Devenir professeur des écoles, du rêve à la réalité
Elle m’avait dit que je n’aurais pas le niveau pour réussir le concours d’institutrice. La conseillère d’orientation du collège avait subitement contrarié mes projections en quelques mots. Le conseil du professeur d’Arts Plastiques m’ouvrant la voie des arts m’offrit un chemin d’épanouissement et la chance de découvrir mes réelles capacités scolaires. Décidée à présenter le concours après l’obtention d’une maîtrise universitaire (mais inquiète d’être des 10 % de participants retenus), je n’imaginais pas déjouer le pronostic de la conseillère avec un tel palmarès. Il avait fallu faire un détour pour entrapercevoir que les pronostics ne sont pas des prédictions certaines.
Parvenue au métier rêvé dans mon enfance, le parcours de formation de professeur des écoles et la réalité du métier révélèrent une carrière de défis éloignés de l’image que l’on peut se faire de cette profession…
professeur des écoles, issue de freepick.comLe concours (version 2006)
Le concours de professeur des écoles demandait un niveau solide dans treize matières : observation de la langue, littérature, anglais, mathématiques, histoire, géographie, physique, chimie, sciences naturelles, arts plastiques, musique, sport, connaissance de l’Éducation nationale. Les attentes évaluées étaient autant notionnelles, que didactiques et même liées au cadre réglementaire dicté par le Bulletin officiel du Ministère. Les qualités de réflexion, de critique et de langage étaient exigées.
Si le CAPES (Certificat d'Aptitude au Professorat de l'Enseignement du Second degré) recrute et affecte au niveau national, le CRPE (Concours de Recrutement des Professeurs des Ecoles) reste au niveau académique. Il est donc possible de présenter le concours dans plusieurs académies pour multiplier ses chances. L’affectation (selon votre classement et vos vœux) vous envoie ensuite dans un des INSPE de l'académie (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation, nouvelle appellation de l'IUFM ). Ces établissement sont départementaux, ou presque. Vos postes resteront dans ce département, à moins de participer aux procédures de sortie et d’entrée dans un autre département.
La formation
Depuis mon passage en 2007, le niveau de recrutement et la part de stage en classe a évolué. La nouvelle formule est consultable ICI.
Les IUFM ont changé deux fois de noms et les Bulletins officiels ont régulièrement reformulé les programmes.
La formation de l’enseignement primaire approfondit la didactique (comment faire apprendre) de chaque matière et propose des stages en classe pour observer et pratiquer. L’INSPE prépare les futurs enseignants à construire des séquences (ensemble de séances abordant une compétence au programme) et des séances (unité d'apprentissage abordant une étape d’acquisition de la compétence). Les productions des stagiaires s’appuient sur des outils pédagogiques critiqués et leur créativité personnelle, gardant à l’esprit de savoir anticiper les différentes difficultés que pourraient rencontrer les élèves. Des prérequis, à l’évaluation en passant par la manipulation, l’institutionnalisation, l’entraînement et la remédiation, chaque étape de l’apprentissage pour chaque notion de chaque matière, de chaque niveau ( de la Petite Section au CM2) peut être travaillé.
Un mémoire professionnel présenté devant un jury conclut la formation. Il y est question d'une posture professionnelle, d'un thème d'apprentissage, d'un enjeu didactique... observé, pratiqué et critiqué lors des stages de l'année.
Les affectations
La première affectation envoie les jeunes enseignants sur des postes dits « fléchés » ( « privilégiés » par leur niveau et leur contexte). Ensuite, le jeune enseignant participe au « mouvement », comme tous ceux qui doivent ou veulent changer de poste. Listant les postes souhaités dans le département, il se verra attribué un poste en fonction de son nombre de points calculé en fonction de son ancienneté et de potentielles bonifications particulières.
Poste entier, poste accumulant des temps partiels complétant des titulaires "déchargés", remplacement longs ou courts, classe multiniveau, avec des petits de 3 ans ou des pré-adolescents, classe REP ou REP+, classe ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) , poste en SEGPA (Section d'Enseignement Général et Professionnel Adapté) intégré dans un collège, enseignement en prison, à l’hopital ou en EREA (Établissement régional d'enseignement adapté)… le panel de postes disponibles est très varié.
Les attributions de postes demandent de l'adaptation et bien souvent un véhicule car ils sont non négociables. La commission tient très peu compte de vos obligations familiales ou de votre lieu d'habitation. L'enseignant est au service de l'Inspection. Affecté à un établissement, le niveau est ensuite décidé par le conseil des maîtres qui se répartissent les classes souvent en fonction de leur ancienneté ou par le directeur quand le désaccord apparaît.
Les remplacements ont l’avantage de vous faire découvrir de nombreuses écoles du département et de varier les niveaux. Ils demandent cependant une bonne capacité d’adaptation et quelques habitudes de prise en main rapide de la classe.
Les compléments de temps partiels ont l’avantage de vous délester des gestions administratives de la classe (coopératives, suivi des dossiers et équipes éducatives…) et de vous inscrire dans une gestion de classe déjà définie par les titulaires. Ils demandent également une bonne capacité d’adaptation aux habitudes des titulaires et à leurs classes, de communication avec les titulaires et avec les parents (et parfois avec les enfants) qui parfois vous considèrent comme un bouche-trou.
Les classes en REP et REP+ ont l’avantage de vous permettre de mettre en œuvre votre créativité pédagogique là où la motivation scolaire ne va pas de soi. Elles demandent de bonnes capacités à gérer la violence sociale qui définit ces zones d'Education prioritaire. La part éducative du métier y est plus développée. La relation aux élèves peut y être très tendue, parfois conflictuelle, mais pour certains d’entre eux, votre investissement à leur ouvrir des horizons et à valoriser leurs capacités instaure un respect, une reconnaissance, une complicité qui vous fait sentir utile. Personnellement, pour y avoir travaillé une dizaine d’année, je garde le souvenir de certaines classes très difficiles, de journées usantes mais également d’élèves drôles et intelligents qui ne demandaient qu’à se sentir valorisés pour leurs capacités.

