Vangelis, musicien béni des dieux

"ENFANT" D’APHRODITE, IL  CONNAÎT UN SUCCÈS INTERNATIONAL DANS LES ANNÉES 60

Connu jusque-là par le groupe qu’il forma à la fin des années 60 avec Demis Roussos, Lucas Sideras et Silver Koulouris, le paisible ogre grec, à la barbe fleurie et au physique de pope orthodoxe, s’était engouffré dans la brèche du rock progressif tout en composant un peu pour des documentaires en particulier pour le Français Frédéric Rossif. Henry Chapier est l’un des premiers à lui offrir une expérience au cinéma en 1970. Installé à Londres, Vangelis fera ses gammes durant dix ans avant de se révéler dans le registre de la musique de film. Ce parfait autodidacte, qui n’avait jamais appris le solfège, donnait enfant des petites représentations au piano de ses propres compositions. A six ans, il avait, déjà, tout d’un phénomène.

 

"LES CHARIOTS DE FEU" (1981) : L’OSCAR DE LA MEILLEURE MUSIQUE

Et dire que le morceau d’anthologie qui ouvre Les Chariots de feu où l’on voit des athlètes, vêtus de blanc courir sur la plage, a bien failli ne jamais exister. Hugh Hudson, le réalisateur du film lui préférant un titre préexistant, inclus dans l’album Opéra sauvage, de Vangelis, enregistré deux ans auparavant. Mais à force de ténacité, le musicien grec finira par imposer sa présence. La suite sera pavée de récompenses et le film, grâce en partie à sa BO au souffle puissant, sera le grand vainqueur en 1982 de la 54e cérémonie des Oscars, décrochant quatre statuettes dont celles très convoitée du meilleur film et de la meilleure musique. Les Chariots de feu évoque l’histoire vraie du parcours de deux athlètes britanniques aux Jeux de 1924 en France. Le sprinter juif anglais Harold Abrahams court pour combattre les préjugés antisémites. Tandis que son compatriote et adversaire, l’Ecossais Eric Liddell, court quant à lui pour affirmer sa foi chrétienne.

 

"BLADE RUNNER" (1982) : UNE BO HYPNOTHIQUE

En cette année 1982, Vangelis enchaîne un nouveau projet international d’envergure porté par Ridley Scott. Adaptation du roman de science-fiction Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques, de Philip K. Dick, Blade Runner va définitivement l’asseoir à la table des plus grands. Considéré comme un pionnier de la musique électronique (au même titre que Jean-Michel Jarre en France ou Kraftwerk en Allemagne), le compositeur grec, passionné par l’espace et les galaxies, se surpasse en signant une BO onirique et futuriste épousant à merveille le récit de ce film cyberpunk qui se clôt avec l’entêtante musique aux accents crépusculaires. Une musique en suspension qui contribue grandement au climat général du film que les puristes considèrent comme un film noir et un hommage aux années 40 d’Hollywood avec pour ressort la trilogie : la femme fatale, le détective, et l'homme à abattre. La nouveauté étant l’espace temps décalé dans un futur dystopique lugubre et liberticide. Un grand film avec Harrison Ford à voir et à revoir.  

 

Je ne me considère pas comme un musicien, plutôt comme un radar prêt à capter les symphonies venant du ciel. C'est comme ça, depuis que j'ai quatre ans.

LA BANDE SON PLANANTE D’"ANTARCTICA" (1983)

« Je ne me considère pas comme un musicien, plutôt comme un radar prêt à capter les symphonies venant du ciel. C'est comme ça, depuis que j'ai quatre ans. C'est comme le travail des architectes, rien n'est jamais inventé », confiait Vangelis.  Koreyoshi Kurahara fait appel aux services de l’ex-Aphrodite’s child en 1983 pour son film d’aventure Antarctica. Le récit d’une équipe de scientifiques japonais contraints d’abandonner ses chiens de traîneaux pour survivre. La musique du film fit à l’époque l’objet d’un album destiné à l'origine au seul marché japonais, avant de connaître finalement un grand succès et une diffusion internationale en 1988.

 

"FRANCESCO" (1989) : VANGELIS ET LE MYTHE DE SAINT FRANÇOIS D’ASSISE

Deux ans après Angel Heart, d’Alan Parker, l’un de ses plus beaux rôles, Mickey Rourke incarne en 1989 devant la caméra de la cinéaste italienne Liliana Cavani un jeune François d’Assise qui rencontre la foi… Trente-trois ans plus tôt, Liliana Cavani avait déjà évoqué la figure de François dans un téléfilm pour la Rai, qualifié de « vision d'une catholique contestataire » à l’époque. En 1989, Vangelis obtiendra un David di Donatello, l’équivalent des César italiens.

 

LE CÉLESTE "1492 : CHRISTOPHE COLOMB" (1992)

La découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb se prête à toutes les démesures. En 1992, pour les 500 ans de la découverte de l’Amérique par le navigateur gênois, interprété par Gérard Depardieu, Vangelis transforme une bande originale d’inspiration baroque en un torrent musical. L’un de ses plus célèbres morceaux, de ses plus forts, et de ses plus lyriques. Dans le fameux Conquest of paradise, le morceau de bravoure du film, il reprend le célèbre thème de la Folia, une danse du XVe siècle apparue probablement au Portugal et adaptée en leur temps par Jean-Baptiste Lully et Arcangelo Corelli. Et dire que Vangelis n’aurait pas dû composer la musique mais Hans Zimmer. 1492 connaîtra, en tout cas, un immense succès international.

 

"LA PETITE FILLE DE LA MER" (1973) : LE CALME AVANT L’APOCALYPSE

La Petite Fille de la mer constitue un morceau très connu du répertoire de Vangelis, extrait de L’Apocalypse des animaux, une série documentaire de 1973, de Frédéric Rossif, documentariste et réalisateur français, avec lequel, le compositeur grec aura collaboré à plusieurs reprises dans les années 70 et 80. Un morceau tout en douceur, céleste et onirique.

Vangelis laisse à la postérité également une œuvre plus personnelle. De nombreux albums comme Spiral de 1977, contenant le tube To The Unknown Man, ou 666, double album de rock progressif signé avec les Aphrodite's Child et sorti en 1972 ou encore Juno, en 2013, une œuvre originale accompagnant le passage de la sonde Juno en route pour Jupiter. Vangelis, qui vouait une véritable fascination pour l’espace, avait par ailleurs eu le privilège en 1995 de voir son nom donné à une planète.