Gilles Perret, à la rencontre des agriculteurs qui veulent mettre du beurre dans les épinards

Se moderniser ou baisser les armes

En 1972, un premier reportage est tourné dans la petite ferme haut-savoyarde de Mieussy. Sur les images saccadées, en noir et blanc, trois frères cassent des cailloux, bientôt ils construiront ici une étable en stabulation libre, une révolution. “Vous ne faites que travailler ?” demande alors le journaliste. “Oui, nous pensons qu’il n’y a pas d’autres façons de faire pour s’en sortir, améliorer nos conditions de vie” répond l’un d’entre eux.

C’est une réussite sur le plan économique, un échec sur le plan humain

Quelques décennies plus tard, Gilles Perret, voisin des Bertrand, fait à nouveau entrer une caméra dans la vie de la famille.

Durant un an, il filme, à chaque saison ces trois hommes, désormais âgés et qui s’apprêtent à passer la main à leur neveu et sa femme, Patrick et Hélène. En cette année 1997, les frères tirent le bilan de leur vie professionnelle. “Ça aura été un succès sur le plan économique, un échec sur le plan humain” résume, amer, l’un d’entre eux. Cette phrase marquera le public l’année suivante, lors de la sortie de “Trois frères pour une vie” de Gilles Perret.

L’amour du métier

En 2022, Gilles Perret décide de retourner sur les terres des Bertrand à l’occasion d’un nouveau temps fort : cette fois, c’est Hélène qui prend sa retraite. Elle travaillait sur l’exploitation aux côtés de son fils, Marc et de son gendre, Alex, depuis la mort de son mari.

“De nouveau, la question de la modernisation se pose à ce moment-là” explique le réalisateur. “On voit dans le film qu’ils envisagent de remplacer Hélène par un robot de traite. Ça peut paraître déshumanisant, mais moi qui me lève 2 h après eux, je ne suis pas légitime pour donner un avis”.

Cette innovation permettrait à Marc et Alex de gagner quelques heures de répit, eux qui s’occupent de leurs laitières tous les jours de l’année. “Ça poussera peut-être les jeunes à choisir ce métier” confirme Hélène.

Il faut dire que les soucis ne manquent pas, si la technologie permet désormais aux agriculteurs de consacrer du temps à leur famille, le climat change, l’eau manque et une fois encore, la profession doit se réinventer.
“Je voulais faire un film vrai” résume Gilles Perret. “Pas une carte postale, avec le Mont Blanc, de belles vaches et tout va bien”.
Disparu derrière sa caméra en quelques minutes, le réalisateur nous plonge ainsi dans l’intimité d’une famille qui, génération après génération, choisit la terre et se bat pour vivre dignement du travail de ses mains. 

"La Ferme des Bertrand" sortira à échelle nationale le 31 janvier 2024 mais est déjà visible, en avant-première, dans les Pays de Savoie.

L'actu en bref

• La Communauté d'Agglomération Grand Lac espère être bientôt labellisée territoire "Homme et Biosphère". Un programme de l'UNESCO qui vise à protéger l'environnement et l'économie locale.
• 60 personnalités signaient, hier, dans le Nouvel Obs, une tribune pour faire interdire la chasse à la marmotte. Les Pays de Savoie continuent de l'autoriser par arrêté préfectoral.