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Émilie Barrucand, une vie chez les indiens kayapos d'Amazonie

Un article rédigé par Laurette Duranel avec Thierry Lyonnet - RCF, le 24 mai 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
VisagesÉmilie Barrucand, une vie chez les Kayapos d'Amazonie

Cette semaine, une personnalitĂ© inattendue a montĂ© les marches du festival de Cannes : le chef Raoni. Avec son disque labial et sa coiffe de plume, ce chef d’une tribu autochtone appelĂ©e les Kayapos au BrĂ©sil, n’est pas passĂ© inaperçu. ConsidĂ©rĂ©e comme sa fille adoptive, la Française Émilie Barrucand le connaĂ®t bien. Elle vient de sortir un livre intitulĂ© "Les gardiens de la forĂŞt" (Ă©d. Le Cherche midi) dans lequel elle raconte le rapport de ce peuple Ă  la nature et leur immense sagesse. 

©Émilie Barrucand©Émilie Barrucand

"Nous avons beaucoup Ă  apprendre d’eux." Depuis qu’elle cĂ´toie les Kayapos, Emilie Barrucand est convaincue que ce peuple semi-nomade vivant au cĹ“ur de la forĂŞt amazonienne a une façon de vivre qu’il faut suivre. Sa manière de concevoir le monde a en tout cas changĂ© depuis sa première rencontre avec le chef Raoni en 2001. Alors Ă©tudiante, celle qui est dĂ©sormais ethnologue avait dĂ©jĂ  une grande fascination pour ce peuple et de grandes ambitions pour protĂ©ger leur patrimoine. Ambitions qui lui ont d’ailleurs permis d’accĂ©der au petit village de cette tribu, sans avoir Ă  attendre un an ou deux les autorisations de la Funai (Fondation nationale de l’Indien). 

 

Un rapport Ă  la nature respectueux et Ă©cologique

 

Au contact de la tribu kayapo, Émilie Barrucand s’est confiĂ©e une mission : enregistrer sous forme de vidĂ©os tous les savoirs et rites ancestraux afin qu’ils ne disparaissent jamais. "J’ai passĂ© beaucoup de temps auprès des anciens et grâce Ă  ce travail ils vont pouvoir rĂ©intĂ©grer dans le prĂ©sent des cĂ©rĂ©monies qui avaient Ă©tĂ© dĂ©laissĂ©es dans certains villages", explique-t-elle. Des cĂ©rĂ©monies "exceptionnelles", telles que les rites de passage de l’enfance Ă  l’adolescence, qui consistent en une grande expĂ©dition d'un mois ou deux, pendant lequel tout le village part Ă  la recherche de tortues Ă  dĂ©guster lors du festin. Tortues qui ne sont mangĂ©es qu’en petite quantitĂ©, afin de ne pas dĂ©rĂ©gler la nature, insiste l’ethnologue. 

 

C’est bien ce rapport à la nature qui la fascine. "Pour eux, l’homme est un élément de la nature. Tous les êtres sont à égalité, par exemple pour eux les animaux et les plantes ont une âme, ils vont avoir une vie comme la nôtre mais que seuls les chamans pourront voir", présente l’ethnologue. Bien sûr, les Kayapos ont besoin de manger et donc de chasser et de récolter leurs plantations. Mais cela, toujours en veillant "à prélever le minimum... et à préserver le reste pour maintenir cet équilibre et ne pas gâcher, détruire ou prendre sans limite". À ses yeux, ce devrait d’ailleurs être un modèle vertueux à suivre dans nos sociétés consuméristes. Elle l’a d’ailleurs appliqué à sa propre vie en consommant moins et mieux.

 

La famille : le secret du bonheur des Kayapos

 

L’autre aspect de leur mode de vie Ă  adapter Ă  la nĂ´tre, tient presque du dĂ©veloppement personnel. "J’ai eu de nombreuses discussions avec eux pour savoir ce qui les rendaient heureux, raconte-t-elle, et l’un des Ă©lĂ©ments qu’ils m’ont prĂ©cisĂ©s c’était la famille." Une discussion qui lui a d’ailleurs valu des rĂ©flexions Ă©tonnĂ©es des Kayapos sur le fait que nous, Occidentaux, privilĂ©gions le dĂ©part du foyer tĂ´t, alors qu'eux prĂ´nent la cohabitation des gĂ©nĂ©rations. "Et ça aussi c’est adaptable Ă  nous", affirme Émilie Barrucand, qui essaye de son cĂ´tĂ© de passer plus de temps auprès de ceux qu’elle aime et d’apprĂ©cier l’instant prĂ©sent, comme le font les Kayapos.  

 

L’éducation elle aussi n’a rien Ă  voir avec ce que nous connaissance en Occident. Dans ce village reculĂ© de la forĂŞt amazonienne, les enfants sont allaitĂ©s et portĂ©s jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans. "J’ai suivi leur exemple [Émilie Barrucand a confiĂ© avoir allaitĂ© son enfant jusqu’à ses deux ans et demi, NDLR] parce que j’ai pu voir que les enfants Ă©taient tellement bien, tellement en harmonie. Ils ne pleurent jamais lĂ -bas", s’étonne-t-elle encore.

 

Pareil, sur la notion du danger, contrairement aux mentalités occidentales qui voudraient protéger à outrance les enfants, les Kayapos "parlent de tout avec les enfants. Ils vont leur montrer les dangers et comment s’y adapter mais ils ne vont pas les couper en les empêchant de faire-ci ou ça. Ce qui fait des enfants vraiment confiants, débrouillards, qui savent faire pleins de choses", assure Émilie Barrucand, qui ne s’est jamais sentie aussi libre que depuis qu’elle suit les préceptes de cette tribu. Et ce, même à Marseille où elle vit une partie de l’année, lorsqu’elle n’est pas en compagnie du chef Raoni.

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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