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Vendre son entreprise, une décision qui pose beaucoup de questions

Vendre son entreprise, une décision qui pose beaucoup de questions

Un article rédigé par Martin Obadia - RCF Haute-Loire, le 15 décembre 2025 - Modifié le 15 décembre 2025

L'Auvergne et plus globalement la France sont confrontés depuis plusieurs mois à la disparition de grandes entreprises, de grandes marques ou à leur déséquilibre en raison d'un climat économique compliqué. Dans ce contexte, certaines entreprises sont vendues. Soit elles ne peuvent pas être reprises par un membre de la famille soit elles choisissent une orientation différente ou profitent d'opportunités. La vente d'une entreprise soulève plusieurs questions. 

Plusieurs éléments sont à prendre en compte quand choix est fait de vendre son entreprise /Image d'illustration PixabayPlusieurs éléments sont à prendre en compte quand choix est fait de vendre son entreprise /Image d'illustration Pixabay

Transmettre son entreprise à un membre de sa famille est une démarche complexe pour celui ou celle qui l'a créé de toute pièce ou qui l'a repris d'un père, d'une mère. Quand il s'agit de le vendre à une personne extérieure ou à une autre société, ça peut être plus compliqué. Nicolas Iordanoff, consultant en stratégie et conduite du changement à Alterego43 propose son éclairage sur le sujet.

 

Martin Obadia : Il existe différents types de repreneurs pour une entreprise quand un membre de la famille ne souhaite pas reprendre l'activité, quels sont ces différents repreneurs ?

Nicolas Iordanoff : Ces repreneurs sont de 3 types. Ce sont 3 grandes familles. Il y a d'abord la personne individuelle, qui était elle-même souvent un entrepreneur aussi ou qui a envie de se lancer dans cette aventure. On peut avoir une entreprise, auquel cas ça peut être un concurrent, voire un groupe industriel. Et on peut avoir aussi un fonds d'investissement.  

 

Chacun a son intérêt, son projet et cela pose la question des enjeux de la reprise...

Pour une personne physique, on peut s'attendre à une nouvelle proximité avec son patron. On peut avoir l'espérance de valeurs et d'une culture d'entreprise qui se poursuivent. Donc c'est cette proximité qu'on va pouvoir espérer garder. Si le repreneur est une entreprise d'un type concurrent ou une entreprise qui est déjà présente, un groupe, là il y a un risque d’absorption avec une perte de culture, des restructurations qui vont toucher à la fois l'organisation mais aussi l'équipe et les ressources humaines. Et si le repreneur est un fonds d'investissement, c'est une autre logique encore. Il faut s'attendre à des audits assez impitoyables parce que la financiarisation est très présente dans ces stratégies. Mais chacune d'entre elles aussi pourra apporter des opportunités tout à fait positives.

 

Oui, et si on parle fonds d'investissement, il y a aussi un enjeu d'emploi. Le fonds d'investissement ne va pas forcément conserver toutes les équipes, dans cette logique de financiarisation...

Le fonds d'investissement, va être dans ce qu'on appelle la stratégie des cost-killers, donc les chasseurs de coups. Chaque fois qu'on peut supprimer un emploi, on va le faire. En même temps, il peut y avoir aussi des opportunités qui vont peut-être plus toucher des cadres supérieurs pour pouvoir remonter en compétence sur certains sujets qui sont beaucoup plus sensibles pour le fonds d'investissement.

On est dans des réflexions qui sont autres par rapport à la cession à un de ses enfants parce qu’il y a le risque de voir disparaître vraiment son bébé alors que quand on le cède à un enfant, généralement, on a toujours un petit œil dessus.

 

Pour le cédant de l'entreprise, est-ce que c'est plus compliqué de vendre son entreprise que de la céder à un membre de la famille ?

Oui, c'est complètement différent. On est dans des réflexions qui sont autres par rapport à la cession à un de ses enfants parce qu’outre le syndrome des pantoufles, il y a l'échec du successeur si c'est une personne physique. Il y a le risque de voir disparaître vraiment son bébé alors que quand on le cède à un enfant, généralement, on a toujours un petit œil dessus. C'est aussi, et ça peut être un peu plus difficile, la crainte de quelque chose de l'ordre d'une trahison à l'égard des salariés. Si l'entreprise part à un grand groupe industriel ou sur un fonds d'investissement, donc ça peut laisser un sentiment de culpabilité.

 

Oui, c'est le fait que le cédant se pose la question de l'avenir de ses salariés, qu'est-ce qu'il va advenir d'eux ?  

Tous les patrons que l'on peut croiser, et notamment sur notre territoire, sont des gens qui sont très proches de leurs salariés, avec leur manière de faire, etc... Parfois ils peuvent être bougons, paternalistes, ronchons, etc... Mais en même temps, il y a une réelle proximité et une affection entre les salariés et les patrons.

 

Combien de temps faut-il prévoir, pour un cédant afin qu’il prenne la décision de vendre son entreprise, faute de repreneur dans la famille ?

