Femmes et sciences : un fossé encore à combler
Aujourd’hui encore, les femmes sont moins nombreuses que les hommes dans les métiers scientifiques. Que ce soit en mathématiques, en physique, en informatique ou en ingénierie, elles restent souvent minoritaires. Pourtant, elles ont les mêmes capacités et réussissent aussi bien à l’école. Pourquoi sont-elles si peu présentes dans ces domaines ? Comment combler ce fossé ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
© FreepikDans les disciplines scientifiques, une fracture persiste entre les sexes. "Notre société fait croire aux filles que les mathématiques ne sont pas faites pour elles", déplore Aline Aubertin, ingénieure, présidente d'honneur & administratrice de Femmes Ingénieures, directrice de générale de l'Isep.
Pourtant, hommes et femmes ont les mêmes capacités cérébrales. "C’est paradoxal dans une société qui prétend lutter contre les inégalités", ajoute-t-elle.
Un fossé historique entre les hommes et les femmes
Le manque de modèles féminins visibles aggrave la situation. De nombreuses femmes scientifiques ont vu leurs découvertes récupérées, voire effacées, au profit d’hommes. "Les droits des femmes sont arrivés tard, et la société reste dominée par les hommes. Ce sont eux qui contrôlent les sphères de pouvoir, y compris celle du savoir", explique Mélanie Guenais, mathématicienne, vice-présidente de la Société Mathématique de France et fondatrice du collectif Maths&Sciences. Plus on monte dans la hiérarchie, plus les femmes se raréfient.
Ce sont eux qui contrôlent les sphères de pouvoir, y compris celle du savoir.
Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. "J’ai travaillé plus de vingt ans dans une société d’informatique, et beaucoup de tâches techniques étaient effectuées par des femmes", témoigne Robert, un auditeur. Historiquement, l’informatique comptait en effet de nombreuses femmes. "Mais à mesure que le secteur a gagné en prestige et en rémunération, les hommes s’en sont emparés, marginalisant les femmes", explique Aline Aubertin. Ce phénomène n’est pas universel : au Maghreb, par exemple, les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses que les hommes dans les domaines techniques et numériques.
Intégrer les femmes dans les sciences, une équation parfois difficile à résoudre
Les domaines scientifiques ont un besoin de diversité de pensée, et donc de femmes. "On ne peut pas demander aux hommes de regarder le monde avec des yeux de femmes", affirme Aline Aubertin. "Si les solutions scientifiques ne viennent que des hommes, elles répondront aux besoins d’hommes." L’enjeu n’est pas de remplacer les hommes par des femmes, mais d’enrichir la réflexion en intégrant les deux regards.
Marie, une auditrice, rapporte ainsi que "le directeur d’une école expliquait à ma fille à quel point le regard féminin était indispensable dans le travail scientifique". Lors des salons d’orientation, il n’est pas rare de rencontrer des responsables d’écoles scientifiques qui incitent les jeunes filles à rejoindre ces filières.
On ne peut pas demander aux hommes de regarder le monde avec des yeux de femmes.
Enfin, les critères de recrutement dans la recherche soulèvent aussi des questions. "Je crois qu’à moi seul, j’avais la moitié des doctorantes de l’Institut de Mathématiques de Jussieu : j’en avais trois", confie Fabrice Rouillier. Il remarque que le processus de sélection est souvent différent : chez les hommes, on recherche des profils très compétitifs. Pour les femmes, on privilégie parfois des profils évolutifs, dans l’objectif de les accompagner et de les fidéliser.
Des moyens d’action dès l’enfance
Pour réduire cet écart, plusieurs leviers existent. Même s’il est difficile d’agir sur les générations actuelles, des actions peuvent être menées à la racine, dès l’enfance. "Le problème, c’est qu’il est très compliqué de mettre en place des actions ciblées uniquement sur les filles", explique Fabrice Rouillier, mathématicien, directeur de recherche à Inria et président de l'association Animath. L’association intervient donc au moment clé de l’orientation, entre la classe de 4ème et la 1ère, en proposant des activités complémentaires à l’école. "En organisant des sessions, on fait découvrir aux jeunes filles les mathématiques autrement qu’en classe", poursuit-il. Animath maintient également un lien à long terme avec elles à travers des compétitions et des projets de recherche.
Il ne suffit pas d’avoir l’intention de faire bouger les choses pour qu’elles changent vraiment.
D'autres initiatives émergent, comme le plan "Filles et maths" annoncé par la ministre de l’Éducation Élisabeth Borne. Un projet salué avec prudence. "Il ne suffit pas d’avoir l’intention de faire bouger les choses pour qu’elles changent vraiment", souligne Aline Aubertin, tout en reconnaissant l’importance de la prise de conscience politique. Elle rêve de voir une plus grande communication autour des sciences notamment au travers de bourses scolaires pour les filles ou de campagne publicitaire pour changer la vision que beaucoup pourrait avoir.


Cette émission interactive présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité, et pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 01 56 56 44 00, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr




