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Crise environnementale : rester lucide sans sombrer dans l'éco-anxiété

Crise environnementale : rester lucide sans sombrer dans l'éco-anxiété

Un article rédigé par Frédéric Mounier, avec OR - RCF, le 5 novembre 2025 - Modifié le 13 novembre 2025
Où va la vie ? La bioéthique en podcastFace à l'éco-anxiété des jeunes et des adultes, comment réagir ? (1/3)

Alors que le climatoscepticisme semble gagner du terrain, on entend dire que la transition écologique ne serait plus un impératif. Cette manière de nier le consensus scientifique sur l’état de la planète peut augmenter l'éco-anxiété. Avec l’addiction aux écrans et la hausse des inégalités, elle fait partie des grandes vagues de fond qui impactent la santé mentale des jeunes. Ceux-ci ont besoin d'être écoutés.

Pour ne pas sombrer, les personnes éco-anxieuses ont besoin d'être écoutées et de pouvoir agir au sein de collectifs. ©FreepikPour ne pas sombrer, les personnes éco-anxieuses ont besoin d'être écoutées et de pouvoir agir au sein de collectifs. ©Freepik

Ce lundi 10 novembre s’ouvre la COP30 au Brésil. Alors que le climatoscepticisme semble gagner du terrain, notamment depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, on entend dire que la transition écologique ne serait plus un impératif. Loin de rassurer, cette manière de nier le consensus scientifique sur l’état de la planète peut en réalité ajouter à l’angoisse ressentie notamment par plus de 4 millions de Français selon l'Ademe. Avec l’addiction aux écrans, et la hausse des inégalités, l’éco-anxiété fait partie des grandes vagues de fond qui impactent de plein fouet la santé mentale des jeunes.

En 2021, l’étude du Lancet a envoyé des signaux alarmants. Sur 10.000 jeunes de 16 à 25 ans de dix pays différents, 83% estimaient que les gens ont échoué à prendre soin de la planète. Pour 56% d'entre eux, l’humanité est condamnée. 48% des sondés se sont sentis ignorés ou rejetés quand ils parlé avec leur entourage du changement climatique. Enfin, 58% se sentaient trahis par leur gouvernement. L'éco-anxiété semble toucher les jeunes dans le monde entier. Comment garder une conscience écologique aigüe sans tomber dans l’éco-anxiété ? Et si les éco-anxieux et éco-anxieuses étaient des veilleurs ? Pour ne pas sombrer, ils ont besoin d'être écoutés et de pouvoir agir au sein de collectifs.

Qu’est-ce que l’éco-anxiété ?

L’éco-anxiété, c’est une peur de la catastrophe écologique et de l'effondrement du vivant. Elle a trois leviers : la conscience intellectuelle de la réalité de la situation, le poids des émotions et les questions liées au sens de la vie et aux valeurs morales fondamentales, comme le résume le Dr Contamin, psychiatre et pédopsychiatre, spécialisé dans la thérapie des troubles post traumatiques, auteur de l’ouvrage "Les 5 cercles de la résilience - Prendre soin de soi, des autres et de la planète : tout est lié !" (2024).

Éprouver de la peur, de la colère ou de la tristesse en raison de la crise environnementale n’est pas en soi pathologique. "Tout est une question de degré", précise le psychiatre. Il y a une "fenêtre de tolérance émotionnelle" dans laquelle on peut encore agir. "On reste motivé, mobilisé pour l’action, décrit le psychiatre, capable d’avoir une pensée souple, flexible et de négocier avec d’autres. On n’a pas de réactions trop radicales." Au-delà d’un certain niveau d’anxiété, on sombre dans le désespoir, le sentiment d’impuissance ou "la réaction de fuite dans des addictions". Et on n'est plus capable de s'adapter, de trouver des points de compromis.

