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RCF "Rien de personnel" de Mahir Guven
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"Rien de personnel" de Mahir Guven

Un article rédigé par Christophe Henning - RCF, le 18 avril 2024  -  Modifié le 18 avril 2024
L'Actualité littéraire « Rien de Personnel », de Mahir Guven, un sujet universel

S’il a vu le jour à Nantes en 1986, Mahir Guven est né apatride d’une mère turque et d’un père kurde. Ses parents sont réfugiés en France et le gamin finira par obtenir la double nationalité turque et française. Après avoir exercé différents métiers, ce touche-à-tout participe à la création de l’hebdomadaire 1, avec Eric Fottorino. En 2017, il publie Grand frère, qui emporte le Goncourt du premier roman, racontant l’histoire de deux frères dont l’un a disparu, peut-être en Syrie. Si je vous raconte tout cela, c’est pour montrer comment ce nouveau roman qui a des allures de récit personnel s’inscrit dans une histoire, celle d’une famille qui devient française.

guven guven

Il parle de lui, de ses proches, avec humour et tendresse, mais aussi avec un regard acéré sur l’accueil de l’étranger, sur la place de la langue, de la culture comme le passeport d’une immigration possible : « Nous sommes devenus français par un long chemin balisé de choix, d’échecs, de joies, de victoires, de larmes, de sueur, de renoncements, de coups durs, de coup de main ».

Un livre très personnel et pourtant universel

Le gamin qu’il fut se souvient des cours de récréation, quand le petit Nantais était rejeté pour sa couleur de peau. Par bribes, il reconstitue le parcours de ses parents, de sa mère prisonnière politique d’Erdogan pendant plusieurs mois et enfin libre, de la grand-mère qui doit suivre des cours d’alphabétisation : « La langue est un pont vers les autres, écrit Mahir Guven. On peut vivre sur le territoire géographique, partager le quotidien de milliers de gens, tant que l'on ne vit pas sur le même territoire linguistique, on demeure à la marge. » Lui est devenu éditeur, c’est dire. Au fil des pages, il raconte les études à la Sorbonne, l’influence de la mère, des cousines, des voisines : « Ces femmes ont tenu bon, elles se réunissaient entre elles, les veuves, les divorcées, les célibataires, les vieilles, toutes solidaires dans un pays qui devenait le leur. »

Rien ne s’efface du passé, des origines, mais d’autres liens se tissent. Le décor change, mais s’inscrit comme sur un palimpseste, ce papier lourd dont on grattait le texte pour en écrire un autre, par-dessus. « Entre nous, peu à peu, se tisse le fil de la marginalité liant entre eux les Français issus de l’immigration. J’ai trente-sept ans, et ce fil est aujourd’hui une corde bien solide », confie encore Mahir Guven. De la double culture, il retient la puissance de la langue, la beauté des mots, la vie du langage : « En dépit de tout ce qu’affirment les prétendus défenseurs du français, une langue se renouvelle aussi par des apports extérieurs. Elle se forme au contact de la réalité, par la voie orale, avant d’être sacrée par l’écrit. »

Mahir Guven est né à Nantes, et son livre est le récit d’une terre d’accueil, où sa famille a pu poses ses valises. Un texte qui a séduit le jury du prix Ouest décerné chaque année, à l’occasion du Printemps du livre de Montaigu, en Vendée. Sans doute l’auteur primé y rappellera cette conviction qui traverse tout le livre : « Maîtriser la langue, c’est s’approprier un pouvoir. Etre capable de s’exprimer, de se faire entendre, de comprendre, c’est le début du respect, de la capacité à exprimer sa pensée, son désarroi, ses envies, ses ambitions. » Voilà une ambition littéraire encore une fois récompensée.

Rien de personnel, Mahir Guven, aux éditions Lattès.

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Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'Actualité littéraire

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