Une nouvelle proposition de loi fait débat : le projet de loi Duplomb-Ménonville. Le texte entend lever les contraintes et les normes qui pèsent sur les agriculteurs. Notamment en réintroduisant l’acétamipride, un néonicotinoïde. Connu pour décimer les insectes pollinisateurs comme les abeilles, il était totalement interdit en France depuis près de 10 ans.
Dans la continuité de la loi agricole votée suite aux fortes mobilisation du secteur, une nouvelle proposition de loi divise: le projet de loi Duplomb-Ménonville, porté par les Républicains et l’UDI. Le texte entend lever les contraintes et les normes qui pèsent sur les agriculteurs, notamment en réintroduisant un type de pesticides : les néonicotinoïdes. L’acétamipride, pour être précis.
Connus pour décimer les insectes pollinisateurs comme les abeilles, ces substances étaient totalement interdites en France depuis près de 10 ans.
Votée par le Sénat fin janvier, la loi Duplomb-Ménonville doit désormais être débattue en procédure accélérée à l’Assemblée nationale.
Lever de bouclier chez les associations environnementales et les apiculteurs.
Dorian Guinard est juriste et porte-parole de l'association "Biodiversité sous nos pieds" à Grenoble.
RCF Isère : Le glyphosate a été reconduit pour 10 ans, aujourd’hui la France débat de la réintroduction d’un pesticide avec la loi Duplomb. De quoi il retourne ?
"En 2016, la France avait été un modèle dans l'Union européenne parce qu'elle avait interdit l'ensemble des molécules qu'on appelle les néonicotinoïdes, c'est-à-dire les molécules qui ont un impact sur le système neuronal des pollinisateurs.
Dernièrement, il y a une proposition de loi du sénateur Duplomb, qui va être discutée à l'Assemblée nationale, et qui veut réintroduire la dernière molécule encore autorisée. Il y en avait cinq, on en a interdit quatre à l'échelle de l'Union. Il n'y en a plus qu'une, l'acétamipride, qui à priori va être réintroduite en France, parce qu'elle est autorisée à l'échelle de l'Union.
Si cet acétamipride est re-commercialisé en France par le biais d'une loi, on aura sacrifié un certain nombre d'impératifs sanitaires et environnementaux sur l'autel d'impératifs économiques, qui sont encore une fois des impératifs économiques de court terme
La France avait été le fer de lance d'un modèle environnemental par le haut. L'Union européenne l'avait suivie. Là, la France est en train de discuter pour s'aligner vers le bas environnementalement, pour réintroduire l'acétamipride, dont on connaît les impacts sur les faunes, qui sont extraordinairement délétères, mais aussi les impacts sur la santé humaine, notamment sur le système nerveux […] Ce qu'il faut avoir en tête, c'est que si cet acétamipride est re-commercialisé en France par le biais d'une loi, on aura sacrifié un certain nombre d'impératifs sanitaires et environnementaux sur l'autel d'impératifs économiques, qui sont encore une fois des impératifs économiques de court terme."
Les pesticides sont utilisés par les agriculteurs, notamment pour augmenter leur rendement. Est-ce qu’ils sont "les méchants dans l'histoire" ?
"Non. Les agriculteurs, ce sont des gens qui sont dans un désarroi total, qui ont été laissés de côté par les gouvernements successifs pendant très longtemps, qui ont été des variables d'ajustement sur l'autel d'un certain nombre de signatures de traités internationaux qui ne les mettaient pas du tout en valeur. [...] Pour les agriculteurs, la question centrale c'est celle du revenu, ce n'est pas celle de l'environnement.
A partir du moment où on leur garantira un revenu, notamment par des prix planchers, on arrivera à avoir une dimension environnementale largement plus respectée. [...]
La faute, elle est à mettre sur les pouvoirs publics et singulièrement sur les gouvernements qui n'ont jamais pris la mesure du désarroi agricole et qui aujourd'hui prennent des mesures de court terme qui ne répondent ni aux soucis des agriculteurs, ni au péril de l'effondrement de la biodiversité."
Si on parlait un peu des territoires, est-ce qu'ils ont quelques marges de manœuvre ?
"J'aimerais dire oui… Mais non. La réglementation des pesticides, c'est une police administrative qui échoit à l'État via les préfets et pas du tout aux maires."
Vous êtes plutôt optimiste ou pessimiste ?
"Moi de nature, je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je suis quelqu'un d'extraordinairement réaliste. Mais l'effondrement de la biodiversité qui est encore résiduel dans la tête d'un certain nombre d'élus incite à penser que les choses ne vont pas s'arranger."
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