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UNOC 3 : les avancées pour plus de protection, du littoral à la haute mer

UNOC 3 : les avancées pour plus de protection, du littoral à la haute mer

Un article rédigé par Anne HENRY - le 15 juin 2025 - Modifié le 20 juin 2025
Commune planète (Hauts-de-France)UNOC 3 : Bilan de la Conférence de l'ONU sur l'océan

L’ambassadeur français pour les pôles et l’océan Olivier Poivre d’Arvor  - et pilote de l’UNOC - ne cachait pas son plaisir le dernier jour de la troisième Conférence de l’ONU sur l’océan à Nice. La mobilisation de 175 pays a permis de réelles avancées pour la protection de 64 % de l’océan, dont la façade maritime des Hauts-de-France. Et les nordistes avaient fait le déplacement pour défendre une économie bleue durable.

Plénière de clôture à la Conférence de l'ONU sur l'océan le 13 juin 2025 Crédit Anne HenryPlénière de clôture à la Conférence de l'ONU sur l'océan le 13 juin 2025 Crédit Anne Henry

3 lobbyistes pour un scientifique, voilà l’ambiance sous les tentes blanches de la Zone bleue des négociations, installées sur le port de Nice, du 9 au 13 juin 2025. Mais sous la houlette de la présidence de la France et du Costa-Rica, 64 chefs d’états, 115 ministres de l’écologie et 14 000 délégués des pays n’ont pas chômé pour permettre de réelles avancées  : un traité sur la haute mer pour protéger 30 % de l'océan d’ici 2030, la signature de l’Appel de Nice qui engage 96 pays dans la réduction de la production plastique qui pollue l’océan et l’engagement de nombreux pays dont la France à étendre leurs aires marines protégées notamment en Manche et Mer du Nord. Une mobilisation qui a montré que la diplomatie verte et le multilatéralisme restaient efficaces en ces temps troubles.

 

Appel de Nice signé avec 96 pays autour de la ministre Agnès Pannier-Runacher Crédit Anne Henry

 

Course aux signatures pour la haute mer

Le traité sur la haute mer (ou BBNJ), après 15 ans de tractation et une adoption en 2023, devrait être signé à New-York le 23 septembre 2025. Salué par les scientifiques, il entrera en vigueur début 2026. Les ONG espèrent seulement que les moyens seront mis en œuvre pour le contrôler et sanctionner. Cette annonce a été possible grâce à la ratification de 60 pays (minimum imposé par l’ONU) qui ont validé le traité préalablement sur le plan national. L’ambassadeur surveillait toute la semaine le compteur des chiffres : 

Nous étions à 31 signatures à la veille de la cérémonie d’ouverture. A la fin de l’UNOC, nous enregistrons 56 ratifications et 14 à venir avant fin septembre. A noter l’engagement de la Chine et de l’Indonésie qui devraient inciter d’autres pays à suivre le mouvement.  

 L’UNOC3 a joué un véritable rôle d’accélérateur.

 

 

Pied de nez aux Etats-Unis

Pour rappel, l’objectif du traité est de protéger 30 % des océans d’ici 2030 contre 11 % aujourd’hui. Il permettra de poser un cadre juridique au-delà des 370km des côtes, afin de lutter contre la pêche illégale et la surpêche, créer de nouvelles aires marines protégées (AMP) et encadrer  l’exploitation des ressources marines génétiques et l’extraction minière. Un véritable pied de nez aux Etats-Unis qui ont joué la politique de la chaise vide à l’UNOC, dans le prolongement de leur récente décision d’accélérer l’exploitation minière en eaux profondes internationales. Une place vide qui a fait le jeu des chinois, pressés d’apporter leur soutien au traité sur la haute mer. Pour notre ambassadeur, « même si nous n’avons pas le même balcon sur l’océan, la Chine est devenu un allié de poids dans sa protection. Les Etats-Unis n’ont pas voulu donner leur procuration à la copropriété de l'océan mais nous espérons qu’ils reviendront. » Quoi qu'il arrive, le traité s’imposera aux pays non signataires, de par le principe de précaution.

 

 

Le Rio du Climat

« Nice aura été le Rio pour le Climat » conclut Olivier Poivre d’Arvor (interview à retrouver sur RCF Hauts de France), faisant référence à la Conférence de l’ONU de 1992 sur l’environnement, véritable électro-choc en matière de prise de conscience des effets du changement climatique. Ainsi, l’océan va maintenant bénéficier d’une COP1 – Conférence des parties - sous l'égide de l'ONU, dédiée à la haute mer en septembre 2026, pour notamment cartographier les AMP. Les pays se retrouveront pour signer alors des engagements plus contraignants que l’UNOC. Les déclarations finales en fin de COP s’imposeront de facto aux pays de l’ONU. Il était temps, alors que le climat en est déjà à sa trentième COP, dont le rendez-vous est fixé en novembre 2025 prochain à Belém au Brésil.

