Pays de Savoie : une rentrée culturelle sur fond de tension sociale
Les scènes nationales de Savoie et de Haute-Savoie sont fin prêtes pour recevoir artistes et spectateurs. Malraux accueille son premier spectacle vendredi 19 septembre, et Bonlieu le mardi 23 septembre. Des saisons culturelles qui s’ouvrent sur fond de tension sociale autour du budget de l’Etat. Face à ce contexte, c’est l’occasion pour ces théâtres d’affirmer leur mission de service public auprès des artistes comme des spectateurs.
Théâtre, cirque, musique, danse ou encore comédies musicales… le spectacle vivant, est le deuxième secteur culturel en matière de poids économique après l’audiovisuel. © Pierre PlanchenaultA ceux qui considèrent que la culture coûte trop cher, que quand les cordons de la bourse se resserrent, elle ne fait pas partie des essentiels ; quelques réalités tendent à les contredire. D’abord l'appétence du public pour le spectacle vivant : l'étude intitulée Billetterie du spectacle vivant en 2024", publiée en juillet dernier par le ministère de la Culture, révèle que le spectacle vivant est la première pratique culturelle des français. Mieux : en un an, les entrées ont progressé de 4% ce qui permet aux salles de spectacle de retrouver les niveaux de fréquentation qu'elles connaissaient avant la période Covid. Ainsi selon l'étude " près de la moitié de la population (49 %) déclare avoir assisté à un spectacle vivant au cours de l’année 2024 (concert, théâtre, cirque ou danse), contre 35 % en 2023". Ensuite, la logique comptable ne peut s'appliquer pour évaluer les retombées d'une pratique culturelle parmi la population. S'émouvoir, se questionner, se déplacer dans nos habitudes ou simplement ouvrir les yeux sur d'autres réalités, d'autres regards que le nôtre, ne s'évalue pas quantitativement. "Le spectacle, en tant qu'art vivant propose une mise en présence, une mise en communauté unique", soulève Frédérique Payn, directrice générale de Malraux scène nationale. Enfin, les tarifs pratiqués par les scènes nationales subventionnées sont très en deçà des concerts dans les stades ou des jeux vidéos. A Malraux 200 places sont proposées à des publics défavorisés dans le cadre du collectif Accès pour tous, et du côté de Bonlieu, les réductions tarifaires sont nombreuses (tarif famille, dernière minute, solidaire..) et le plein tarif ne dépasse pas 36 euros.
Des propositions artistiques très diverses en Savoie
Toutes les disciplines, toutes les esthétiques, portées par des compagnie locales, régionales, nationales ou internationales, sont autant de paramètres pris en compte par Frédérique Payn, directrice générale de Malraux, à Chambéry, pour créer une programmation équilibrée. "La saison 25-26 de Malraux a été composée de cette manière, plus encore que la précédente. J'ai mis à profit ma première saison en tant que directrice l'an dernier pour appréhender la réaction des publics, et pris confiance dans le fait que l'on pouvait aller plus loin dans la diversification. Au-delà de la diversité des disciplines, j'ai eu très envie de varier les esthétiques. On parle souvent des sujets des spectacles mais leur esthétique est aussi très importante. Le travail artistique est un travail de langage et de forme : occuper un plateau, faire se mouvoir les corps, utiliser un décors, etc. C'est cela qui va en grande partie générer une émotion, au-delà du sujet ou du dialogue" , expose-t-elle. La réduction du nombre de spectacles différents est un parti pris : 60 propositions cette année contre 66 l'an dernier, mais avec une augmentation du nombre de représentations (de 3 à 4 par spectacle). " Cette volonté va avec le fait de favoriser la présence artistique. Cela s'accompagne de préoccupations écologiques : aujourd'hui une programmation de 90 spectacles avec des artistes qui sillonnent les routes et ne restent qu'une journée n'est plus soutenable ", explique Frédérique Payn. Autre fait marquant à Malraux pour cette rentrée : la part des spectacles en création s'élève à un tiers de la programmation. "Les budgets de la culture sont particulièrement restreints ce qui nous porte aussi à être d'autant plus solidaires avec les compagnies indépendantes, et à prendre les risques avec elles en présentant des spectacles que nous n'avons pas encore vu", conclut la directrice. Objectif : faire mieux que l'an passé où 82 590 entrées ont été vendues. Les équipes de Malraux s'y attelleront dès ce 18 septembre avec le spectacle Vitrine. "Il s'agit d'une performance en extérieur de nos artistes associées Les Harmoniques du Néon qui attire l’attention des spectatrices et des spectateurs sur l’activité d’une rue en centre-ville", développe la directrice.
Une ouverture aux jeunes via la radio en Haute-Savoie
Au bord du lac d'Annecy, Bonlieu scène nationale de Haute-Savoie lèvera le rideau le 23 septembre pour 4 représentations de la pièce Tout est calme dans les hauteurs, une création de Jean-François Sivadier, co-produite par Bonlieu. La billetterie est encore réservée aux abonnements jusqu'au 14 octobre. Chaque année, le théâtre totalise autour de 9500 abonnements dont 800 scolaires. Ici, même logique qu'à Malraux : une diminution du nombre de spectacles et une augmentation des représentations. "Nous avons eu une attention très forte à rendre accessible tous nos spectacles, en terme de jauge. Cette année au total ce sont plus de 100 000 places qui sont offertes, entre notre grande salle qui comporte 925 places, la petite à 270 et notre salle de création à 200 places. Ce qui se joue est davantage un nombre d'entrées sur l'année qu'un taux de remplissage. Ainsi nous flirtons avec les 90 000 entrées chaque année", explique Bertrand Salanon, directeur général de Bonlieu. Cette saison la place des jeunes est encore accentuée. "Nous utilisons le média radio pour permettre d'entendre ce que les jeunes ont à nous dire. Ils animeront des bords-radio, sur le modèle des bords-plateau, ces temps de rencontre avec les artistes à l'issue de leur spectacle, et qui donneront lieu à des podcasts produits par Bonlieu", précise Bertrand Salanon. En partenariat avec Malraux notamment, le projet Le grand flou, se déroulera du 21 au 26 octobre. Neuf personnes âgées de 20 à 28 ans (3 Annéciens, 3 Chambériens, 3 Genevois) se retrouveront à Montmin, un petit village de montagne au dessus du lac d'Annecy, pour vivre ensemble, créer des liens et se former aux outils radiophoniques, telle une résidence artistique qui donnera naissance à une série de podcasts diffusés via les plateformes d'écoute des théâtres partenaires et pendant le temps fort Stayin'Alive à Bonlieu du 24 février au 1er mars 2026. La radio sera aussi sur scène à cette occasion avec Radio live Réconciliations d'Aurélie Charon, pour un spectacle hybride et saisissant autour des témoignages directs de personnes habitant dans des zones de conflit à travers le monde.



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