Train de nuit : le grand retour du voyage lent en France
Longtemps oublié, le train de nuit retrouve peu à peu sa place sur les rails français. Ce mode de transport, à la fois économique, écologique et chargé d’histoire, séduit à nouveau les voyageurs en quête de lenteur et d’évasion.
Le train de nuit est de retour © Unsplash Autrefois très populaire, le train de nuit a peu à peu disparu du paysage ferroviaire français. Depuis quelques années, il fait un retour discret mais prometteur, porté par des enjeux écologiques et le désir d’un voyage plus lent et économique. Retour sur l’histoire mouvementée de ce mode de transport pas comme les autres.
Une solution née avec le chemin de fer et popularisée au XXe siècle
Les premiers trains de nuit apparaissent dès le XIXe siècle, peu après la naissance du chemin de fer. À une époque où l'on voyageait lentement, souvent de nuit, leur utilité s'impose rapidement. "Avant, on voyageait de nuit car on n'avait pas tous les moyens de transport rapides d'aujourd'hui", rappelle Jérémie Anne, journaliste expert du ferroviaire, directeur de publication du site Transports Express Métropolitains. "Le besoin de transporter les voyageurs à longue distance existait dès les années 1830. Le train de nuit avait alors toute sa pertinence."
Le concept se développe fortement au début du XXe siècle, notamment entre les années 1930 et 1980, considérées comme l’âge d’or. Les célèbres wagons-lits Pullman permettent de relier les grandes villes françaises dans le confort. "Les trains de nuit permettaient de partir à 20h ou 21h de Paris, et d’arriver le matin sur la Côte d’Azur ou dans les Alpes. C’était pratique, mais aussi romantique. On se réveillait en pleine nature", raconte le passionné.
Durant ces décennies, la SNCF développe près de 20 lignes de nuit, couvrant aussi bien les liaisons entre Paris et les régions que des axes transversaux. "Il y avait Nantes-Nice, Strasbourg-Portbou, Nantes-Lyon… On pouvait vraiment aller partout", souligne Jérémie Anne. "Et pour les vacances d’hiver, il y avait parfois 4 ou 5 trains qui se suivaient à quelques minutes d’intervalle, tous pleins à craquer."
Le déclin face à la grande vitesse, aux autoroutes et à l’aérien
À partir des années 2000, le train de nuit entre dans une phase de déclin. L’amélioration du réseau routier, l’arrivée massive du TGV et le développement des compagnies aériennes low-cost contribuent à sa disparition progressive. "Le TGV a siphonné une bonne partie de la clientèle", constate Jérémie Anne. "Et comme les trains de nuit étaient déficitaires, la SNCF a dû faire des choix économiques."
Dès lors, les lignes sont supprimées les unes après les autres. En 2016, seules trois subsistent : Paris-Briançon, Paris-Rodez et Paris-La Tour-de-Carol. "Ces lignes ont été maintenues uniquement parce qu’il n’y avait pas d’alternative directe en train de jour", explique-t-il. "Ce sont des marchés de niche. Le Paris-Brest, par exemple, a disparu car le TGV permet de faire le trajet en quatre heures."
Même les trains de nuit de prestige disparaissent. L’Orient-Express, célèbre liaison Paris-Istanbul, symbole du luxe ferroviaire, n’échappe pas à l’effacement. "C’était du très haut de gamme, avec du René Lalique, un service raffiné… Mais c’était réservé à une clientèle aisée. Et ça ne correspondait plus à la logique économique des années 2000", précise Jérémie Anne.
Une renaissance portée par la transition écologique et le slow travel
En 2020, un retournement s’opère. Entre la crise sanitaire, l’urgence climatique et l’intérêt croissant pour le slow travel, le train de nuit revient sur le devant de la scène. "L'État, qui organise les lignes de nuit via le ministère des Transports, a décidé de relancer certaines liaisons", indique Jérémie Anne. "Le Paris-Nice a été rouvert en avril 2021, suivi du Paris-Lourdes, devenu Paris-Tarbes. Puis il y a eu le Paris-Aurillac, et côté international, les Paris-Vienne et Paris-Berlin."
Ce retour ne doit rien au hasard : il répond à une demande croissante. "Les jeunes générations veulent voyager différemment, prendre leur temps, réduire leur empreinte carbone. Le train de nuit correspond parfaitement à cette attente", insiste-t-il.
Mais cette renaissance fait face à un obstacle majeur : le manque de matériel adapté. "Le matériel roulant date des années 1970. Il est en fin de vie. Toutes les voitures disponibles sont déjà utilisées. Si on veut de nouvelles lignes, il faut investir dans des trains neufs", souligne Jérémie Anne.
L’État français et l’Union européenne ont promis des investissements, avec des appels d’offres en cours. "Il y a une vraie volonté politique, mais il faut maintenant que ça se traduise en actes", insiste-t-il. Et la demande est bien là : en 2024, plus d’un million de passagers ont voyagé en train de nuit en France. "C’est plutôt pas mal", juge-t-il. "Mais il faut suivre cette dynamique avec une vraie offre. Le potentiel est là."
Dans une époque marquée par la remise en question des modes de transport polluants, le train de nuit redevient une alternative crédible et attractive. "Le train de nuit revient parce que les gens en ont envie. À nous, collectivement, de faire en sorte qu’il revienne pour de bon", conclut le passionné.


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