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Poésie Musiques et Chansons. Verlaine et Rimbaud, poètes et amants maudits.

Poésie Musiques et Chansons. Verlaine et Rimbaud, poètes et amants maudits.

Un article rédigé par Philippe Soler "Tous mélomanes" - RCF, le 8 août 2025 - Modifié le 9 août 2025
Poésie, musiques et chansonsVerlaine et Rimbaud, poètes et amants maudits

Ils ont été damnés sur les portants des rues, damnés sur les cimaises de la littérature, eux qui avaient inventés une nouvelle façon de poétiser. Ils ont été le sordide somptueux que l'on écoute aux portes closes. Ils sont devenus les parents d'un certain chic de lettre. Ô ils ne le savaient pas, mais nous aujourd'hui, nous nous le savons.

Photo Philippe SolerPhoto Philippe Soler
photo philippe soler

 

Écoutez la chanson bien douce…

« Écoutez la chanson bien douce, qui ne pleure que pour vous plaire. Elle est discrète, elle est légère, un frisson d’eau sur de la mousse » Poème écrit par Verlaine, poème pathétique, touchant, montrant le désarroi de notre poète face à l'épouse délaissée. Poème d'autant plus désarmant que l'on sait très bien que cette morale, que Verlaine qualifiera de claire, ne durera pas bien longtemps. 

 

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Combien sommes-nous, à avoir eu accès à la poésie, grâce à ces quelques vers de Verlaine, premier titre d’un album 33 tours de Léo Ferré, compagnon de route de notre adolescence, Léo Ferré lequel mettra à la portée du grand public des œuvres qui sommeillaient au fond de quelques recueils. La mise en musique des poèmes de Verlaine et de Rimbaud par Léo Ferré sera un coup de Maître sans précédent dans l’histoire de la chanson française. Léo Ferré réalisera un vieux rêve, celui de consacrer un double album à nos deux poètes. Léo Ferré, remarquable musicien, compositeur de haut niveau qui baignera dans la musique classique, tout gosse. Son oncle maternel était un ancien violoniste de l'Opéra de Monte-Carlo, et le petit Léo aura ses entrées, côté coulisses. Il découvrira Beethoven dirigé par Toscanini, fera la connaissance de Chaliapine, assistera aux répétitions des Ballets russes avec Nijinski, et verra Maurice Ravel superviser la mise en place de la première de l'Enfant et les sortilèges. Marqué au fer rouge, notre petit Léo.

 

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Fêtes galantes…

Un poème de Verlaine, c'est comme une partition. Des syllabes, des mots choisis pour leur couleur musicale. Verlaine c'est le mariage de cœur avec langueur, le mariage de pluie avec ennui, d'automne avec monotone, de haine avec peine. Avec Verlaine, le réel s'estompe. Sa poésie s'écoute. Les mots s'en vont danser et notre poète se métamorphose, en un instant, en un chorégraphe du verbe.

Debussy, Fauré, Reynaldo Hahn ne s'y tromperont pas, mettant Verlaine en musique, avec parfois, quelle chance pour nous, la traduction musicale d'un même poème, comme « Clair de lune » ou « Mandoline » ces donneurs de sérénade.

Verlaine ira souvent se promener dans les couloirs du Louvre, s'arrêtant devant les tableaux de Fragonard, Chardin, Watteau. Ces Fêtes galantes l’inspireront. Sauter à pieds joints dans l'univers du XVIIIème siècle. Le transcrire par des mots, des mots troublants, envoûtants, désarmants. Composer un recueil amoureux, un recueil lumineux avec ses doutes, ses ruptures. L'insouciance de ces galanteries quelque peu fanées, délicates, teintées d'un soupçon de perversité. Ces tableaux qui murmuraient vont revivre, vont prendre la parole dans un souffle d'une douceur extrême. Verlaine nous fera entendre des brides de dialogue. Il saura pénétrer cette intimité. 

 

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La bonne chanson.

Ce recueil de poésie fut publié en 1870, tout juste deux mois après le mariage de Verlaine avec Mathilde Mauté, laquelle recevait au fur et à mesure de leur écriture, chacun des poèmes, Mathilde qui tentera d’éloigner Verlaine de ses pensées funestes. Il va la magnifier, il va l'idéaliser au travers d'images aériennes, des images d'une immense tendresse, échappant de justesse à la mièvrerie, l'opposant à la fange du trottoir, ce trottoir figurant son passé maudit. Un idéal familial, tranquille, bourgeois, s'installera avec les résolutions d'une vie sociale. Mais attention, ne nous méprenons pas. Verlaine ira contre sa nature et cette « Bonne chanson » cette chronique romancée, sera celle d'un amour voué à l'échec, le récit d'un cruel malentendu, dont Mathilde et Verlaine seront les victimes.

