"Genevoix a écrit le plus beau livre sur la Grande Guerre"
Franck Colonel-Bertrand, diacre savoyard, a découvert Ceux de 14 alors qu'il était jeune engagé sous les drapeaux. Dans ce livre, Maurice Genevoix témoigne de l'absurdité de la Grande Guerre et rend hommage à ses camarades tombés dans les tranchées. Ce livre, Franck Colonel-Bertrand ne l'a plus jamais quitté. Mieux, il a parcouru la Meuse, sur les traces de Genevoix, pour s'imprégner du souvenir la Grande Guerre et en tirer son second ouvrage, Par des chemins blanc.
Franck Colonel-BertrandRCF. Partir sur les routes et chemins, sac sur le dos, à la rencontre des autres, et par là-même à la rencontre de l’Autre avec un grand A. Franck Colonel-Bertrand vous avez entamé une seconde vie en 2010 quand vous avez été ordonné diacre permanent pour les diocèses de Savoie. C’est la Maurienne que vous avez choisi comme décor à cette reconversion, après trente-six années de service au sein de la gendarmerie puis de la police nationale. Passionné d’écriture, vous avez publié en 2022, Encordés au christ, 60 ans de sacerdoce, aux éditions Nouvelle Cité. Vous avez récidivé fin 2024, avec un second ouvrage, Par des Chemins Blancs, pour lequel vous êtes parti sur les chemins de la Meuse, pourquoi ?
F.C.-B. Je pense que beaucoup de choses pour moi passent par le corps. La marche permet un regard ajusté sur la vie. Je fais souvent référence à notre foi et cette religion de l'incarnation. Jésus est en mouvement et à son époque les gens marchaient beaucoup, ce qui leur permettait d'avoir les sens en éveil.
RCF. Vous décrivez un esprit de pèlerinage, où l'esprit et le corps cheminent ensemble. Quel regard portez-vous sur le succès du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle qui a battu en 2024 son record de fréquentation ?
F.C.-B. Il y a une prise de conscience qui est importante, notamment chez les jeunes femmes que j'ai beaucoup croisé sur les chemins. J'ai l'habitude de dire qu'elles savent ce qui est important. Elles prennent soin et utilisent le corps. Ce corps a cette vocation de nous auto-transporter et à retrouver le monde par corps et par cœur. Cette notion s'est perdue avec la civilisation de l'automobile. Le bon sens de l'usage du corps s'est dissipé.
RCF. Pour rédiger votre second ouvrage, vous êtes repartis sur les chemins, à l’été 2023, dans la Meuse. Vous avez suivi l’itinéraire de l’écrivain de la Première Guerre mondiale, Maurice Genevoix. Comment est née cette envie ?
F.C.-B. Cela remonte à ma jeunesse, quand je servais sous les drapeaux. A 20 ans j'ai rencontré l'œuvre majeure de Maurice Genevoix, Ceux de 14, six-cent-soixante-quatorze pages qui m'ont pris les tripes et que je n'ai jamais quittées. Il témoigne de la souffrance de cette génération sacrifiée, dans ce qui est le plus beau livre sur la grande guerre. Il souligne l'interdépendance entre toute vie à travers une ode à la nature et un hommage à ses compagnons de tranchée. Je me dis que si Genevoix était là, il aurait été très touché par Laudato Si'.
RCF. Vous qualifiez l'œuvre de Genevoix d'"écoprémonitoire" ?
F.C.-B. D'ailleurs à sa mort en 1980, pour lui rendre hommage, le président Giscard d'Estaing avait dit : "Maurice Genevoix est le premier de nos écologistes". Genevoix a été précurseur, lanceur d'alerte d'une certaine façon. Il avait parcouru le monde entier entre les deux guerres et dès 1939, au Canada et aux USA, il s'inquiète de l'exploitation des sols et de la disparition de la biodiversité. De mon point de vue, il n'a pas été suffisamment enseigné à l'université. Donc je me dis que c'est le moment opportun pour le retrouver. Peu avant sa mort, il disait : "La science explore, la technologie exécute et l'homme se conforme. Et pour lui c'était une inquiétude majeure".
RCF. Quelle est cette nature que vous-même avez traversé dans la Meuse ?
F.C.-B. C'est une aventure. Je suis parti en Meuse dans les pas de Maurice Genevois. J'avais son livre sous le bras et mes cartes IGN. J'ai rejoins tous les village que Maurice Genevoix a traversés avec ses hommes, entre août 1914 et sa blessure aux Éparges en avril 1915. C'est à dire que j'ai traversé plus de 60 villages. Je me suis imprégné physiquement de l'atmosphère qui y reste, en ce XXIe siècle. Le témoignage de cette épreuve majeure qu'a connu notre pays la grande guerre est toujours bien présent.



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