Le quotidien d'un professeur des écoles
Ce métier, que ce soit avec les plus petits ou les plus grands, demande un travail de préparation conséquent : rédaction de fiche de préparation pour chaque séance, détaillant les objectifs, moyens, étapes, matériel, consignes différenciées selon les niveaux constatés dans la classe, remédiation aux éventuelles difficultés, et évaluation… Si les enseignants vous laissent penser qu'ils improvisent leur journée, tournant les pages d'un manuel ou répétant des projets d'années en année, ne vous fiez pas à cette impression. Gérer une classe demande un investissement de soi qui se travaille plus de 7 heures par jour. Avoir l'écoute des élèves 6 heures par jour demande des trésors de techniques ou de postures qui ne sont que très rarement innées. Des heures de préparation, des lectures pédagogiques, des formations nourrissent cette attitude qui semble naturelle. Les enseignants aguerris formalisent sans doute moins la partie préparatoire mais ils s'appuient sur leur expérience pour se le permettre.
L'enseignant revêt une posture qui se veut stable, confiante, inspirante, respectée et respectueuse, chaque matin, même quand sa vie personnelle peut se révéler difficile.
L'enseignant est très souvent sollicité de 8 heures, avant même l'arrivée des élèves ( par des demandes de collègues, de l'administration, de parents...) et jusqu'à la fin de la journée. La pause de midi est très souvent consacrée à préparer le matériel des séances de l'après-midi ou à la correction du travail du matin. Il m'est bien souvent arrivé de manger en 20 min avant la réouverture du portail, ni d'avoir eu le temps d'aller aux toilettes de toute la journée...
Le soir, l'enseignant ramène des kilos de cahiers à corriger s'il ne peut rester le faire en classe parce que ses propres enfants l'attendent. Il rentre avec ses contrariétés de la journée, des petites victoires... Bien souvent ma tête était à la fois trop pleine de la journée et trop vide d'énergie.
L'enseignant en vacances est souvent malade des rhumes qu'il a côtoyé en classe et usé de la fatigue d'avoir contenu l'énergie de trente enfants, tous plus remplis d'énergie que lui. Il a aussi en tête ce qui l'attend après les vacances et qu'il doit préparer, des projets motivants qu'il imagine pour motiver la classe et lui-même.
L’investissement et l’énergie ne se vivront pas de la même manière en maternelle et en primaire. Avec les plus petits, les journées sont remplies de sursollicitations des enfants, d’un bruit quasi-permanent et d’une multiplication d’activités à prévoir pour suivre leur temps d’attention limité. En primaire, beaucoup de préparations de documents et de corrections quotidiennes déborderont largement des heures de classe...
Effectivement, une année d'enseignant est très remplie, que ce soit en classe ou en dehors!

Un métier passionnant et utile
Accueillir les élèves avec leurs difficultés scolaires ou sociales tout en maintenant un projet d’apprentissage commun à la classe est une gymnastique souvent délicate. Une classe est une mosaïque de personnalités, de niveaux et de difficultés qui se révèle différente chaque année. Être à l’écoute de chacun, avoir un projet de progression pour chacun, renforcer une motivation ou faire naître une motivation, trouver l’entrée dans l’apprentissage qui corresponde à sa compréhension du monde, veiller sur leur sécurité physique et morale, maintenir un cadre éducatif juste et équitable, leur apprendre à collaborer, coopérer, se respecter… Être enseignante en primaire fut un défi intellectuel, pédagogique et humain, nourri de la conviction d’une utilité sociale et d’une ambition républicaine.
Voir l'étincelle dans les yeux d'un enfant qui comprend enfin ce qui lui résistait depuis un moment fut à chaque fois un moment de grâce.
Les voir découvrir des univers éloignés de leur quotidien (le jardinage, le bricolage, les musées...) avec curiosité et enthousiasme reste des souvenirs précieux.
Les revoir des années après, heureux d'avoir grandit à l'école, est à chaque fois un moment émouvant.
J’ai fait ce métier avec cœur et conviction pendant que les moyens s’amenuisaient et que les attentes grandissaient de manière contradictoire. Il est arrivé un moment où l’énergie n’était plus au rendez-vous, il était alors l’heure d’envisager un autre métier, un autre quotidien...



L'orientation scolaire a ses codes, ses techniques, son vocabulaire. Catherine Esquer, praticienne en orientation chez Avenir Factory décortique avec ses invités, tous les mots clés pour mieux préparer l'avenir.
