Une vieille maison, des archives cachées : enquête familiale sur Marc et Marthe de La Bardonnie, le résistant et la féministe

Une enquête familiale qui devient quête intérieure

Tout commence par un hasard, « les coïncidences de la vie », dit Anne-Sophie. Un arrêt de travail en 2024, l’envie d’écrire, l’autorisation demandée à sa belle-mère… et une maison fermée depuis vingt ans : Chez Bony. Dans ce grenier endormi, elle tombe sur un trésor : le casque de Marc, sa gamelle, puis surtout « des ordres de mission originaux des renseignements généraux de 1945 ». Ces trouvailles font battre son cœur « à tout rompre ». Portée par cette découverte inattendue, elle se met à enquêter : archives familiales, archives allemandes de Arolsen, service historique de la Défense à Vincennes et Caen, archives de la Dordogne… « L’enquête a duré presque un an ».
Peu à peu, elle reconstitue le parcours d’un homme dont personne ne connaissait vraiment l’histoire, même pas sa propre fille. Marc apparaît alors comme un jeune homme passionné de mécanique, capturé en juin 1940, passé par les stalags, les commandos agricoles, puis transféré dans l’usine IG Farben, « l’entreprise qui faisait les gaz toxiques ». Là, il subit cadence infernale, maltraitances, et sans doute des expérimentations chimiques. Miraculeusement rapatrié en 1944, « les Allemands le croyaient foutu — et lui aussi », il guérit… et au lieu de se reposer, il repart combattre.

Marthe, une féministe avant l’heure et une "cheffe de terre"

Face à Marc, il y a Marthe : parisienne, cultivée, qui rêvait d’être professeure d’histoire. Rien ne la destinait à devenir agricultrice en Dordogne… jusqu’à sa rencontre avec Marc, après la guerre. Leur mariage est un mariage d’amour. Puis le drame : Marc meurt très jeune, quelques mois après la naissance de leur fille Marie, sans doute fragilisé par la guerre et les privations. Alors, deux femmes unissent leurs forces : Marthe et Marcelle, la veuve du domestique accidentellement décédé juste avant la mort de Marc. À elles deux, elles élèvent cinq enfants et tiennent la propriété.
Marthe devient cheffe d’exploitation, figure de charisme et de détermination. « Je parle parfois d’un Downton Abbey à la française », sourit Anne-Sophie, tant la vie de cette maison mêle liens sociaux, fidélités et audaces.
Ce qu’elle découvre surtout, c’est « la noblesse d’âme et de cœur, l’abnégation, le don de soi ». Une culture de l’engagement qui la touche profondément et qu’elle souhaite transmettre à ses propres enfants.

C’était un héros, mais elle aussi, il était un résistant héroïque et elle, une femme visionnaire 

« Une histoire qui nous rapproche de nos ancêtres » : plongée dans un héritage de résistance

Ce livre est un hommage : à Marc, prisonnier puis résistant ; à Marthe, pionnière et bâtisseuse ; à toutes ces figures discrètes qui ont façonné la France. Anne-Sophie du Doignon n’en a pas fini avec l'histoire familiale : elle prépare déjà un second ouvrage, consacré à Louis de La Bardonnie, « l’un des premiers résistants aux côtés du général de Gaulle », ainsi qu’à Denise, sa femme, et à leur lignée. 

Un nouveau chapitre pour continuer à transmettre — et faire vivre ces éclats de courage, de fidélité et de lumière. Des récits qui honorent les anonymes de la Résistance et les femmes qui ont "tenu la maison" debout.