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Denise Toros-Marter : l'une des dernières survivantes marseillaises d'Auschwitz

Denise Toros-Marter : l'une des dernières survivantes marseillaises d'Auschwitz

Un article rédigé par Marine Samzun - Dialogue RCF (Aix-Marseille), le 10 septembre 2025 - Modifié le 10 septembre 2025
Témoins de ProvenceDenise Toros-Marter, dernière survivante d'Auschwitz à Marseille (1/2)

Elle est née le 16 avril 1928 et elle a à peine 16 ans lorsqu’elle est déportée à Auschwitz. Denise Toros-Marter est marseillaise et elle fait aujourd’hui partie des derniers survivants des camps de la morts nazis. A l’occasion des 80 ans de la libération d’Auschwitz, Denise Toros-Marter a accepté de nous raconter son histoire, histoire qu’elle a d’ailleurs consigné dans un ouvrage intitulé : “J'avais seize ans à Pitchipoï”.

Denise Toros-Marter a 16 ans lorsqu'elle est déportée à AuschwitzDenise Toros-Marter a 16 ans lorsqu'elle est déportée à Auschwitz

Pitchipoï, c’était Auschwitz", indique Denise Toros-Marter, marseillaise de 97 ans, survivante du camp d'extermination nazi d'Auschwitz en Pologne. Elle en a tiré un livre intitulé “J'avais seize ans à Pitchipoï”, publié en 2008. Elle raconte comment elle et sa famille, propriétaire d'un garage au pied de Notre Dame de la Garde, ont été arrêtés en 1944 : "on a été dénoncés par un manoeuvre, 50 francs par tête de pipe”. Ils ont ensuite été amenés au siège de la Gestapo, “425 rue Paradis”, se souvient-elle, puis envoyés à la prison des Baumettes, où ils ont été séparés hommes et femmes. "A ce moment-là, on ne savait pas du tout où on allait, jamais on aurait pensé”, raconte Denise.  

 

De Drancy à Auschwitz

"Drancy, c’était l’antichambre d’Auschwitz", explique Denise, où elle a été envoyée avec sa famille en 1944. Elle décrit les grandes salles avec des lits de camps, "on ne pouvait pas se décrasser, sortir, manger…Ensuite on est partis dans des wagons de marchandises, on essayait de protéger ma grand-mère de 72 ans, nous étions presque obligés de nous battre pour la faire respecter". 

Le voyage a duré 2 jours et 2 nuits. "Il y avait des SS avec des fusils sur les toits des trains, on ne risquait pas de s’enfuir", se souvient Denise, "on a essayé de griffonner des mots et de les faire passer aux cheminots, on voulait avertir nos proches qu’on était arrêtés et qu’il fallait qu'ils se planquent". 


Auschwitz : "Une autre planète"

"Nous sommes arrivés sur une autre planète", détaille la nonagénaire qui se souvient clairement "le brouhaha, les ordres en allemand, les haut-parleurs qui diffusaient des valses de vienne, comme pour essayer de calmer les esprits". A l'arrivée s'opérait une sélection rapide de la part des officiers allemands : ceux qui étaient capables de travailler et ceux, trop faibles, qui étaient destinés à la chambre à gaz. "Mon père et mon frère ont été sélectionnés pour entrer dans le camp", rapporte Denise, qui elle, âgée alors de 16 ans, est partie "avec les jeunes". Sa mère et sa grand-mère ont été conduites vers les chambres à gaz dès leur arrivée. Au bout de 3 jours on était au courant, explique Denise, "mais on ne pouvait pas s’imaginer”.

Elle est alors intégrée à un commando où elle doit pousser des charrettes qui transportent béton ou encore ciment. "Si vous jouiez d’un instrument, vous pouviez entrer dans l’orchestre d’Auschwitz... c’était le paradoxe, la folie…", poursuit-elle. 
 

Ensemble pour tenir bon

"Le matin, c'était la soupe, principalement de l'eau. A 16 heures, on recevait un morceau de pain noir et un bout de margarine ou une cuillère à café de confiture : tout juste de quoi ne pas mourir de faim", dépeint Denise. Alors pour survivre, elle adopte le système d'échanges mis en place dans le camp : "on se mettait à 2 pour vendre notre pain et acheter des pommes de terre, c’était le troc", explique-t-elle.

Ce qui l'a aidée ? Le collectif et l'imaginaire. "Quand on avait un moment ensemble, on se disait “si on s’en sort, on va faire ci ou ça”. Pour Noël, on a imaginé à 4 ou 5 le réveillon, ça nous faisait tenir bon" : robe de satin, Cary Grant, foie gras ou huitres faisaient alors irruption dans l'enfer d'Auschwitz. 


Témoigner pour "plus jamais ça"

Arrivée à Auschwitz le 20 mai 1944, Denise est libérée par les Russes le 27 janvier 1945. Passée par un hôpital de campagne en Tchécoslovaquie où on soigne ses pieds gelés, elle rentre à Paris à l’hôtel Lutetia le 4 juin 1945. Une question la taraude : “qui vais-je retrouver à Marseille ?”. On lui signale qu'un train pour la cité phocéenne est en partance : elle y embarque et retrouve son frère, seul survivant de la Shoah.

En 1986 est créée l'Amicale des déportés d’Auschwitz à Marseille, dont elle assure la présidence depuis presque quarante ans. "L'objectif de cette association est de combattre les négationnistes et d'expliquer aux jeunes ce qui s’est passé", indique Denise, qui n'a cessé de témoigner depuis  “pour ne pas que ça se renouvelle : plus jamais ça”.

Si Denise Toros-Marter dit ne pas croire en Dieu, notamment à cause d'Auschwitz, elle assure garder “foi dans l’humanité”.
 

Témoins de Provence
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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