Bretagne
Après l’abandon des Zones à Faibles Émissions (ZFE), et, à présent, la suspension temporaire de MaPrimeRenov’, le passage en force de la Loi Duplomb vient sonner le glas des politiques environnementales en France. Cette loi, qui a sauté la case du débat à l’Assemblée nationale, mettrait à mal les normes agricoles en place, sous couvert d’amélioration des conditions de travail des agriculteurs. Qu’impliquerait l’adoption de la Loi Duplomb ? Et pourquoi n’a-t-elle pas été débattue ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Stéphanie Gallet et Melchior Gormand.
Les députés se seraient-ils surpassés ce mois-ci ? Face à un réchauffement climatique qui se fait, chaque année, plus présent, et des effets d’un dérèglement toujours plus intense, les derniers rétropédalages sur les politiques environnementales donnent du grain à moudre. La loi Duplomb assènent un coup de crosse aux politiques agricoles, et à celles de protection de la nature.
Si le texte remet sur le devant de la scène le débat sur l’agriculture intensive, sur les produits présents dans les assiettes des consommateurs, et sur la charge de travail des agriculteurs, le texte n’a lui-même fait aucun débat dans l'hémicycle.
Alexandre Poidatz, militant et co-fondateur du collectif Lutte & Contemplation et Justine Guitton-Boussion, journaliste à Reporterre apportent leur analyse dans l'émission Je pense donc j'agis.
“La réintroduction des pesticides dangereux, favoriser la construction de méga-bassines et la destruction de zones humides, cette loi vise aussi à affaiblir l’indépendance de l’ANSES, l’agence nationale chargée de la mise sur le marché de ces pesticides”, énumère Alexandre Podatz. “On revient quand même sur la réintroduction d’un néonicotinoïde qui avait été interdit”, reprend Justine Guitton-Boussion. “C’est aussi favoriser l’extension des bâtiments d’élevage qui pourrait favoriser aussi la construction de fermes-usines”, continue la journaliste.
La réintroduction des pesticides dangereux, favoriser la construction de méga-bassines et la destruction de zones humides.
Sans mâcher ses mots, Alexandre Poidatz accuse “le lobby de la FNSEA qui défend un modèle très intensif avec le recours aux pesticides, avec un rendement très important, sans prise en compte des dimensions environnementales”. D’après une étude réalisée par Politis et l’ONG Data For Good, le militant avance que “37 % des amendements déposés par les parlementaires en dehors de la gauche répondaient à des demandes directes de la FNSEA”.
“C’est une vision très biaisée de dire que si les agriculteurs sont en difficulté, ce serait à cause des contraintes environnementales, de la restriction des pesticides et parce qu’on ne pourrait pas construire de méga-bassines”, regrette Justine Guitton-Boussion. Pour la journaliste, c’est un débat à gros enjeux. “Je pense qu’il ne faut pas discuter qu’avec les sénateurs, mais avec toute la population française”, soutient-elle. Alexandre Poidatz souligne que “cette loi porte sur des sujets qui concernent des acteurs économiques, des acteurs agricoles, et surtout des consommateurs”.
Loi Duplomb : récit d’un hold-up démocratique, titrait le journal en ligne Reporterre, le 27 mai dernier. Car, pour beaucoup, le passage direct de cette loi en commission mixte paritaire est pour le moins inattendu. “Normalement, quand il y a une proposition de loi, elle passe à l'Assemblée nationale puis au Sénat, s’en suit une deuxième lecture après laquelle le texte est adopté”, explique Justine Guitton-Boussion. “Concernant cette loi, le député Les Républicains de l'Aisne Julien Dive également rapporteur, parce que la gauche aurait déposé trop d’amendements, a déposé une motion de rejet que le Centre, la droite et l'extrême droite ont voté. De fait, le texte a été renvoyé directement en commission mixte paritaire, et sera débattu entre autant de députés que de sénateurs, dont la majorité y est favorable.” Pour Alexandre Poidatz, “c’est inédit et c’est jouer avec les instances démocratiques, sans débat démocratique, pour faire une sorte de passage en force”. Une motion de rejet est normalement déposée par le camp d’opposition à un texte.
Quand on est un simple citoyen qui n’est pas à l’Assemblée nationale, on a l’impression de ne pas être entendu et de n’avoir aucun pouvoir.
“Ce qui me met en colère, c’est ce que fait ce gouvernement, ce que fait cette loi. Ils vont autoriser des pesticides, des produits qui assassinent, qui rendent les gens malades, en premier les agriculteurs, tout ça pour l’argent, tout ça pour le bénéfice”, s’offense Patrick, un auditeur. Anne-Marie, elle, se dit outrée. “Comment peut-on autoriser une chose pareille ? Tous ces élevages intensifs au détriment de l’animal, c’est abominable”, s’émeut-elle. “Je comprends la colère de Patrick qui a le sentiment que quand on est un simple citoyen qui n’est pas à l’Assemblée nationale, on a l’impression de ne pas être entendu et de n’avoir aucun pouvoir”, estime Justine Guitton-Boussion.
“La majorité des Français veulent une alimentation saine et sont prêts à soutenir leurs agriculteurs, et de nombreux agriculteurs sont prêts à changer de modèle”, estime Alexandre Poidatz. Malgré un certain recul des politiques environnementales, le militant conserve une lueur d’espoir, face à une société dans laquelle la prise de conscience du réchauffement climatique a déjà fait un grand chemin.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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