
A l'occasion de la troisième édition de "l'Instant cyber et IA", qui s'est tenu à Vannes le 15 mai dernier, rencontre avec Emmanuel Frénod, fondateur et directeur scientifique de la société de conseil See-d, et professeur de mathématiques appliquées à l'Université Bretagne sud.
Par exemple, on peut se dire qu'avec les formations en cybersécurité de l'Université Bretagne Sud, on a formé depuis 2013, la date de début, environ 1000 étudiants. Donc ça, c'est une action très forte qui montre que nous sommes de grands contributeurs à la cybersécurité, sur le plan, non seulement local, mais national, voire international.
En effet, certains de nos étudiants sont dans des grandes entreprises du monde entier. Nous avons également un master Erasmus Mundus qui s'appelle “Cyberus”, qui rassemble, sur le plan international, des gens de très haut niveau et qui font de la cybersécurité à un très haut niveau.
Et puis, d'autre part, on a de la recherche qui se mène à l'Université Bretagne Sud, et qui a commencé bien avant que la cybersécurité et l'intelligence artificielle soient à la mode. Ce sont donc, des chercheurs qui ont mis en place des méthodes qui sont aujourd'hui utilisées en cybersécurité et en intelligence artificielle.
Je vais répondre sur plusieurs points. Premièrement, sur tout ce qu'on appelle l'IA générative, qui est très à la mode en ce moment. C'est ChatGPT, c'est Mistral, etc. Globalement, ce sont des robots qui se comportent un peu comme des humains, qui parlent comme nous, on leur pose des questions, ils nous répondent et les réponses ne sont généralement pas trop mauvaises.
En ce qui concerne cela, je pense que si nous voulons faire quelque chose de souverain, il est nécessaire d'aller chercher des outils qui existent, les rapatrier et les faire tourner sur des machines en local, pas de les faire tourner sur des machines américaines ou chinoises, parce que ça, c'est très dangereux !
Mais il ne faut pas seulement se cantonner à faire ça, il faut aussi se dire que, même si nous mettons les intelligences artificielles sur nos machines et qu'elles sont utilisées par plusieurs personnes, elles peuvent créer des failles de sécurité. Il faut donc aussi, faire très attention quand nous mettons en œuvre les outils chez nous.
Deuxièmement, je pense qu'il y a toute une partie de l'IA qui aujourd'hui, n'est pas encore conquise par les grands acteurs américains et chinois. Pour moi, cela concerne tout ce qui touche au pilotage par l'intelligence artificielle de processus industriels. Et là, je crois qu'on peut vraiment développer des choses en Bretagne. D'ailleurs, j’y contribue assez fortement.
Je crois qu'il faut le faire assez rapidement, parce que très bientôt, il y aura des grands acteurs américains et chinois qui vont arriver avec des outils qui ne seront sans doute pas très performants au début, mais comme ils auront de l'IA, ils vont progresser. En quelques mois, ils pourraient très vite conquérir le contrôle de tous nos outils de production.
Alors oui, l'IA peut être une arme de guerre, je vais tout de même préciser. Je pense très clairement que certaines grandes puissances utilisent l'IA pour conquérir le monde, tout comme nous utilisions des armes pour conquérir le monde au XIXe siècle. Dans le cadre de cette utilisation, l’IA peut devenir une arme de guerre
Il y a des outils pour, par exemple, piloter des cultures de légumes ou pour piloter des élevages de poules pondeuses qui sont mis en place et qui utilisent de l'intelligence artificielle. Cela est très concret. Nous pouvons aussi faire de l'optimisation logistique, ça concerne des entreprises et des industries qui sont très proches de nous, mais aussi très loin de nous. Parce que ces problèmes de logistique sont partout, je pense que l’on peut dire que l'IA peut servir à beaucoup de choses.
Elle peut aussi servir à l'innovation sociale. En fait, l'IA, c'est quelque chose qui peut être vraiment bien si les gens se l'approprient. Ça demande de s'y former, mais pas simplement de s'y former en disant « Comment je vais pouvoir prompter ChatGPT», mais en se disant aussi « Qu'est-ce qui est sous-jacent à ça ? » Il faut se l'approprier parce qu'il y a du super bien, et il y a du super dangereux.
Il faut être capable de bien doser tout ça. En clair, je suis très optimiste sur le fait que l'IA va nous servir, mais il y a des risques qu'il faut savoir bien piloter.
Bien sûr ! On y développe des outils de pilotage que j'appellerais robustes, à destination des entreprises. Et en particulier, les exemples que je donnais, sur les poules pondeuses et sur les parcelles de légumes, ce sont des choses dans lesquelles cette entreprise “See-d”, a été fortement appliquée.
D'une manière générale, je pense qu'il est indispensable de faire en sorte que ce qui est pensé dans l'université aille très vite dans le monde des entreprises pour être mis sur le marché. Ce n'est pas simple, mais en même temps, ce n'est pas la peine d'attendre cinquante ans pour que des choses très intéressantes soient mises à disposition du monde entier.
D'autre part, il y a un autre sujet qui est extrêmement intéressant, c'est que les chercheurs, dont je fais partie également, ne cherchent non pas des solutions, mais des problèmes. Et le monde des entreprises regorge de problèmes, il est donc absolument très intéressant d'avoir cette connexion parce qu'il y a plein de problèmes qui peuvent remonter et qui peuvent ouvrir sur des sujets de recherche.
Typiquement l'application de l'intelligence artificielle sur des problèmes d'agriculture. Il s’agit plus d’un problème qu'une solution aujourd'hui, donc il y a encore beaucoup de recherches à faire sur tous ces sujets.
Si on est une équipe de foot et qu'on se dit qu'on peut mettre 30 avants-centres, 12 arrières, 200 personnes dans le terrain, on va gagner. Surtout si en face, ils doivent respecter les règles. Mais la réalité, c'est que de toute façon, quoi qu'on fasse, on est sur un environnement qui est contraint.
Bien sûr, on ne fait pas assez, mais je ne suis pas sûr qu'on puisse faire beaucoup plus. Il y a sans doute des efforts à faire, des restructurations à mener, mais je pense que globalement, on fait avec les moyens qu'on a très bien déjà.
Je suis un précurseur de cet avis. Moi, je pousse depuis dix ans, il faut faire de l'IA à destination de la production. C'est un pan entier qui n'est pas aujourd'hui investi très très fortement. Si on le fait, il y a des gens qui ont commencé et qui en font partie, si on intensifie ça, je pense qu'on peut avoir une très grande longueur d'avance et être vainqueur sur ce pan.
Donc oui, je crois qu'il faut effectivement investiguer ce champ et ça demande des investissements qui, à mon avis, aujourd'hui ne sont pas à la hauteur de ce qui est nécessaire.
Alors je dirais, la Bretagne s'est positionnée sur la cybersécurité et l'IA, en particulier l'université de Bretagne Sud, donc ça c'est très bien. Je pense qu'il y a des défis qu'elle est en train d'intégrer. Par contre, je pense qu'elle devrait beaucoup plus s'investir sur l'utilisation, le développement d'outils d'IA pour piloter des outils de production.
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