MaPrimeRénov' est mise entre parenthèses. Le ministre de l'Économie a confirmé mercredi l'interruption dès le 1er juillet du dispositif d’aide à la rénovation énergétique des logements. C’est une nouvelle déconvenue pour MaPrimeRénov', pour les particuliers dont le dossier n’avait pas encore été validé et cela inquiète les entreprises secteur.
Après quelques jours passés dans le flou, le 4 juin, le verdict est tombé: MaPrimeRénov’, principal dispositif d’aide à la rénovation énergétique en France, est suspendue. C'est un nouvel écueil pour un système régulièrement critiqué pour son manque de lisibilité, ses évolutions chaque année, quitte à devenir un véritable casse-tête administratif avec des retards de paiement pour les entreprises et les particuliers. Pour les professionnels du secteur, cette décision fait l’effet d’un coup de massue.
La suspension de MaPrimeRénov' avait été annoncée le 2 juin par le Parisien, puis mollement démentie par le ministère du logement évoquant des décisions pour la mi-juin. Finalement, Bercy a tranché mercredi. “Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes commises, sur lesquelles il est impératif d’agir, parce qu’il s’agit de finances publiques. Nous voulons reprendre la main : d’où la suspension" a annoncé Eric Lombard, ministre de l'Économie devant le Sénat lors des questions au gouvernement.
Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes commises, sur lesquelles il est impératif d’agir
Pour expliquer cette situation, Le Parisien avançait lui l’épuisement des crédits prévus pour l’année 2025 déjà consommés, soit 3,6 milliards d’euros prévus cette année contre pratiquement 5 milliards en 2024. "Le cœur du problème, c’est la baisse du budget 2025. Fin 2024, tous les signaux montraient que la demande pour MaPrimeRénov' décollait. Malgré cela, le gouvernement a choisi de réduire de 1,5 milliard d’euros le financement. Résultat : la courbe de la demande monte, celle du financement descend, elles se croisent, et ça mène à la situation actuelle” explique Damien Barbosa, coordinateur du collectif Rénovons pour le réseau Cler dans un contexte d’instabilité politique que l’on connaît.
Le but premier de MaPrimeRénov' est de prioriser la rénovation de grande ampleur pour être plus efficace et supprimer le plus de logements passoires énergétique. “Ce qui a été mal calibré, c’est l’afflux de demandes et le temps nécessaire pour instruire les dossiers” analyse Hugues Sartre cofondateur de Homyos entreprise spécialisé dans les travaux de rénovation énergétique. Le dispositif finance jusqu'à 90% du montant des travaux. Le nombre de logements ayant pu en profiter a triplé au premier trimestre 2025, par rapport à la même période de 2024, selon des chiffres de l'Agence nationale de l'habitat publiés fin avril. Sans que cela ne s'accompagne d'une augmentation du budget total. Et concernant les fraudes, là aussi le gouvernement à mal évalué la situation. “Lutter contre la fraude allonge les délais de traitement. Il n’y a pas eu de vraie prise de conscience des tentatives passées. Suspendre les aides six mois serait une folie, mais un gel temporaire, cet été, pourrait être stratégique” ajoute-t-il.
Le ministre de l’Économie n’a, pour l’heure, annoncé aucune date de dégel. Le dispositif pourrait, selon lui, reprendre d’ici fin de 2025. “L’incertitude persiste depuis le début de l’année et fragilise un secteur déjà en recul depuis plus de deux ans. Si les rénovations d’ampleur ont généré des fraudes, suspendre le dispositif ne serait ni audible ni acceptable face au défi majeur de la rénovation énergétique” souligne Jean-Christophe Repomp, président de la Capeb, la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Ce "stop and go" est un mauvais signal et un arrêt de longue durée serait problématique pour les entreprises qui opèrent les travaux. Durant le gel du dispositif, le gouvernement veut travailler à mieux détecter les fraudes potentielles en amont pour accélérer le traitement des dossiers. Pour 2026, les arbitrages seront rendus cet été dans le contexte de trouver 40 milliards d’euros d’économies.“Il y a de l’inquiétude. Mais l’investissement public dans la rénovation énergétique est, à terme, source d’économies pour l’État. En éradiquant la précarité énergétique, on prévient des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Selon nos estimations, cela pourrait permettre 500 millions d’euros d’économies annuelles pour la Sécurité sociale” explique Damien Barbosa.
En éradiquant la précarité énergétique, on prévient des maladies respiratoires et cardiovasculaires
Certains insistent sur les retombées économiques pour l'État. “MaPrimeRénov’ représente 2,3 milliards d’euros, mais elle génère 12 à 13 milliards d’activités, avec des retombées fiscales et sociales bien supérieures aux sommes engagées. Ce n’est pas une simple dépense, c’est un investissement” rappelle Jean-Christophe Repomb. La Capeb demande à la ministre du logement d’élargir le dispositif au-delà de la rénovation d’ampleur. MaPrimeRénov’ a permis de financer la rénovation énergétique de 2,5 millions de logements depuis sa création.
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