Avec Trèfle, Emily Dader veut élever le végétal au rang de cuisine gastronomique
Après quatre ans à la tête des cuisines des Mauvaises Herbes, Émily Dader a franchi une nouvelle étape en lançant Trèfle, son nouveau restaurant gastronomique. Installé depuis septembre 2025 dans le deuxième arrondissement de Lyon, ce nouvel établissement propose une carte 100% végétalienne, avec des produits bio, locaux et de saison majoritairement.
Emily Dader veut faire de la cuisine végétale une cuisine gastronomique - Ruth Georgiev via UnsplashLe végétalisme a désormais son restaurant gastronomique à Lyon. Avec Trèfle, Emily Dader veut redonner ses lettres de noblesse à cette cuisine sans protéine animale « qui reste encore stigmatisée » selon la petite fille d’agriculteurs, formée à l’Institut Paul Bocuse et partie se perfectionner dans des maisons étoilées de Megève à Melbourne. Dans les assiettes, pas de viande ni de poisson, bien sûr, mais pas de crème, de lait, de beurre ni d'œuf non plus. « C'est challengeant, mais c'est ce qui me plaît beaucoup aussi. C'est ce qui stimule énormément ma créativité. En fait, j'ai le sentiment que c'est dans la contrainte aussi qu'on doit chercher des solutions. Et c'est ça qui me fait vibrer dans la cuisine » reconnaît Emilie Dader.
Le végétal est « une nouvelle manière de travailler » pour les chefs
Après le Covid, Emily Dader n'échappe pas à la recherche de sens dans son travail et « c'est dans ce milieu du végétal que je l'ai trouvé ». Et si l'évidence écologique de réduire la consommation de protéine animale a toujours été présente, le défi était de taille en cuisine. « Je suis convaincue qu'on doit décarboner nos assiettes. Mais ça a été un challenge, d'abord parce que j'avais aucune connaissance dans ce domaine. Je suis repartie de zéro parce qu'il faut tout réapprendre. Il faut s'adapter. La cuisine française est surtout au beurre et à la crème. Et dans le végétal, on ne travaille pas ces produits-là. C'est vraiment le végétal qui est au centre de l'assiette. Et il faut, oui, trouver une nouvelle manière de travailler. Donc les matières grasses, on va aller chercher des huiles végétales. En pâtisserie, on doit trouver des alternatives au beurre et aux œufs » s'enthousiasme la cheffe. Ses inspirations ne manquent pas : les saisons évidemment - dont le printemps, sa préférée pour la « grande diversité de produits » -, sa propre gourmandise également mais aussi... la cuisine omnivore !
Dans l'imaginaire collectif, il y a encore cette idée que c'est une cuisine insipide, sèche. Que les végétaliens ne se nourrissent que de tofu ou de steaks végétaux. J'aime montrer que non, ça peut être très différent. On peut manger végétal et vivre une expérience culinaire gustative à la hauteur d'une expérience omnivore. L'univers du végétal est immensément riche. On va chercher des saveurs sapides, un peu umami. On trouve des épices aussi beaucoup. C'est vraiment un univers à part entière qui mérite d'être davantage exploré je pense.
Même si les gourmands ne trouveront aucune trace de produits simili-carnés dans l'assiette, la flexitarienne Emily Dader ne nie pas sa « culture culinaire omnivore ». Au menu : herbes, algues, champignons ou céréales mais toujours des produits bruts, locaux, de saison et bio au maximum, travaillés parfois par fermentation ou fumaison.
« Élever la cuisine végétale à un rang plus haut de gamme »
Après son succès aux cuisines des Mauvaises Herbes, où elle constate que la salle « ne désemplissait pas », Emily Dader veut aller plus loin et « élever cette cuisine végétale à un rang un peu plus haut de gamme ». Pour cela, Trèfle propose un menu unique en sept séquences le soir et en quatre séquences au déjeuner, tout en respectant le rituel d'un menu gastronomique traditionnel français : amuse-bouche, entrée froide, entrée chaude, plat iodé entièrement végétal, plat plutôt terrestre « avec des marqueurs de goût associés à l'univers de la terre », prédessert pour « préparer le palais à faire la transition du salé vers le sucré », dessert et une mignardise pour finir. Le menu est renouvelé pour moitié toutes les trois semaines, soit un menu complétement inédit toutes les six semaines.
Après son plat phare de l'ouverture, la quenelle de wakamé, clin d'œil à la cuisine lyonnaise à laquelle la cheffe demeure attachée, Emily Dader et son équipe travaillent actuellement sur le nouveau pré-dessert et une prochaine entrée à base de légumes raves, « un petit peu laissés de côté souvent sur les étals de marché », longuement rôtis au four « pour qu'ils se concentrent en sucre et en saveur » avant d'être refroidis et tranchés finement « comme de la charcuterie ». Le tout servi avec une vinaigrette à la poire, « pour apporter un petit peu de rondeur », et à l'échalote, pour « la vivacité ».
Mais Trèfle, c'est aussi une démarche plus globale du respect du vivant, tant sur le plan animal qu'humain.
Sur le plan animal, c'est un parti pris de laisser les animaux tranquilles. Et au niveau humain, je ne veux pas faire reposer mon business model sur l'exploitation économique de mes salariés, comme c'est souvent le cas dans la restauration. Je veux pratiquer un management bienveillant, respectueux.
Enfin, sur le plan écologique, le restaurant composte ses déchets, se fournit en bio le plus possible, propose des vins en biodynamie et a chiné du mobilier d'occasion.


Chaque jour de la semaine à 12h, Anaïs Sorce reçoit celles et ceux qui font bouger la région lyonnaise, le Roannais et le Nord-Isère, en rendant notre quotidien meilleur.




