Perte d'autonomie : comment accompagner les personnes âgées ?
L'autonomie est une valeur cardinale dans notre société et la perte d'autonomie fait peur. Elle survient le plus souvent à mesure que l'on vieillit. Mais de quoi s'agit-il ? Est-ce la capacité à se déplacer, à émettre un jugement éclairé, à prendre des décisions, à exprimer ses goûts ? Les médecins l'évaluent selon des critères objectifs, pour accompagner au mieux une personne âgée. Mais il peut y avoir aussi des critères subjectifs, comme continuer à faire ce qu'on aime...
L'autonomie, c'est "continuer de faire ce qu’on a envie de faire avec autant de plaisir, avec autant de joie." ©FreepikC’est une question qui nous touche de près, et qui nous atteint parfois au plus profond de nous-mêmes. Voir un proche vieillir et décliner dans ses capacités physiques et cognitives peut nous déstabiliser profondément. L’allongement inédit dans l’histoire de l’humanité de l’espérance de vie nous place devant des questions parfois pressantes. Est-ce normal si un parent âgé oublie des choses, s’il tombe parfois ? Peut-on lui interdire de conduire ou de partir loin et seul quelque part ? Faut-il éviter à tout prix le placement en institution ? À quel moment parle-t-on de perte d'autonomie ? Frédéric Mounier, avec le jésuite Père Bruno Saintôt, coresponsable du domaine d’éthique biomédicale aux Facultés Loyola Paris, vous proposent une émission pour tenter d’apprivoiser ensemble cette évolution qui nous concernent tous.
À partir de quand commence-t-on à vieillir ?
Vieillir c’est bien souvent marcher et se déplacer plus lentement ou avoir besoin de plus de temps pour réfléchir. Si le fait de perdre certaines capacités fait partie du vieillissement, les personnes âgées qui sont accueillies en Ehpad ou dans les services gériatrie des hôpitaux sont une minorité. Les patients que l’on voit à l’hôpital, ce sont "les plus âgés de plus graves des plus dépendants", témoigne le le Dr. Hélène Levassort, gériatre à l’hôpital Ambroise-Paré (Paris).
À partir de quand commence-t-on à vieillir ? Est-il normal à partir d’un certain âge d’avoir du mal à marcher, de tomber, d’avoir des trous de mémoire ? Identifier ce qui relève du vieillissement pathologique, c’est tout le travail des médecins, explique le Dr. Géraldine Buard, neurologue au service de gériatrie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). "Il y a des critères objectifs, dit-elle. Par exemple, ce n’est pas normal en vieillissant de voir apparaître des troubles cognitifs."
Vieillir en soi n’est pas une maladie – cela semble évident mais utile de le rappeler. "Il y a des problèmes de santé qui sont fréquents chez les sujets âgés et qui ne relèvent pas d’une maladie spécifique mais qui vont arriver sur des multiples facteurs médicaux", explique le Dr. Hélène Levassort. Ces problèmes de santé propres à l’âge, ce sont les syndromes gériatriques.
Chutes, syndromes dépressifs ou incontinence urinaire sont des syndromes gériatriques mais on peut vieillir sans qu’ils apparaissent. S’ils surviennent, ils ne sont pas nécessairement le signe d’une maladie. Les syndromes gériatriques indiquent au médecin quelle "trajectoire" prend le vieillissement, nous dit le Dr. Levassort. Vers quelle perte d’autonomie allons-nous ? Quelles difficultés peuvent se présenter au vue de ces syndromes en cas de maladie ou d’hospitalisation ?
L’autonomie, une valeur cardinale
Être autonome, on l’apprend dès l’enfance. L’autonomie semble être une valeur cardinale dans notre société que l’on dit individualiste. Mais qu’est-ce que l’autonomie ? Pouvoir se mouvoir seul, émettre un jugement éclairé, prendre des décisions, exprimer ses goûts et préférences… "En fait, le mot d’autonomie a des significations assez différentes, résume Bruno Saintôt. Comme une grosse valise dans laquelle on a mis beaucoup de choses."
Les médecins évaluent l’autonomie d’une personne selon des critères objectifs. "On a des grilles standardisées qui nous aident à évaluer l’autonomie, décrit le Dr Levassort, non pas dans un objectif de mettre le patient dans une case mais pour répondre à la question : Qu’est-ce qu’on va faire pour aider l’amélioration de l’autonomie à domicile, pour améliorer la qualité de vie ?" Des critères comme : la marche, la continence, la capacité de faire ses courses soi-même, de remplir sa feuille d’impôts…
L’autonomie peut aussi se mesurer de façon subjective. Pour le Dr Buard, le critère c’est la "qualité de vie : Continuer de faire ce qu’on a envie de faire avec autant de plaisir, avec autant de joie." Or, cela dépend souvent de chacun. Une personne pourrait renoncer à conduire une voiture sans qu’elle se sente moins autonome, une autre au contraire pourrait avoir le plus grand mal à abandonner la conduite.
Ainsi donc quelle est la norme en matière d’autonomie ? "Est normale la capacité que nous avons à adopter un autre style de vie, à normer autrement son existence, explique le P. Saintôt, d’après le philosophe Georges Canguilhem. Il y a des normes qui éveillent l’attention des médecins et puis il y a la capacité du sujet d’adapter sa propre existence en fonction d’une diminution de capacités. Il est normal en ce sens que le sujet définisse une autre norme d’existence qui lui est propre."
Quand le vieillissement est trop difficile à accepter
Les neurologues et les gériatres sont souvent en première ligne pour constater la blessure narcissiquement du vieillissement. Pour le Dr Buart, ceux qui ont le plus de mal à accepter leur vieillissement sont ceux qui en souffrent le plus. Et "ceux qu’il faut qu’on arrive à aider avec le plus de délicatesse et de patience possible parce que pour eux c’est un vrai lieu de souffrance".
Quelle est la bonne attitude à avoir quand un parent âgé est dans le déni ? On en entend peu parler mais dans certaines maladies cognitives survient le symptôme de l’anosognosie. Le patient n’a pas avoir conscience d’être malade. Difficile dans ce cas pour les malades, les médecins et les proches d’entrer dans une alliance thérapeutique.
"La façon dont j’essaie d’aborder les choses, raconte le Dr Levassort, c’est de se demander : Qu’est-ce qui est difficile pour eux aujourd’hui ? Partir de l’expérience du patient, et non pas lui plaquer une difficulté à la figure qu’il n’arrivera pas à recevoir." L’enjeu sera sans doute, comme le dit le Père Saintôt, de faire que l’accompagnement, notamment médical, soit "le lieu d’une grande humanité pour permettre aux personnes de s’accepter elles-mêmes".


La bioéthique en podcast. PMA, GPA, tri embryonnaire mais aussi euthanasie, soins palliatifs... de ses tous débuts à son extrême fin, la vie ne cesse d’être interrogée. Une émission qui décrypte toutes les questions éthiques que posent les avancées de la science et de la loi.
Un podcast en partenariat avec les Facultés Loyola Paris.