 

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C'est à partir de 1892, que Gabriel Fauré commencera à mettre en musique cette « Bonne chanson » Fauré est en train de vivre une passion amoureuse, une relation adultère, avec la chanteuse Emma Bardac, la future Madame Debussy. C'est pour elle qu'il composera cette « Bonne chanson » c'est pour elle qu’il ira vers ce lyrisme exalté, avec une rare prouesse au niveau de l'écriture. Gabriel Fauré par cette œuvre, s’en ira rejoindre, à son plus haut sommet, les grands cycles schumaniens « L'amour et la vie d'une femme » « Les amours du poète » 

 

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Je m’en allais les poings dans mes poches crevées…

Ma bohème, révolte de Rimbaud, jeune poète tout juste à peine âgé de 16 ans, au caractère difficile, fugueur, précoce sur le plan de l'écriture, d'une originalité incontestable. Il écrira vite, très vite, avec une perfection d'écriture sidérante. Il enverra ses textes à Verlaine. Ils deviendront amants, s'afficheront, choqueront de par leur attitude. La poésie de Rimbaud sera une poésie faite de colère, d'insultes, une poésie armée d'un couteau vif, tranchant, satirique. Jamais poète n'aura eu autant de puissance évocatrice, jamais poète n'aura charrié autant d'images, autant de combinaisons sonores.

La poésie moderne, celle à venir, sera en germe dans les vers de Rimbaud. Il sera le poète de la transition. Et puis ses ambitions littéraires lui deviendront indifférentes, étrangères, sans espérance. 

C'est l'heure de la liquidation, l'heure du bilan, liquidation des rêves, des idéaux, des utopies. Rimbaud va tout solder, tout brader, tout vendre. Et Verlaine dans un moment de folie lui tirera deux coups de feu, mettant fin à une relation chaotique sur fond d'ivresse, d'absinthe, de violence, mais aussi, Dieu merci, sur fond de poésie et de littérature.

 

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Les musiques de Verlaine et Rimbaud.

Claude Debussy découvrira la poésie de Verlaine chez Madame Vasnier. Verlaine est peu connu à l'époque mais sa réputation est déjà sulfureuse. Même si Debussy avouera préférer Baudelaire à Verlaine, le style fluide, les formes irrégulières, les demi-teintes de ce Verlaine musical à souhait, inspireront à notre Claude de France un climat irréel, fait de mystère.

Fauré de son côté, sera indifférent aux suggestions visuelles, psychologiques des poèmes. Pour lui c’est la voix qui compte. Son Verlaine chantera, mettant en avant le verbe musicalement, le déployant en phrases larges. Reynaldo Hahn, sur ce point, lui emboitera le pas. 

 

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Rimbaud sera beaucoup plus difficile à apprivoiser musicalement, en tout cas dans le domaine de la mélodie classique. C’est le compositeur anglais, Benjamin Britten qui trouvera la clé. Durant son exil aux États-Unis, peu avant la seconde guerre mondiale, Britten mettra en musique « Les Illuminations » ces poèmes en prose. Britten ne sera jamais aussi naturel, aussi vivant dans l'emploi d'une langue étrangère. La voix sera volontairement traitée de manière monocorde, déclamatoire, soutenue par des cordes d'une densité polyphonique extrême. Contraste saisissant mettant par la même en valeur, le texte de Rimbaud.

 

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Et dans le domaine de la chanson française nous aurons Léo Ferré, qui se dépassera en mettant en musique nos deux amants maudits. Un critique musical parlera, à propos de Ferré, de beauté comminatoire, nue, fatale, boiteuse, qui pressera nos cœurs de sa pogne miraculeusement déployée, en une sorcellerie que le langage usuel nommera chef d'œuvre.  

Poésie, musiques et chansons. Acte 5/8 « Verlaine et Rimbaud, poètes et amants maudits »

Samedi 9 aout à 16h, dimanche 10 aout à 00h et 20h. Philippe Soler. 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Poésie, musiques et chansons
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