 

Les pieds dans le tapis des AMP, pour la France

Mais la principale tension de la semaine s’est passée autour du nouveau périmètre français des aires marines protégées. Elles sont censées mettre à l’abri la faune et la flore marines dans des périmètres bien identifiés, avec une protection à géométrie variable (avec ou sans pêche). Ça faisait des  semaines que le gouvernement français promettait durant l’UNOC, de nouvelles cartes définies en collaboration avec les pêcheurs. La ministre de l’écologie Agnès Pannier-Runacher a ainsi déclaré cette semaine que les AMP nationales (métropole + outre-mer) en protection forte (réduction de la pression sur les écosystèmes, avec loisirs régulés, lutte contre la pollution et  fin du chalutage de fond) passaient de 4,8 à 14,8 % du territoire marin, dont 10 % en protection stricte (sans activité humaine). Fin 2026, 74 % de la surface maritime française sera protégée. Ainsi, dans les Hauts-de-France, trois nouvelles aires marines protégées en protection forte vont être à l’étude. Il y a également une bande de 3 miles le long des côtes avec un accès restreint aux chaluts de fond. Mais pas de zone d’interdiction permanente du chalutage de fond, ce qui est justifié selon Serge Larzabal, vice-président du Comité national des pêches maritimes,  de par un fonds sableux avec peu de biodiversité exceptionnelle. Mais le premier problème soulevé concernait la définition de la « protection forte ». Les ONG dénoncent le fait qu’il n’y ait pas de statut juridique français, nécessitant une modification du droit de l'environnement français. Selon le gouvernement, ce n’est pas une spécificité française mais c’est l’application stricte de la directive européenne Habitat.

 

 

Bataille de cartes

Par ailleurs, l’ONG Bloom a tiré la sonnette d’alarme en estimant que le nouveau zonage des AMP en protection forte présenté par le gouvernement français correspondait peu ou prou à des zones déjà protégées du chalutage de fond (pratique déjà interdite dans 50 % des eaux hexagonales). L’ONG a présenté uniquement la carte des eaux territoriales françaises d’Atlantique Nord, pour permettre la comparaison. Sollicité sur les autres zones, Bloom n’a pas répondu à notre requête. Bataille de chiffres, de définitions, de cartes … Olivier Poivre d’Arvor a annoncé que dès lundi 16 juin, le ministère de l’écologie et Bloom allaient confronter leurs cartes. Manque de préparation ? Précipitation sur le sujet ? En tout cas, le monde de la pêche est rassuré, « nous avons été entendus par nos politiques » avoue Constance Wattez, du directoire Sofipêche de Boulogne-sur-Mer et présenté à l'UNOC. Les activités de la profession devraient être peu perturbées, même si ses représentants rappellent être déjà engagés dans la décarbonation de leurs activités et la transition de leurs pratiques de pêches. 

 

Durant l'Unoc, les pays se sont mis d’accord également pour mettre fin aux subventions de la pêche illégale (un poisson sur quatre provient de la pêche illégale), à la pollution sonore de l’océan (37 pays), à la fin du travail forcé dans le domaine maritime, protéger les raies et requins. 80 % des armements mondiaux (porte-conteneurs … ) étaient également présents pour s’engager vers le zéro carbone d’ici 2050. L’UE – premier domaine maritime avec ses 25 millions de km² – a lancé un Blue Deal pour financer d’ici 2027 le Jumeau numérique, la gouvernance de l’océan et sa sécurité maritime.

