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De prostituées à « businesswomen » du ménage : Solenciel réinsère ces femmes « abimées » par les réseaux
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De prostituées à « businesswomen » du ménage : Solenciel réinsère ces femmes « abimées » par les réseaux

Un article rédigé par Grégoire Soual-Dubois - RCF Lyon, le 3 mai 2023  -  Modifié le 3 mai 2023
Vitamine C autour de Lyon De prostituées à « businesswomen » du ménage : Solenciel réinsère ces femmes « abimées » par les réseaux

Le ménage pour tourner la page. Abimées par la prostitution, de jeunes victimes de ce genre de réseaux se voient proposer un CDI pour s’en sortir : l’association Solenciel emploie ces femmes comme intervenantes de nettoyage dans des entreprises, copropriétés et hôtels. Une nouvelle vie d’entrepreneuses pour se restructurer, retrouver une dignité. Rencontre avec son président-fondateur.

Rodolphe Baron - © RCF Lyon (Grégoire Soual-Dubois) Rodolphe Baron - © RCF Lyon (Grégoire Soual-Dubois)

 

« Mafia nigériane » et Coupe du monde

 

Toutes officiellement majeures, elles ont en réalité entre 15-16 ans et 25-30 ans. Éligibles à aucun dispositif d’aide d’insertion professionnelle en France, la très grande majorité vient d’Afrique, en particulier du Nigéria, pays d’origine de la majorité des prostituées de rue en France.

Les proxénètes des très organisés réseaux nigérians sont les madames, ces anciennes prostituées exerçant une emprise affective et religieuse sur les jeunes filles qu’elles recrutent en les faisant venir du pays. Peu actives en journée, elles se prostituent la nuit sur les trottoirs de la ville. « Tout d’un coup, on a eu pas mal de femmes qui sont parties pendant 1 mois, et qu’on a vu revenir ensuite » : au rythme des événements touristiques, elles sont déplacées ponctuellement ailleurs en France ou en Europe, par exemple à l’occasion de la coupe du monde de football.

 

Quid de l'Europe de l'Est ? Les bénévoles de l’association catholique Magdalena (fondée par Rodolphe Baron avant Solenciel) rencontre la nuit des personnes originaires de l'Est de l'Europe, mais sans parvenir à les attirer vers Solenciel, car les emprises de ces réseaux sont autrement plus violentes.

 

 

Une nouvelle vie d’entrepreneuses : « On est des businesswomen, pas des agents d’entretien »

 

Magdalena organise historiquement des maraudes pour les personnes prostituées : poussé par ces femmes elles-mêmes à aller plus loin, l'entrepreneur social Rodolphe Baron a créé Solenciel en 2017 à Grenoble. Une association à but non lucratif avec un but : les extraire du milieu enfermant de la prostitution par un travail stable. Le nettoyage leur paraissant accessible en terme de compétences, sans exigence d’une maîtrise du français pour ces anglophones nigérianes, l’aventure était lancée. Sans-papiers, demandeuses d’asile, une dérogation, rarissime en France, permet à la structure de les employer.

« Elles ont eu raison de nous pousser », reconnait Rodolphe Baron. Stabilité d’un CDI, accès au logement, autonomie et vie sociale riche : les 7 premières femmes passées par Solenciel sont aujourd’hui émancipées.

 

La formation aux métiers du nettoyage est assurée par l’association, qui emploie ces ex-prostituées sur la base d’une vingtaine d’heures par semaine. Parallèlement, Solenciel signe des contrats de prestations de nettoyage avec des entreprises partenaires : locaux, bureaux, hôtels, parties communes d'immeubles. Parce que l'enjeu écologique compte aussi, on laisse la voiture au garage : les employées se déplacent en vélo et transport en commun, limitent la consommation d'eau et choisissent des produits d'entretien respectueux de l'environnement.

 

Un salaire fruit de leur travail : ce métier leur redonne une vraie dignité. Au-delà du nettoyage, la structure s'est organisée comme entreprise libérée. Solenciel pousse à l’autonomie et à la prise de décision en équipe : les employées gèrent elles-mêmes leurs plannings, leurs achats de matériel, leurs salaires et primes, le recrutement. Ce passage salvateur dans l'association leur permet d'apprendre le français et de s'inscrire à un parcours de formation. Car on passe à Solenciel plus qu’on n’y reste ; en moyenne, entre 18 et 24 mois. Un tremplin, un sas de décompression bienvenu pour préparer leur projet professionnel, souvent dans d’autres domaines que le nettoyage.

 

 

Développement d'une agence de ménage pas comme les autres

 

Née à Grenoble, présente à Toulouse, l’association est bien implantée à Lyon depuis 2020 malgré le coup dur de l’après-covid. Lancer l’activité, crédibiliser l’action, trouver d’autres partenaires : depuis son implantation sur la métropole de Lyon, le fort soutien financier de la Fondation Saint-Irénée constitue un accompagnement clé. « Un appui extraordinaire », pour Rodolphe Baron.

Aujourd’hui à Solenciel Lyon, une dizaine de personnes sont en insertion. La suite, ce sont de nouveaux contrats avec de futures entreprises partenaires, qui permettraient d’embaucher beaucoup plus de femmes. Une « antenne qui fonctionne bien », c'est une trentaine de personnes en insertion, pour assurer un équilibre économique.

 

« Si vous êtes dans un immeuble, on nettoie les montées d’immeuble, si vous êtes dans des bureaux, on nettoie les bureaux » : le président-fondateur de l'association appelle les entreprises, copropriétés et structures touristiques à devenir partenaires de Solenciel. Une exigence pour l'antenne lyonnaise : être situé sur le territoire couvert par les transports en commun TCL.

 

ALLER PLUS LOIN
Infos et actus sur le site et la page Facebook de Solenciel

 

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Vitamine C autour de Lyon
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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