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Culture de la betterave sucrière : des solutions de prévention sans néonicotinoïde, est-ce possible ?

Culture de la betterave sucrière : des solutions de prévention sans néonicotinoïde, est-ce possible ?

Un article rédigé par Anne HENRY - RCF Hauts de France, le 15 octobre 2025 - Modifié le 27 octobre 2025
Commune planète (Hauts-de-France)La culture de la betterave à sucre peut-elle être plus durable ?

Le 5 octobre 2025, après 4 ans d’études, les chercheurs du Programme national de recherche et d’innovation ont fait un point d’étape sur l’efficacité des solutions pour une culture sans acétamipride. Qu’en pensent les agriculteurs ? Raphaëlle Remande de La Voix du Nord et Anne Henry de RCF Hauts-de-France ont invité dans l’émission Commune Planète du 17 octobre, deux voix qui comptent dans la région : Guillaume Wullens, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves du Nord – Pas-de-Calais (CGB) et Sébastien Lemoine, président du projet bio de Fabrique à sucres.

Anne Henry, Raphaëlle Remande, Sebastien Lemoine, Guillaume Wullens Crédit Emilien Vandenbussche RCF Hauts de FranceAnne Henry, Raphaëlle Remande, Sebastien Lemoine, Guillaume Wullens Crédit Emilien Vandenbussche RCF Hauts de France

En ce début d’automne, la campagne des Hauts-de-France vit au rythme de la récolte de la betterave à sucre. La belle couleur verte des feuilles de betteraves est remplacée par le blanc terreux des tas de racines, au bord des champs, qui attendent leur départ en sucrerie. Longtemps considérée comme l’or blanc de la région, la betterave sucrière est une culture importante chez les agriculteurs, car rentable et historique. Depuis plus de 200 ans, les Hauts-de-France est la région leader du marché (193 000 ha), par la qualité de ses terres et son climat océanique un tantinet pluvieux (la betterave n’aime pas la sécheresse). La France est le premier producteur européen de sucre. Et cette année, la campagne nationale 2025 devrait être de qualité avec 31,8 millions de tonnes (source ministère de l’agriculture), soit +2,3 % par rapport à la période 2020-2024, avec un rendement de 80 tonnes/ha, +1,1 % par rapport à 2024.

 

 

Polémique de la loi Duplomb


On a beaucoup parlé de cette culture cet été avec la loi Duplomb qui prévoyait la réintroduction d’un pesticide dit acétamipride pour lutter contre les ravageurs et les maladies, notamment les pucerons vecteurs de la jaunisse. C’était une demande des betteraviers, qui se disent démunis sans ces produits. 

Nous sommes 16 filières à demander son retour. L’acétamipride est un filet de sécurité qui permet de protéger le rendement et le revenu de l’agriculteur

 rappelle Guillaume Wullens. Mais le Conseil constitutionnel a refusé, en raison de l’impact environnemental.

 

Nouveau programme de recherche
 

Rappelons que depuis 2018, les agriculteurs n’ont en effet plus le droit d’utiliser ces produits. L’impact a été une baisse des rendements (95 tonnes/ha en 2018 contre 80 actuellement), alors que l’inflation et le coût d’exploitation n’ont cessé d’augmenter. Et la crise de 2020 – certains agriculteurs ont perdu jusque 70 % de leurs cultures à cause de la jaunisse – a affolé le monde agricole. L’État s’est alors mobilisé de façon exceptionnelle. Le ministère de l’agriculture a débloqué 7,2 millions d’euros pour un Programme national de recherche et d’innovation, en associant l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), l’Institut technique de la betterave (ITB, financé par les planteurs) ….

 

Premier bilan de la recherche


Après quatre ans de recherche (le programme a été reconduit jusqu’en 2027), le PNRI a fait un point d’étape le 5 octobre 2025 en listant les solutions de prévention sans pesticide qui permettraient de lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse :

- planter des haies ou des espèces végétales qui détournent les pucerons des parcelles de betteraves (comme les graminées, avoine, orge)
- apporter des insectes prédateurs des pucerons
- détruire les repousses de betteraves contaminées
- semer tôt dans la saison, pour rendre la plante plus résistante lors de l’arrivée des pucerons
- réduire la fertilisation azotée pour diminuer l’attractivité de la plante.