 

Une économie bleue durable 

9 milliards d’euros (issus des banques publiques, privées, philanthropes) ont été mobilisés pour la Blue economy durable pour les 5 ans à venir. Un point important quand on sait que jusqu'à maintenant, 50 % des revenus de l’océan proviennent de l’exploitation d’hydrocarbure et du tourisme. A cette occasion, la CEC, Convention des entreprises pour le climat parcours océan qui accompagne 48 entreprises (dont des structures des Hauts-de-France comme Decathlon, Sofipêche, Nausicaa, Le Garrec et Compagnie, Boulogne-sur-Mer Développement Côte d‘Opale) était sur place pour s’inspirer de la dynamique de l’UNOC. Elle a également organisé une conférence en présence d’Heïdi Sevestre (Interview sur RCF Hauts de France d'Heïdi Sevestre avec la CEC), glaciologue de renom et marraine de la promotion. Il s’agissait de partager au coeur de l’UNOC l’intérêt d’une démarche d’économie bleue régénérative, qui amène à faire évoluer les modèles économiques pour réduire l’empreinte carbone et être plus respectueux du vivant : 

Les activités économiques qui s’inscrivent dans le cycle de l’eau doivent lui permettre de s’exprimer dans toute sa vivacité et son potentiel de vitalité.

 explique la lilloise Caroline Maerte co-directrice générale de la CEC.

 

 

Mobilisation des villes contre la submersion


450 maires et gouverneurs des régions et villes côtières – dont des villes américaines mais aucune des Hauts-de-France - se sont retrouvés le 7 juin à Nice pour trouver des solutions face aux risques de la hausse du niveau de l’océan, en travaillant avec les assureurs.  Elles doivent en effet se préparer à une montée du niveau de l'océan de plus d'un mètre à horizon 2100, selon le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Les conséquences seront majeures en matière de recul du trait de côte, d'inondations, cyclones, salinisation des sols ... Et les solutions sont complexes. Pour Théophile Bongarts, responsable du pôle adaptation côtière de la plateforme Océan&Climat (qui réunit élus, ONG, scientifiques) qui a organisé cette rencontre du 7 juin, les solutions doivent être hybrides dans l'espace (nouvelles digues, plus de place à la nature et délocalisation d'activités) et dans le temps (prévoir des solutions à 5 ans, 10 ans, 15 ans en fonction de l'évolution de l'océan).

Il est encore possible pour les villes de rejoindre cette coalition sur la Plateforme Océan&Climat (POC), pour bénéficier d’aide d’experts et de financement.

 souligne Théophile Bongarts (interview à retrouver sur RCF Hauts de France).

 

 

Avancée de la science

L’UNOC, c’est aussi un vrai succès de mobilisation de 2500 scientifiques en amont du sommet, dont l'Université du Littoral Côte d'Opale en la présence de Rachid Amara, puisque l’on ne connaît que 5 % des fonds marins. De nombreux projets ont été présentés pour cartographier et contrôler l’océan (80 milliards d’euros pour la Mission Neptune, Pacte européen de l’Océan, Jumeau numérique de l’océan, contrôle satellite Mercator,  baromètre numérique Starfish qui publiera ses résultats tous les 8 juin …). Il était temps car l’océan bénéficiait jusqu’à maintenant de moyens financiers 250 moins importants que l’espace. D’ici 15 ans, cette meilleure connaissance de l’océan, associée au traité de la haute mer, permettront de réaliser des études d’impact environnemental en amont de tout projet industriel. 

 

Frein des pays de l’OPEP

Une des critiques majeures de l’UNOC est aussi l’absence de la lutte contre les énergies fossiles dans la déclaration finale de vendredi 13 juin, due à la pression des pays producteurs de pétrole dans la négociation. Par ailleurs, pour André Abreu de l’ONG Fondation Tara Océan, « Les pays des BRIC  - très suivis par l’Afrique et l’Amérique latine - et l’OPEP ont été un vrai frein dans la signature du Traité de réduction de la production plastique. Et l’absence des États-Unis a pesé sur les négociations. »

 

Vivier de solutions

Enfin soulignons la mobilisation des peuples autochtones, de la jeunesse, de personnalités comme la glaciologue Heïde Sevestre, l’explorateur Jean-Louis Etienne, ou le défenseur des baleines Paul Watson … soit 68 000 visiteurs dans la Zone Verte La Baleine ouverte au grand public, dans le centre ville de Nice, véritable vivier de solutions autour de l’océan. Ainsi, Plastic Odyssey -  ce bateau parti de Dunkerque en 2021 pour promouvoir des solutions de recyclage du plastique  -  était présent pour annoncer une nouvelle collaboration avec l’Unesco afin de dépolluer 25 îles sanctuaires de la biodiversité, avec des techniques innovantes (notamment grâce à un parachute ascensionnel). Ou encore Energy Observer3, un nouveau bateau fonctionnant à l’ammoniac liquide vert, sans carbone et adapté aux grandes traversées, qui devrait être présenté ensuite à Dunkerque en 2026.

=> Retrouvez tous les podcasts Commune Planète dédiés à l'UNOC3

 

Commune Planète Hauts de France
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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