Pourquoi sommes-nous attirés par les parfums ?
Souvent perçu comme un simple accessoire de séduction, le parfum est en réalité bien plus qu’une fragrance agréable. D’abord réservé à une élite, sa démocratisation est un processus long. Entre rituels religieux, traditions culturelles et marketing contemporain, le parfum s’illustre au cours du temps comme un révélateur d'identité, porteur de sens et déclencheur d'émotion. Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
© Zeyneb Alishova / PexelsQu’il s'agisse d’odeurs boisées fleuries ou orientales, le parfum s’est petit à petit diffusé au cours des siècles. Contrairement aux idées reçues, il est apparu très tôt, dès les premières civilisations.
Initialement c’était un produit rare et d'exception qui pendant longtemps était destiné uniquement à une élite. Il faudra attendre le 20e siècle et les années 1970 pour que le parfum se démocratise pleinement.
L’avènement du parfum, une histoire qui ne fait pas pschitt
Au temps de l’Égypte antique, le parfum était le lien entre les Dieux et les Hommes. "Il avait, pour les Égyptiens, trois fonctions principales. Une première fonction sacrée, une seconde thérapeutique et une fonction d'esthétique", explique Annick Le Guérer, anthropologue, philosophe, historienne spécialiste de l’odorat et du parfum. Principalement utilisé pour les rites religieux ou les grandes cérémonies, leur but est de relier la Terre des Hommes à celle des Dieux, afin de "séduire" leur divinités. "Les premiers Hommes pensaient que quand un malheur s'abattait sur la Terre, c'est que les Dieux étaient en colère. Et s'ils étaient en colère, c'est qu'ils avaient faim. Il fallait donc les nourrir par ces fumées odorantes, invisibles, et olfactives", raconte Élisabeth de Feydeau, historienne, experte en parfums.
Avec l’excès de marketing, il perd son âme et sa fonction première.
Le chemin du parfum est long. Bien qu’aujourd’hui, il soit synonyme de bonheur et plaisir, il avait autrefois une vertu thérapeutique. "Il faudra attendre 1880 avec un édit de Napoléon qui sépare la parfumerie de la pharmacie, pour que les parfumeurs n'aient plus le souci de soigner en même temps que de faire des parfums esthétiques", souligne Annick Le Guérer.
Aujourd’hui le parfum demeure un produit d'exception mais un vrai marché s’est installé. “Avec l’excès de marketing, il perd son âme et sa fonction première", déplore Élisabeth de Feydeau. Pour pallier cette perte d'identité, des marques niches font leur apparition pour représenter la parfumerie alternative et revenir à la définition première du produit. Le parfum étant devenu un produit d’utilisation courant, ces marques sont de plus en plus importantes sur le marché pour éviter qu’il ne devienne qu'une simple marchandise.
L’effet du parfum sur le cerveau
“Il n’y a pas de vérité en parfum. Quand on enregistre une odeur, on enregistre une sensation physique qui va avec", affirme Élisabeth de Feydeau. Le produit odorant et l’odeur que perçoit le cerveau sont différents car chaque nez reçoit l’information et la traite à sa manière. "Le message chimique se transforme en un message nerveux que le cerveau interprète pour générer l’odeur”, précise Roland Salesse, ingénieur agronome, spécialiste en biologie moléculaire et cellulaire. Au-delà d’un plaisir, les odeurs révèlent des choses chez chaque personnes d'où l'expression, utilisée en psychologie et en sociologie, "dis-moi quel est ton parfum, je te dirai qui tu es".
Le message chimique se transforme en un message nerveux que le cerveau interprète pour générer l’odeur.
La perception des odeurs étant différente chez chacun, la sensibilité l’est aussi. Elle peut tout d’abord s’expliquer par l'âge. "J’ai l’impression qu'avec l'âge on perd l’odorat, je me rendais compte petit à petit que mes parfums perdaient de l’odeur", raconte Bernadette, une auditrice de l'émission. Toute notre vie, les muqueuses olfactives se régénèrent mais arrivé à un certain âge, le processus est plus lent. Ainsi, plus une personne est âgée, moins son cerveau est sensible aux odeurs. Certains peuvent être hyperosmie, c’est-à-dire avoir un odorat surdéveloppé jusqu’à se sentir mal car les odeurs sont présentes, d’autres peuvent être hyposmie ou anosmie, ce qui signifie ne sentir que très peu voire pas du tout les odeurs.
Je crois qu'on ne peut pas aimer quelqu’un dont on n’aime pas l’odeur.
“À partir du moment où un parfum plait, le système de récompense du cerveau s’active et donne envie de revenir vers la senteur ou vers la personne qui le porte”, explique Roland Salesse. Ainsi, l’odeur joue un rôle dans la rencontre amoureuse. “On prétend que c’est l’odeur qui est à l'origine du coup de foudre, je crois qu'on ne peut pas aimer quelqu’un dont on n’aime pas l’odeur”, souligne Élisabeth de Feydeau. Le psychanalyste François Dolto demandait d'ailleurs aux gens qui voulaient se marier si leur odeur s’accordait.
Des traditions aux normes, la symbolique des parfums
Aujourd’hui perçu comme synonyme de séduction, le parfum adopte cette connotation très tard. Initialement mal perçu car associé aux péchés, les femmes qui en portaient était considérées comme des femmes de mauvaise vie. "Le mot « putain » vient de « putare » qui signifie « sentir trop fort »", indique Élisabeth de Feydeau. À cette époque, seuls les écrivains et les poètes parlent du parfum, le décrivant comme "ce qui leur reste de délicieux de l'être aimé". L’idée de séduction était rattachée à la féminité.
“Dans toutes les religions, les Dieux sentent bon, les odeurs sont un témoignage des saints vers le divin", déclare Annick Le Guérer. Le parfum est lié à la bonne odeur, qui se réfère à la vie sacrée. Les Égyptiens, pour une seconde vie après la mort, se faisaient embaumer pour devenir des parfumés, c'est-à-dire des Dieux et ainsi avoir une vie éternelle. “Ils allaient chercher des produits très loin ce qui montre que le prix qu’ils attachaient aux fragrances jouaient un rôle dans les effets réels ou supposés”, commente Roland Salesse.
Le parfum était aussi lié au pouvoir. “En se revêtant de parfum, le pharaon était considéré comme un Dieu sur Terre” affirme Élisabeth de Feydeau. “Au contraire, les mauvaises odeurs sont liées à la mort, au mal, aux maladies, au diable et à l'enfer”, ajoute Annick Le Guérer. Certaines pratiques culturelles requièrent beaucoup d’odeurs, c’est le cas de la douche orientale au Moyen-Orient, d'autres moins, comme en Asie où les senteurs sont plus discrètes pour ne pas importuner les autres.


Cette émission interactive présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité, et pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 01 56 56 44 00, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr




