Décarbonation : un enthousiasme à modérer
Bruno Le Maire, ministre de l'économie, est en déplacement aujourd'hui lundi 15 janvier 2024 sur la Centrale nucléaire de Gravelines et le site de l'usine sidérurgique du groupe ArcelorMittal à Grande-Synthe. Une manière de soutenir la relance de la filière nucléaire et de la décarbonation de l'industrie française ; des projets qui ont aussi leur revers de médaille.
Un contrat d'aide de l'état a été notamment signé aujourd’hui avec le sidérurgiste pour accélérer sa décarbonation. Il s'agit de co-financer une unité de réduction du minerai de fer et 2 fours électriques, pour remplacer un haut fourneau qui fonctionne au charbon. Soit une aide publique de 850 millions d'euros sur les 1,8 milliards d'euros d'investissements. A terme, cette décarbonation permet de réduire de 5,7% les émissions de CO2 industrielles nationales.
Le Nord, terre d’émissions
Il faut dire que le Dunkerquois rejette aujourd’hui 20 % des émissions de CO2 en France, soit 13,7 millions de tonnes de CO2, le fameux dioxyde de carbone à l’origine des gaz à effet de serre qui dérèglent l’atmosphère. C’est complètement atypique par rapport au reste de la France. Pour réduire son empreinte carbone et être en phase avec l'annonce gouvernementale de novembre 2022 qui cherche à décarboner les grandes sites industriels français, Dunkerque souhaite devenir la première Zone Industrielle bas carbone : une ZIBAC. Cela suppose de décarboner les entreprises émettrices de dioxyde de carbone. Les projets ne manquent pas, d'ArcelorMittal à "Cap Décarbonation" avec notamment l’entreprise de production de chaux Lhoist ou la cimenterie de Lumbres.
Réindustrialisation verte
Parallèlement, de nombreux projets de réindustrialisation "verte" sont annoncés, avec l’arrivée d’entreprises de batteries comme Verkor et ProLogium Technologies, l’installation de deux nouveaux EPR à Gravelines (centrales nucléaires nouvelles générations) ou encore la création du premier site mondial de production d’hydrogène vert. Ils sont accompagnés par la Communauté Urbaine de dunkerque, le Grand Port Maritime qui va s’agrandir ou encore RTE qui fournit les besoins en électricité. Et en amont, ces projets majeurs sont scrutés par un organisme indépendant, la Commission nationale du débat public, étape préalable avant une autorisation ou non d’exploitation. Tous ces aménagements devraient générer 16 000 à 20 000 emplois d’ici 10 ans.
Pas si vert que ça
Si on peut se réjouir de voir Dunkerque comme « the place to be » pour l’industrie mondiale, certains s’inquiètent. La décarbonation nécessite des changements de process de production, qui ne sont pas sans impact sur l’environnement. L’association Virage Energie a ainsi saisi le préfet pour réfléchir sur la cohérence de tous ces projets industriels, que ce soit décarbonation ou réindustrialisation. Ils ne sont pas sans impact sur le foncier, l’emploi, les transports et la sécurité des habitants.
Parallèlement, ces grandes entreprises qui investissent dans la décarbonation, ont parfois du mal à maîtriser par ailleurs leur source de pollution. Ainsi, France Nature Environnement a déposé plainte contre ArcelorMittal le 23 mars dernier pour non-respect de la législation concernant les émissions polluantes de son site dunkerquois.
Pour aller plus loin
Pour en savoir plus sur les principes de décarbonation et les limites de ce processus, retrouvez ci-dessus le podcast « En avant vers la décarbonation » réalisé à Dunkerque en juin 2023 avec :
- Anne-Marie Royal, déléguée régionale Hauts de France de la Commission nationale du débat public (CNDP)
- Paulo-Serge Lopes, Président de l'association environnementale Virage Energie
- Emmanuel Deneuville, Program Controls Manager chez ArcelorMittal France
- Yves Boraccino, Directeur du site Réty du Groupe Lhoist
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