3 à 4 ans avant, et j'ai envie de dire que c'est l'occasion d'organiser un propre audit de sa structure pour optimiser les processus de production, l'organisation, la manière dont le pouvoir, le management est organisé. Finalement ça a 2 mérites : d'une part, ça prépare bien la transition pour le repreneur et d'autre part, ça peut valoriser aussi financièrement l'entreprise parce que le cédant arrive avec des modes opératoires qui sont parfaitement clairs. Pour le repreneur, c'est quand même extrêmement intéressant.

Il y a l'anxiété au regard d'une restructuration possible, de perte d'emploi. Parfois, c'est le moment où les anciens s'en vont.

Nicolas Iordanoff - Vendre son entreprise à un tiers extérieur, quels enjeux pour le cédant et ses salariés ?

Du côté des salariés, cette décision de vendre n'est pas forcément facile. Ça peut susciter des peurs, des craintes de se dire “c'est une personne qu'on ne connaît pas qui va racheter” ?

C'est normal, c'est complètement humain. On parlera des dimensions anxiogènes de la cession d'une entreprise pour les salariés avec plusieurs aspects. C'est d'abord le côté nostalgique, “c'était mieux avant là”. On va souvent se rendre compte d'ailleurs après la cession que l'ancien patron avait peut-être des défauts mais que finalement on les aimait bien et qu'il gérait bien sa boutique à sa manière. Donc c'est aussi une préparation au changement. Il y a l'anxiété au regard d'une restructuration possible, de perte d'emploi. Parfois, c'est le moment où les anciens s'en vont. Alors d'abord parce que ce sont parfois aussi les salaires les plus élevés. Ce sont de nouvelles politiques RH, surtout s'il y a des groupes ou des fonds d'investissement. C'est anxiogène.

 

Peut-il se créer des jeux d’influence de pouvoir au sein des salariés ?

Il y a aussi ça, ce sont toutes ces stratégies interpersonnelles et qui sont aussi en lien avec la gouvernance. On a toujours quand même plus ou moins envie d'être bien vu de son patron. Il y a peut-être des sujets qui n'ont jamais été réglés et qui sont des sujets de colère ou de rancœur avec l'ancien patron qu'on aimerait transformer avec le nouveau ou à l'occasion de la session. Il y a tout un ensemble de jeu, de pouvoir, d'influence, de manipulation qui peuvent avoir lieu dans ces moments-là. Il ne faut pas les craindre, au contraire, il faut d'abord les anticiper et puis le savoir, de manière que le repreneur sache exactement où il met les pieds et qu'il ait toutes les hypothèses de ce qui peut bouger dans l'entreprise du point de vue social.

 

Le repreneur, que peut-il mettre en place pour accompagner les salariés dans cette phase ?  

La première démarche, c'est d'avoir un discours extrêmement clair sur la mission et la vision de l'entreprise et comment ils la voient. De respecter et bien sûr de communiquer qu'il y a une continuité entre l'ancien dirigeant et le nouveau. Il est important de rassurer très vite aussi les cadres de plus haut niveau de l'entreprise parce que ce sont généralement les relais privilégiés avec l'ensemble des collaborateurs, techniciens, employés et ouvriers. Ce sont les courroies de transmission. C'est important de les choyer, de les avoir très rapidement auprès de soi, de pas venir en mode vainqueur mais bien en mode apprenant. “Apprenez-moi ce que vous faites, comment vous le faites. Est-ce que vous voyez des leviers d'amélioration ?” C'est vraiment de créer ce dialogue très rapidement avec l'ensemble des équipes et j'ai envie de dire que y a une logique, c'est assez anglo-saxon c'est de pouvoir aider le repreneur à s'engager sur ce qu'on appelle des “victoires rapides” ou des “Quick Wins”, c'est à dire de pouvoir montrer qu'il sait être efficace comme l'était l'ancien et peut être même sur des terrains nouveaux. C’est de montrer que la continuité est en place et qu'il est capable d'aller aussi sur des terrains nouveaux pour l'entreprise. On a bien un nouveau dirigeant qui arrive, qui est un gagnant.

Ça peut être des opportunités d'amélioration de l'organisation de l'entreprise ou d'opportunités commerciales ou de développement.

 

Que peut apporter à la société, aux salariés d'être racheté par un acteur extérieur ? Ça peut être une opportunité aussi pour cette société ?

Ce sont des opportunités de promotion, de formation, de pouvoir changer sa perspective de carrière. Qui dit nouvel interlocuteur dit nouvelle façon aussi d'échanger, de parler, de communiquer. Il y a toute la partie interpersonnelle qui va évoluer, c'est aussi une opportunité. Le repreneur ne verra pas les choses de la même manière que le cédant. Et ça peut être aussi des opportunités d'amélioration de l'organisation de l'entreprise ou d'opportunités commerciales ou de développement.  Ça peut être intéressant que le repreneur mette en place aussi un accompagnement des salariés pour aller tout de suite à la rencontre du vivier de savoirs, d'expériences que représente l'ensemble de ces salariés. 

Entretien avec Nicolas Iordanoff à réécouter ci-dessus.

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