Thierry Lyonnet, la Joie partagée d'un reporter
Pour la dernière émission de Visages, Thierry Lyonnet passe de l'autre côté du micro et se prête au jeu de l'interview. Avant de prendre sa retraite, le grand reporter nous raconte sa vie avant RCF. Une vie de voyages, de rencontres et de cheminement spirituel. Entretien réalisé par Stéphanie Gallet.
Voilà plus de trente ans que Thierry Lyonnet nous fait rencontrer les plus belles personnalités de notre temps avec son émission Visages. En tant que grand reporter, il nous a aussi fait voyager à travers le monde, jusque dans les contrées les plus reculées. Pour lui comme pour la radio, son départ à la retraite, c’est une page qui se tourne. Au moment de dire au revoir aux auditeurs de RCF il leur fait le cadeau de se prêter lui-même au jeu de l’interview au micro de Stéphanie Gallet, rédactrice en chef Culture.
"Je n’ai jamais pensé être journaliste…"
Près de trente-cinq ans de radio et "une immense gratitude". "J’ai tellement de "merci" à donner à toutes les personnes que j’ai rencontrées, aux collègues de travail et puis aux auditeurs - et puis il y a de la joie."
Thierry Lyonnet c’est un nom et une voix que les auditeurs de RCF connaissent bien. Aux commandes de l’émission Visages, il a interviewé des personnalités comme Erri De Luca, Hélène Carrère d'Encausse, Bernard Pivot, Delphine Horvilleur ou Christian Bobin. Mais aussi des hommes et des femmes au parcours aussi singulier qu’inspirant. Grand reporter pour RCF, il a voyagé à travers le monde, jusque dans les contrées les plus reculées : Éthiopie, Cuba, îles Marquises…
Et pourtant, "je n’ai jamais pensé être journaliste", confie Thierry Lyonnet. "Le cœur du cœur de ce que je suis c’est le petit garçon de sept ans qui un jour voit son institutrice prendre une pomme nous dire : Vous voyez cette pomme, c’est comme la terre. Là, c’est la France, vous traversez vous arrivez de l’autre côté du monde, et là c’est Wallis-et-Futuna." Il y a deux ans, Thierry Lyonnet a contacté cette institutrice. "Je l’ai appelée, je l’ai remerciée, je lui ai dit : vous m’avez mis en route." Car c’est ainsi qu’est née en lui l’envie d’ailleurs.
Le journaliste que je suis devenu doit tout à ces sept années de voyage entre dix-huit et trente-cinq ans
"… je voulais voyager"
Avant d’entrer à RCF à l’âge de trente ans, Thierry Lyonnet a donc voyagé entre l’Asie, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord. "Ça a été le voyage initiatique, explique-t-il. Le journaliste que je suis devenu doit tout à ces sept années de voyage entre dix-huit et trente-cinq ans." Bien sûr, son père ambitionnait pour lui de grandes études. Mais sitôt le bac en poche, le jeune homme qui économisait depuis ses douze ans pour voyager, est parti pour l’Asie. "Sri Lanka a été ma découverte de l’Asie, et ça a été un véritable coup de foudre" Un soir il s’est dit : "Je vais passer ma vie à voyager."
"Voyager", cela voulait dire savourer "le goût de l’aventure". Comme dans le roman "Les Cavaliers" de Joseph Kessel, il a voulu apprendre à monter à cheval en Afghanistan. Il y est arrivé deux mois avant l’invasion soviétique. "Mon étape en Afghanistan a été très courte puisque j’ai pu y rester quinze jours, dont cinq jours en prison, j’ai été arrêté pour espionnage et expulsé." Il a aussi voulu "pénétrer dans le Mustang interdit" au Népal. "J’ai essayé, je me suis fait refouler par l’armée."
Voyager si jeune dans ces contrées lointaines, avec peu de moyens, cela donne à voir de près la fragilité de la vie, frôler la mort et voir des gens mourir… Durant ses années de débrouille, Thierry Lyonnet partait en Suisse faire les vendanges et repartait sur les routes - il a traversé l’Inde à vélo avec un dollar par jour. Ou alors, il achetait au Maroc des tapis berbères qu’il revendait en France ou en Suisse… Mais qui connaît un peu Thierry Lyonnet n’est pas surpris de l’entendre dire qu’à ce goût de l’aventure s’est ajouté une quête spirituelle.
Une quête spirituelle
"La quête spirituelle est arrivée un jour très précisément, raconte Thierry Lyonnet, j’étais au Népal, je marchais avec un ami tibétain et j’ai vu un sadhu, c’est-à-dire un renonçant." Cet homme se rendait à Muktinath, un lieu de pèlerinage à plus de 4.000 mètres d’altitude. Il a offert à Thierry Lyonnet et son ami de partager son repas, c’est-à-dire les deux, trois pommes de terre qu’il possédait. "Un homme qui n’avait rien, il nous offrait tout."
À un moment, il a regardé Thierry Lyonnet dans les yeux. "Il m’a dit : Viens, suis-moi." "Et là, j’avais vingt ans, plein de rêves dans la tête, je lui ai dit : Non, raconte le futur journaliste. Mais cet homme-là m’a mis en route sur une vraie quête spirituelle. Il était libre. D’où venait cette liberté ? Moi je ne l’avais pas cette liberté." Dès lors, Thierry Lyonnet a changé sa façon de voyager. Au goût de l’aventure a succédé l’envie de découvrir le bouddhisme et l’hindouisme.
C’est ainsi que Thierry Lyonnet a découvert l’ashram chrétien du prêtre lyonnais Jules Monchanin (1895-1957) et d’Henri Le Saux (1910-1973), moine bénédictin de l'abbaye de Kergonan. Il y a vécu six mois. "J’ai découvert la mystique chrétienne, l’évangile de saint Jean, Maître Eckhart, Jan Van Ruysbroeck et surtout, surtout, la figure du Christ qui n’a plus cessé de me quitter." C’est donc l’Inde qui a permis à Thierry Lyonnet de se mettre comme il le dit "sur la voie de Jésus Christ". Jusqu’à ce soir d'été. "Le 2 juin 1984 à 19h30, raconte-t-il, j’ai été saisi par l’amour inconditionnel. C’est-à-dire ce qui est au cœur de chacun d’entre nous, que nous cherchons tous."
Aujourd’hui encore Thierry Lyonnet est "habité" par sa "nuit de feu", dont il a cependant du mal à parler. Mais en réécoutant ses émissions, on pourra pressentir de quoi est faite l’expérience mystique qu’a vécue Thierry Lyonnet. Quelque chose qui change la vie et qui vous met en chemin. À la suite de quoi Thierry Lyonnet a entamé un parcours de discernement en France, au sein de la communauté du Chemin Neuf, à Lyon, où il a "rencontré" RCF.
Le journaliste, au moment de prendre sa retraite, n’en a pas fini avec l’exploration. Son projet pour les années à venir ? Aller à la source, dans les livres, les voyages ou les rencontres, des grandes religions et de la spiritualité. Bon vent à vous, Thierry Lyonnet !
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