Avent peut être propice à expérimenter une forme de frugalité comme y invite le prophète Jean-Baptiste, qui lui-même a reçu du chameau la laine, et des abeilles, le miel. Des ressources renouvelables, pourvu qu’on s’en serve dans des proportions raisonnables, qui leur laisse le temps suffisant pour leur régénération. Ce temps de l’Avent peut aussi nous inviter à une reconnaissance de dette : car quand bien même nous choisirions un mode de vie frugal qui ne sacrifierait que des sauterelles, nous resterions redevables : en premier lieu envers les êtres placés sur nos chemins pour que nous puissions en vivre ; et en définitive, envers Dieu, Créateur de cette Terre nourricière que trop souvent nous dévorons.
Le loup et l'agneau
Alors comment comprendre aujourd’hui cet appel: « Convertissez-vous : le Règne des cieux s'est approché ! » ? Les dons du ciel et de la terre ont du prix, c’est une grâce qui coûte. Aujourd’hui, qui pourrait se défaire jusqu’au bout des rapports de prédation et d’exploitation que même le prophète Jean-Baptiste n’a pas pu éviter ? Même au cœur du désert, on est pris dans un système où l’on consomme, où l’on prélève, où l’on tue. A combien plus forte raison dans notre société d’abondance, où l’on oublie si facilement ce qu’une « bonne affaire » pour nous peut en coûter à d’autres. Les dons du ciel et de la terre ont un prix, dont nous ne pouvons nous acquitter totalement. C’est pourquoi la prière qu’enseigne Jésus à ses disciples indique : « remets-nous nos dettes...comme nous les remettons à nos débiteurs ». En ce temps de l’Avent, prenons au sérieux cette parole qui nous aide à assumer notre condition de pécheurs ; et qui nous appelle à expérimenter d’autres façons de vivre, dans l’amour de notre prochain...humain ou non-humain !
C’est peut-être ainsi que pourra s’accomplir cette parole d’Esaïe : « Le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. » (Esaïe 11, 6)
Bon chemin vers Noël à tous !


Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Madeleine Vatel, journaliste au service foi & spiritualité de RCF ;
- Le mardi : Claire des Mesnards, pasteure de l'EPUdF et secrétaire exécutive du réseau européen chrétien pour l’environnement, et Elisabeth Walbaum, déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante ;
- Le mercredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Marie Wallaert de Lutte & Contemplation ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne, et Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Etienne Pépin, directeur des programmes de RCF et Radio Notre-Dame.




