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Populismes de droite et de gauche : quelles différences ?

Populismes de droite et de gauche : quelles différences ?

Un article rédigé par Frédéric Mounier, avec OR - RCF, le 17 octobre 2025 - Modifié le 24 octobre 2025
Les Racines du présentComprendre l'histoire des populismes en France

Depuis les années 80 et l'apparition du Front national, puis de La France insoumise, nous vivons en France un de ces moments où le populisme s'inscrit dans le temps long, selon l'historien Marc Azar. Quelle différence fait-il entre les populismes de droite et de gauche ? Et qu'est-ce que le populisme, notion utilisée aussi bien pour disqualifier un candidat, que revendiquée pour se dire proche du peuple ?

Violence rhétorique, critique des élites, antiparlementarisme sont des éléments du discours populiste ©FreepikViolence rhétorique, critique des élites, antiparlementarisme sont des éléments du discours populiste ©Freepik

Que ce soit en Italie en Allemagne, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, le populisme gagne du terrain et de l’influence. En France, lors de la dernière élection présidentielle, en 2022, les trois candidats considérés comme appartenant à ce type de formation politique, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour, ont totalisé 52% des voix.

"Le populisme fait partie de la culture politique française comme un magma stagnant sur un volcan", écrit Marc Lazar, historien et sociologue, professeur émérite des universités, dans "Pour l’amour du peuple - Histoire du populisme en France, XIXe-XXe siècles." (éd. Gallimard, 2025). Qu’est-ce que le populisme ? Et comment définir une notion si "vague, compliquée, floue" tantôt utilisée pour disqualifier un candidat, tantôt revendiquée par un autre pour se dire proche du peuple ? 

Qu’est-ce que le populisme ? 

Le populisme est "une constante" dans l'histoire de la démocratie française. Il y a eu des moments, "des poussées de fièvre", comme le boulangisme ou le poujadisme. Et puis des périodes où on a vu s’inscrire la durée des formes de populisme. Marc Lazar en distingue deux : d’abord les années 1930, avec les "ligues d’extrême droite au regain de populisme".  

En quoi le RN et LFI s’inscrivent dans la forme politique du populisme ? Marc Lazar prévient que ses travaux ne visent pas à disqualifier ou juger le phénomène mais à "le comprendre et comprendre ce qu’il révèle de l’histoire française". Du côté du FN devenu Rassemblement national, il observe l’idée constante de la "critique des élites, d’une forme aussi de démagogie et l’expression et la valorisation du peuple". Et aussi "l’idée très importante de la préférence nationale" face à la menace que représentent les étrangers, l’Europe et la globalisation. "C’est une forme de nationalisme défensif, pas agressif."

Il s’agit d’une famille politique qui cultive "une conception du peuple qui est ethno-culturelle : on est français parce qu’on a des parents français et on est supposés partager tous un certain type de mêmes références qui seraient uniquement franco-françaises. Ce qui vient du peuple de toute façon est bon, le fameux bon sens populaire." Éric Zemmour, lui, est "populiste mais pas populaire", selon Marc Lazar. Au sens où "il parle et obtient des résultats en direction d’une population de droite conservatrice, très attachée aux valeurs traditionnelles. Un certain type de bourgeoisie très réactionnaire."

L’historien voit en La France insoumise "l’éclosion inédite d’un populisme de gauche". Marc Lazar rappelle que Jean-Luc Mélenchon, homme politique "en perpétuelle adaptation", a d’abord défendu des "positions républicaines et laïques", avec parfois des propos très durs à l’égard de la religion musulmane. "Très rapidement, il a changé d’orientation." Et à partir de 2019, il s’est adressé surtout à une population vivant dans les banlieues. 

"Il comprend qu’il y a un réservoir de voix en particulier dans une partie des périphéries, une jeunesse radicalisée, très souvent d’origine immigrée." Il s’inspire des recherches postcoloniales pour défendre une "conception du peuple métissée, créolisée, radicalisée". Un autre type de populisme très radical. Avec un antiparlementarisme affiché alors même que "LFI s’est fait connaître par son attitude au Parlement".

 

Quels sont les éléments du discours populiste ? 

Le discours populiste se caractérise par une "violence rhétorique" qui entend marquer "une rupture par rapport à un certain type de langage politique plus ou moins policé, plus consensuel". Généralement, ce discours installe une dichotomie entre le bien et le mal et "appelle à un changement radical". 

La récurrence depuis le XIXe siècle de l’expression du "coup de balai" a beaucoup frappé Marc Lazar. Cette idée qu’il faut un ustensile – la balai, la hache, la tronçonneuse chez Javier Milei en Argentine – pour faire table rase, sous-entendu il y a des gens corrompus dont il faut se débarrasser. La "critique des institutions, des responsables politiques" est une autre constante des discours populistes. 

D’ailleurs le populisme apparaît d’abord dans les moments de désaffection entre les institutions et les responsables politiques. « Pour reprendre une terminologie qui nous vient de Charles Maurras mais qui est de plus en plus reprise par tout le monde : "une sorte de divorce, un gouffre entre le pays légal et le pays réel", explique Marc Lazar. Le sentiment qu’il n’y a plus de syntonie, qu’il n’y a plus de symbiose, d’harmonie entre l’expression des citoyens par l’intermédiaire du vote ou par des protestations, avec les représentants politiques. »

Le populisme se nourrit des situations de crise économique, "de détresse sociale et de protestation fiscale". Le fameux Nicolas qui paie "que l'on retrouve dans le passé", précise l’historien. Ces moments où l’on ne croit plus en l’égalité brandie dans notre devise. "Il y a des moments dans notre histoire où il y a ce un hiatus entre cette formidable promesse de la république – liberté, égalité, fraternité - et la réalité que cela représente en tout cas pour une partie de la population."

 

Le point central : la question de la représentation du peuple

Si la critique des élites est si présente dans les discours populistes, c’est que précisément le rapport au peuple est central. À tel point que "le fait d’avoir un parlement fait en quelque sorte écran à la volonté populaire". Cet antiparlementarisme, on le trouve dès la Révolution française, "dans la conception rousseauiste jacobine". Marc Lazar rappelle que "Robespierre s’est élevé contre le principe même de la représentation : dès que vous êtes représentant vous avez un écart avec le peuple, vertueux par essence."

On touche là à un élément essentiel, au principe même de la démocratie. Une fois élu, un représentant a-t-il le droit de changer d’avis ? "On peut l’accuser de trahison, répond l’historien, mais c’est ça le principe même de la démocratie : le dialogue, la délibération, le fait que l’on peut changer d’avis. Cette difficulté est une des difficultés propres à la démocratie française et explique ces poussées populistes."

On trouve aujourd’hui dans le programme de LFI le fameux mandat révocatoire qui est en réalité une très vieille histoire, depuis la Révolution. Il défend la possibilité de révoquer un élu une fois que celui-ci a changé d’avis. "C’est la négation de la démocratie libérale et représentative, commente Marc Lazart. Et un des nœuds récurrents parce que ça révèle cette difficulté que l’on a en France de véritablement concevoir, penser la démocratie libérale et représentative. » L’historien estime que "l’on a un problème avec le libéralisme politique dans ce pays. Et cette récurrence du phénomène populiste ou son inscription dans la durée en témoigne et en atteste."

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Les Racines du présent
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