Cinq versets d’Évangile pour Alexeï Navalny, par Aymeric Christensen
LA CHRONIQUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny est décédé en détention le 16 février 2024. Chrétien orthodoxe, il puisait dans la Bible le sens de son action… et sa voix, comme sa foi, continuent de résonner dans sa mort.
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. » Ce verset de l’Évangile selon saint Matthieu, Navalny le citait lui-même devant ses juges. C’était il y a pratiquement trois ans jour pour jour, lors de son procès en Russie. Ce procès inique qui l’a condamnée à une peine de prison sans retour dans l’Arctique russe. Et l’opposant à Vladimir Poutine le disait lui-même : il prenait cette parole de Jésus pour un commandement qui guidait son action. « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés »…
"N'ayez pas peur"
Alexeï Navalny, ancien athée devenu chrétien orthodoxe, lisait la Bible et n’hésitait pas à la citer en public. À ceux qui allaient le condamner en 2021, il lançait encore : « Je ne sais plus de quoi parler, monsieur le juge. Si vous voulez, je vous parlerai de Dieu et du salut. » Provocation autant politique que spirituelle.
Il faut dire que c’est volontairement qu’il s’était livré à ses adversaires, sachant ce qui l’attendait. Folie pour confondre les puissants de sa Russie natale. Et à ses partisans, c’est une autre parole du Christ qu’il donnait alors : « N’ayez pas peur ! »
Il y a l’explicite de ses déclarations… et puis il y a l’implicite de ses actes. Et là encore on retrouve partout l’Évangile chez Alexeï Navalny. Partout ! Mais je me contenterai citer trois versets seulement, pris chez saint Jean cette fois. Voici le premier : « La vérité vous rendra libres. » Prisonnier de l’enfer carcéral russe, réduit à presque rien par le régime du Kremlin, l’opposant ne montrait pas seulement sa cohérence absolue et son immense courage, il faisait surtout preuve de la liberté totale de l’homme qui a tout perdu, sauf la force de son témoignage.
Témoignage, c’est même le sens naturel d’un mot chrétien qui n’est sans doute pas trop gros ici : martyre. Oui, en acceptant de devenir un martyr, Navalny est devenu un signe qui interpelle le plus profond des consciences. Poutine peut bien le tuer, comme tous ses opposants, il ne peut rien contre la clarté de cette interpellation, qui continue de résonner d’outre-tombe.
Tout martyre est un enfouissement qui devient la semence d’autre chose. C’est aussi un mystère que nous enseigne le Christ : « Si le grain de blé tombé en terre (…) meurt, il porte beaucoup de fruit. »
La paralysie des opposants ?
Reste que cette mort, que beaucoup qualifient d’assassinat, a aussi provoqué une profonde sidération. Est-ce que ça ne risque pas de paralyser d’autres opposants ? C’est évidemment l’objectif de Poutine, qui veut provoquer la terreur pour faire taire toute contestation. Mais voyez aussi ces Russes qui osent aller déposer une fleur en hommage à Navalny, sachant bien que ce geste leur vaudra la prison… On ne peut pas savoir la portée d’un geste comme celui de cet homme qui est librement allé jusqu’au bout de son engagement. Il rejoint les figures d’héroïsme de notre époque. Et il ne tient qu’à nous aussi de faire vivre sa mémoire.
C’est le dernier verset, mystérieusement, l’ultime leçon d’Alexeï Navalny : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. ». Vraiment, sa mort ne peut pas rester sans effet.
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Retrouvez :
- Le lundi : Pierre Durieux, secrétaire général de l’association Lazare, et Clotilde Brossollet, éditrice ;
- Le mardi : Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales, et Théo Moy, journaliste à La Croix ;
- Le mercredi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Joseph Thouvenel, directeur de la rédaction de Capital social ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Nathalie Leenhardt, journaliste, ancienne rédactrice en chef du magazine Réforme, et Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018).
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