Aujourd’hui, je vais vous parler d’Emmanuelle. Cet été, elle a assisté aux obsèques d’une dame de 88 ans qui résidait dans un EHPAD. Très émue, elle n’a pas pu retenir ses larmes pendant la cérémonie. La petite fille de la vieille dame est venue la voir, intriguée du chagrin de cette femme qu’elle ne connaissait pas. Car Emmanuelle n’est pas de la famille. Elle est bénévole chez les Petits Frères des Pauvres et elle rendait régulièrement visite à cette vieille dame depuis deux ans.
Accompagner une personne, c’est s’impliquer humainement et émotionnellement dans la relation et quand cette personne disparaît, il est indispensable de pouvoir lui dire au revoir. Ne pas être de la famille n’empêche pas d’être d’avoir à vivre le deuil. Pourtant, la reconnaissance d’un bénévole d’accompagnement comme proche n’est pas acquise. Pendant le confinement, certains décès ont été soudains et leurs annonces brutales. A la violence de ces annonces, s’est ajouté le fait de n’avoir pas pu accompagner ces personnes comme les Petits Frères des Pauvres le font depuis toujours, jusqu’au bout de la vie.
Des bénévoles ont connu des situations très douloureuses en apprenant par hasard ou plusieurs jours après que la personne qu’ils accompagnaient régulièrement était décédée. Personne ne les avait prévenus. « Vous n’êtes pas la famille, vous n’êtes pas prioritaires », voilà ce qui a pu leur être dit. Et pourtant, ces bénévoles accompagnent des personnes âgées isolées, qui ne reçoivent jamais de visite, qui peuvent être en rupture familiale, sans oublier celles qui n’ont plus de famille ou de la famille éloignée géographiquement. Seuls les très proches ont pu assister aux funérailles. Je pense aux bénévoles bien sûr mais aussi à la famille éloignée, aux amis, aux voisins de nombreuses personnes ont été confrontés à la même situation.
Nous avons besoin de créer des temps d’hommage et de mémoire. Tout particulièrement cette année. Oui, même à posteriori, prenons le temps pour des rituels qui sont une marque de respect pour le défunt et une possibilité de lui dire « au revoir ». Créons un rituel qui ressemblera à la personne disparue, si possible dans un lieu qu’elle aimait, avec la musique qu’elle appréciait… Soyons créatifs. Ce temps nous permettra de penser à la personne qu’elle était, à ce qu’a été sa vie, à ce que nous avons vécu ensemble et à ce que nous voulons garder d’elle… Nous aurons peut-être aussi besoin de parler de la manière dont chacun vit ce deuil. En étant attentif aux émotions des uns et des autres, nous pouvons nous soutenir mutuellement.
Samedi, les Petits Frères des Pauvres ont prévu un temps de mémoire pendant leur assemblée générale annuelle. J’invite les auditrices et les auditeurs à prendre aussi ce temps de mémoire même si nous avons l’impression « d’être passé à autre chose ». Car, ensemble, en parlant de la personne disparue, nous prenons soin de ceux qui restent c’est-à-dire de « nous ». Cela nous aide à continuer le chemin ensemble.
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