Accueil
RCF Rugby : un sport de brutes ?
Partager

Rugby : un sport de brutes ?

Un article rédigé par Laurette Duranel avec Madeleine Vatel et Melchior Gormand - RCF, le 27 septembre 2023  -  Modifié le 29 septembre 2023
Je pense donc j'agis Rugby : un sport de brutes ?

En pleine Coupe du monde de rugby, la ferveur pour ce sport n’est plus à prouver. Un sport, pourtant pleins de paradoxes, qui pourrait presque se prêter à la philosophie et qui dit beaucoup de notre rapport à soi et aux autres.

© Patrick Case / Pexels © Patrick Case / Pexels

C’est souvent dans le cadre familial que la passion naît. En particulier dans le sud-ouest, où de nombreuses familles se retrouvent sur le terrain ou dans les gradins les week-ends. C’est le cas de Nathalie Sarthou-Lajus, rédactrice en chef adjoint de la revue Études. « Je regardais avec envie la camaraderie de ces hommes, c’est ça qui m’a profondément marqué », se souvient-elle. La camaraderie et la fraternité, voilà les termes souvent associés au rugby. Une camaraderie d’autant plus forte dans les plus petits clubs où les joueurs se côtoient sur le long terme et parfois même en dehors des terrains et des vestiaires. 

 


De la fraternité à la combativité 

 

Une solidarité qui s’explique par la nature même du sport, fait d’affrontements.  « Je n’ai jamais trouvé d’autres sports où on sacrifie autant pour son partenaire », lance Ludovic Ninet, ancien joueur et entraineur de rugby. « On prend quand même un risque pour notre corps et je pense que ça suscite des émotions assez particulières qui peuvent aller du tract à la peur. […] Et la solidarité va s’expérimenter dans les vestiaires pour se préparer à ce moment particulier », explique celui qui s’est reconverti dans le journalisme. 

 

Et si on dit souvent que le rugby est un sport de gentleman, il faut malgré tout « rester vigilant à des glissements de terrain », prévient le pasteur et « aumônier des champions », Joël Thibault qui rappelle l’importance de « réaliser que celui qu’on a en face de nous c’est un adversaire et non pas un ennemi ».

 

Car cette combativité, ces affrontements propres au rugby, ne sont pas sans risque.  La fracture à la pommette d’Antoine Dupont la semaine l’a rappelé (bien qu’il pourrait faire son retour en entraînement seulement une semaine après son opération). « On oublie que derrière ces os il y a un cerveau qui est maltraité par le rugby de haut niveau », déplore Ludovic Ninet, auteur du Petit éloge du rugby, aux éditions Les Pérégrines. Malgré « tout son attachement à ce sport et à ses valeurs intégratives, éducatives, citoyennes et de camaraderie », l’ancien joueur porte un regard très critique sur l’évolution de son sport, s’inquiétant notamment de l’apparition de démences dû à de trop chocs au cerveau, chez certains joueurs.

 

La faute au changement de gabarit des joueurs. « Le rugby a toujours été un sport de contact et de collision avec son lot de risques et de blessures, mais là c’est vrai que ces gabarits font tous plus de 100 kilos, et avec la vitesse, les collisions sont devenues extrêmement dangereuses », résume Nathalie Sarthou-Lajus, philosophe de formation. D’où l’importance de savoir écouter son corps et dire stop à temps. Pourtant, ce n’est pas chose aisée comme le concède Andréa Dirabou Kouassi, pilier droit au club Lille Métropole rugby. « Les sportifs ont une responsabilité dans tout ça […] Mais pour moi c’est impensable de dire quand j’ai mal, parce qu’on est tellement absorbés par ce monde-là, par nos performances que quand on n’y arrive plus, c’est comme si on n’existait plus », explique-t-elle. 

 


Un sport de paradoxe

 

Heureusement, il existe quelques garde-fous pour éviter que cette passion ne se transforme en addiction et devienne dangereuse pour le joueur et ses coéquipiers. Ces garde-fous sont incarnés d’abord par l’arbitre, dont la parole est incontestable, dans le moins en rugby professionnel. « C’est le 16e homme sur le terrain, on doit faire avec », lance Andréa Dirabou Kouassi, également capitaine de l’équipe de Côte d'Ivoire. 

 

En somme, le rugby est un sport de paradoxe, ne serait-ce que parce qu’il est à la fois « un sport de contact et d’évitement », estime Nathalie Sarthou-Lajus. Pour Ludovic Ninet, le paradoxe réside dans le fait que ce sport allie « à la fois la finesse parce que ce jeu qui est éminemment stratégique et technique, et à la fois la rudesse, voire la bestialité. Et les deux doivent s’équilibrer dans chaque individu »

 

Et si ces paradoxes participent au spectacle et à l’esthétique de ce sport, ils en sont aussi les limites. La présence de ces gabarits de plus en plus imposants pose question. Une question « spirituelle », en particulier « sur la place du corps », selon Joël Thibault. « Si le corps est le temple du Saint-Esprit et qu’on doit en prendre soin, j’ai peur que de plus en plus on ne prenne plus soin du corps et qu’on envoie les rugbymans à la boucherie », craint le pasteur, devenu l’oreille des sportifs de haut niveau. Tous appellent à une réflexion des instances sportives sur cette question. 

 

Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Je pense donc j'agis

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

  • Ce don ne me coûte que 0.00 € après déduction fiscale

  • 80

    Ce don ne me coûte que 27.20 € après déduction fiscale

  • 100

    Ce don ne me coûte que 34.00 € après déduction fiscale

Faire un don