Des mesures déjà prises par certains agriculteurs conventionnels, ce qui expliquerait les faibles attaques virales depuis 2020. 

Mais pour l’instant, on n’a pas d’alternative aussi efficace que les insecticides pulvérisés 

affirme Guillaume Wullens, «même si on travaille déjà avec les semis tôt, les rotations et les plants compagnons». Avec les problèmes de la rémunération du sucre et de la betterave, les craintes du Mercosur et l’absence de quota sur le sucre, «on n’a pas les moyens financiers de prendre le risque d’avoir un gros dégât de rendement».

 

 

Combiner les solutions


Selon les chercheurs, si l’on ne retient qu’une seule solution de prévention, elle ne sera jamais aussi efficace que les néonicotinoïdes. Mais combiner les solutions de prévention permet une efficacité maximale de l’ordre de 70 % sur les pucerons et de 50 % sur la maladie. 

D’ailleurs, des agriculteurs bio de betterave ont testé ces solutions du côté de Cambrai. Ça marche avec des rendements de 100 tonnes à l’hectare cette année, c’est exceptionnel 

explique Sébastien Lemoine, président du projet bio de Fabrique à sucre, 

Je pense que l’on peut travailler davantage avec les autres agriculteurs, car l’agriculture biologique, ça n'est pas l’agriculture d’hier, c’est celle de demain. On travaille beaucoup sur la prévention contre la maladie et les insectes. On ne travaille pas assez main dans la main.

 

 

Nouvelles charges


Si sur le papier, ces pistes semblent séduisantes, elles supposent de nouvelles démarches agronomiques et plus d’heures de travail pour les agriculteurs conventionnels. Des charges nouvelles qui s’ajoutent aux autres contraintes, notamment liées au changement climatique (plus de sécheresse, moins de gelées qui perturbent la croissance de la plante). Et la solution de nouvelles semences générant des plantes plus résistantes à la jaunisse ne devrait pas voir le jour avant 2030. Les recherches n’ont commencé qu’en 2016. 

Et même si ces semences résistantes sont commercialisées, le virus s’adaptera toujours. C’est pourquoi les solutions de prévention sont à déployer dès que possible. Elles permettent de faire baisser la pression virale et de freiner le contournement de la résistance. La génétique est une solution mais elle est d’autant plus durable qu’elle est associée à des solutions agronomiques

 souligne Guy Richard, qui a co-piloté le Programme national de recherche et d’innovation sur les betteraves, pour le compte de l’Inrae.

 

Nouvelle forme d’agriculture
 

Face à ces nouveaux coûts, les chercheurs du PNRI préconisent un mécanisme assurantiel puisque la jaunisse n’apparaît pas tous les ans et ne concerne pas tous les territoires à chaque fois. Mais pour Guy Richard, il faut aller plus loin, en partageant les coûts : 

il faut se mettre autour de la table pour évaluer le risque, le coût et  partager la charge financière, en invitant les agriculteurs, les sucreries, l’industrie agro-alimentaire, le consommateur et des médecins.

Une manière d’imaginer une nouvelle organisation :  

Cette démarche collective sur une  filière de petite taille comme le sucre pourrait être un cas d’école pour penser l’agriculture de demain.

Et pourquoi pas avoir une nouvelle carte à jouer par rapport à la société et aux consommateurs.

 

 


=> Pour aller plus loin, émission spéciale Commune Planète La Voix du Nord-RCF « La culture de la betterave à sucre peut-elle être plus durable ?», réalisée par Raphaëlle Remande de La Voix du Nord et Anne Henry de RCF Hauts de France avec : 
- Sébastien Lemoine, président du projet bio de Fabrique à sucres
- Guillaume Wullens, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves du Nord – Pas-de-Calais (CGB)
sur You Tube et sur RCF.FR

 

Commune Planète Hauts de France
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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