 

Éco-anxiété : la réponse du pape François

Cette angoisse des jeunes, le pape François, qui restera l'auteur de Laudato Si' et de Laudate Deum, s’y est montré particulièrement attentif. En particulier en 2023, au moment de la COP28 à Dubaï, à laquelle il n’a pas pu se rendre en raison de son état de santé. "Il a repris ce cri d’alarme, me semble-t-il, lorsqu’il a très clairement identifié le climatoscepticisme ambiant", avance Dominique Coatanea, théologienne, maître de conférences en Théologie morale et éthique aux Facultés Loyola, responsable du domaine éthique social et environnemental, présidente de l’Association des théologiennes et théologiens pour l’étude de la morale (ATEM). 

Le pape François comparait les jeunes à "des veilleurs", selon la théologienne, des jeunes prenant "une place que les autres ont déserté". Renversant la logique mortifère de l’éco-anxiété, François les considérait comme étant dans "une dynamique de résistance". Comme le rappelle Dominique Coatanea, la philosophe Corine Pelluchon parlait elle aussi d’une dynamique qui certes "met en risque de désespoir" mais qui "est fondée finalement sur un amour du monde". "C’est cet amour du monde qui est un affect positif qui permet de garder la visée d’une transformation possible si de plus en plus d’hommes et de femmes perçoivent ces urgences et ces défis."

 

Les éco-anxieux, des "veilleurs"

L’éco-anxiété, "c’est clair que c’est une réaction normale, estime le psychiatre. Nos émotions comme l’anxiété sont des signaux qui nous indiquent qu’il faut réagir à une situation de danger." Or, ce que montre l’étude du Lancet c’est qu’une proportion très importante des jeunes sondés souffrent de na pas pouvoir en parler avec leurs proches.

Quand, en famille, ou dans le cercle proche, "il y a une réaction qui dit : Arrête, on s’en fout ! De toute façon, on ne peut rien faire, autant en profiter, décrit le psychiatre, c’est très, très dur pour les jeunes." Se sentir écouter, compris par ses proches "c’est un enjeu majeur parce que notre première ressource de résilience, c’est nos liens et d’abord nos liens à nos proches".

Et si on considérait les personnes hautement conscientes de la crise environnementale comme des "veilleurs" ? En tout cas une parole à contre-courant qu’il peut être bon d’écouter. Dominique Coatanea évoque les figures d’Hélène et Jean Bastaire, un couple des années 70, 80, "extrêmement vigilant sur questions. Au moment où les autres se sont détournés dans une espèce d’euphorie des Trente Glorieuses, ils ont lancé un cri de précurseurs, de prophètes."

 

Un besoin d'agir et de s'engager

"Après, la solution, c’est vrai qu’elle ne va pas forcément se trouver dans les cabinets de psychiatres ou de psychologues, admet le Dr. Contamin, mais dans la création de liens collectifs… et dans la possibilité de mettre en place une action collective." Un certain nombre de jeunes, notamment issus de grandes écoles, de formations classiques et traditionnelles des élites françaises, disent vouloir sortir du système. Cela ne concerne pas que les jeunes diplômés, d'ailleurs. On se demande alors s’il faut rester pour faire changer les choses de l’intérieur ou bien faut-il changer de travail...

Aujourd'hui il existe des structures d’accompagnement comme Le Campus de la transition, en région parisienne ou L’Institut transition à Lyon. L’important pour le psychiatre étant d’éviter d’opposer les démarches. "On insiste beaucoup sur le fait qu’il ne faut pas mettre en opposition les postures de résistance, de refus ou de transition d’insertion dans les structures pour les faire bouger ou des structures qui cherchent à faire évoluer les consciences." C’est important selon le thérapeute de les présenter comme "complémentaires".

Et puis l’étape viendra où l’on prendra conscience de "la dynamique économique déjà à l’œuvre" où une transition s’opère. "Énormément d’hommes et de femmes choisissent de vivre leur vie en s’enracinant dans un processus où les intrants chimiques sont proscrits, témoigne Dominique Coatanea. On nourrit très, très bien la planète à partir d’une économie et d’une agriculture vivrière qui permet de retrouver du pouvoir d’agir là où on croit l’avoir perdue pour de l’agrobusiness. S’inventent déjà, maintenant, des manières autres de se mettre ensemble autour de problématiques qui sont celles de mieux vivre dans une planète habitable aujourd’hui et demain."

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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