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Poésie Musiques et Chansons. Baudelaire chantre de la modernité. Les symbolistes.

Poésie Musiques et Chansons. Baudelaire chantre de la modernité. Les symbolistes.

Un article rédigé par Philippe Soler "Tous mélomanes" - RCF, le 1 août 2025 - Modifié le 2 août 2025
Poésie, musiques et chansonsBaudelaire, chantre de la modernité. Le symbolisme.

Nous voilà de nouveau réunis, afin de partager quelques alexandrins, quelques vers, afin de continuer à feuilleter notre album d’images sonores, de poursuivre notre voyage à travers la poésie. Et justement, à propos de voyages. 

photo Nadar libre de droitsphoto Nadar libre de droits
philippe soler

 

Promesse d’une invitation à un voyage.

Elle s’appelait Marie Daubrun. Elle sera l'une des trois muses de Baudelaire. Femme mystérieuse, elle occupera une place à part, dans l'inspiration de celui-ci. En effet, il ne lui offrira pas moins d'une dizaine de poèmes, des poèmes majeurs, l’invitant à une promesse de voyage, un voyage imaginaire. « Mon enfant, ma sœur songe à la douceur d'aller là-bas vivre ensemble » Proximité de l'être aimé, sans contraintes, l'amour à lui seul suffisant à passer le temps jusqu'à la mort, dans un pays où tout ne sera qu’ordre, beauté, luxe, calme et volupté. Nous sommes en présence d'un des plus beaux poèmes de Baudelaire, poème qui inspirera nombre de musiciens, poème qui selon Verlaine, était avant toute chose musique. Mais placer des notes sur ces vers sera chose délicate et pourra tout détruire, à moins que le compositeur ne s'appelle Henri Duparc, le seul et l'unique qui saura traduire le mouvement oscillatoire de cette poésie. 

 

philippe soler

 

Quand la poésie de Baudelaire se fait peinture exaltant la beauté féminine.   

Elle s'appelait Jeanne Duval. Baudelaire la rencontrera un soir de mai 1842, dans une rue du Faubourg de Montmartre. Leur amour durera quasiment dix-sept années. L’histoire sera compliquée. Cohabitation, séparation, rupture, réconciliation, Baudelaire allant jusqu’à vouloir se suicider pour elle. Amour total dont il nous restera des poèmes d'une force, d'une beauté poignante, comme « Le balcon » évocation de ces soirées heureuses. Caresses, parfum, érotisme, l'ardeur du charbon, moments intimes ou les amoureux seront coupés du monde. Jeanne, la femme idéalisée, laquelle n'avait gardé que ses bijoux sonores, savant mélange de lumières et de sonorités, qui accompagneront une danse de la séduction, celle de l'esclave pour son Maître. Comment ne pas penser au tableau de Gustave Moreau, Salomé dansant devant Hérode. 

 

philippe soler

Et nous devenons dans l'instant, sans le vouloir, voyeur. La provocation ne sera pas dans le vocabulaire utilisé, mais dans la gêne qui s'installera en nous. Certains ne voudront voir dans ces bijoux, qu'une évocation pornographique et crue. Mais Baudelaire ira plus loin que cela, exaltant la beauté féminine par des mots, comme d'autres le feront avec une toile et leurs pinceaux. Ce poème s’en ira rejoindre le panthéon des plus grands tableaux de nu, Rodin, Klimt, Manet, sans oublier Courbet et son origine du monde. 

 

philippe soler

 

La faiblesse de l’homme. La beauté du mal.

Au matin du 9 juin 1841, Baudelaire prend le large, direction Calcutta. Un soir sur le bateau, des hommes d'équipage capturent un oiseau, un oiseau aux ailes immenses, un albatros, roi de l'azur. Sur le pont, ils s'amuseront à le malmener et Baudelaire fou de rage, se précipitera sur eux, leur donnant des coups de poing, des coups de pied. C'est ainsi que serait né, dans la violence, l'idée du poème « L'albatros » cet oiseau noble et majestueux volant dans le ciel, mais ô combien maladroit au contact de l’homme à même le sol, tout comme le poète, se situant pour ce qui est de son œuvre, de son idéal artistique, au-dessus du commun des mortels, mais redevenant totalement incompris, mêlé à la foule, choisissant par là même l'exil, son exil intérieur, la solitude. Baudelaire saura peindre la faiblesse des hommes, leur faiblesse d’esprit, le fait qu'ils puissent se complaire dans la débauche, par manque de volonté. Baudelaire exaltera avec force la beauté du mal, s’en allant rejoindre par là même, les grands Maîtres du passé, les Ronsard, Agrippa d'Aubigné, sans oublier la pensée de Pascal, lequel disait que le cœur de l'homme était creux et plein d'ordures.

 

philippe soler

 

Mallarmé et les symbolistes.

Mallarmé viendra se plaindre que, à la différence des musiciens qui sont protégés par le langage ésotérique de la musique, en effet n'importe qui ne peut pas lire une partition, les poètes eux, utilisent la langue commune et sont donc exposés aux railleries du moindre citoyen, qui peut revendiquer le droit de porter un jugement sur leur art, tout simplement parce qu'il a appris à lire à l'école. Mallarmé revendiquera pleinement l'élitisme de la poésie disant que, si l'homme peut être démocrate, l'artiste quant à lui, se doit d'être aristocrate. Pour comprendre Mallarmé, il nous faudra aller chercher derrière les lettres, derrière le verbe, ce qui n'est pas visible. Pour Mallarmé la poésie ne sera que suggestion, l'objet étant symbolisé par des images. L'émotion se devra d'être intellectuelle et le mot, le vers, aura valeur musicale. Claude Debussy sera très proche de Mallarmé, aussi bien dans sa démarche symboliste, que dans ces qualités d'obscurité première. Lorsqu’en 1884, il mettra en musique « Apparition » étroit mélange du rêve et de la réalité, ambiguïté, tristesse voilée, Debussy suggérera avec une délicatesse infinie, ce rêve éveillé, ce désir voluptueux. Si la poésie de Mallarmé se veut musique, la musique de Debussy contiendra en elle, tous les germes de la littérature, tous les germes de la poésie. Et puis nous aurons Ravel, lequel considérait Mallarmé, non seulement, comme le plus grand poète français de son temps, mais comme l’unique. Il écrira dans un article que les autres, y compris cet exquis chanteur qu’était Verlaine, avaient composé avec les règles et les limites d'un genre très précis et très formel, tandis que Mallarmé avait su exorciser cette langue en véritable magicien qu'il était, libérant les pensées et les rêveries inconscientes de leur prison.

 

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Théodore de Banville et quelques autres.

Qui se souvient de Théodore de Banville ? Pas grand monde et pourtant, Banville c'est la brillance de l'écriture, le mariage des mots, la perfection absolue, un funambule de la rime, un original de l'espèce la plus élevée qui soit, dixit Baudelaire. Mallarmé en fera son Maître. Claude Debussy sera attiré très tôt par sa poésie, tout comme Francis Poulenc. 

Et puis nous aurons Jean Moréas, dont la virtuosité d'écriture sera exemplaire avec une technique parfaite. Mais celle-ci sera mise au profit de quelques pastiches de l’Antiquité et on comprendra mal l'intérêt d’une telle production. Par contre sur le tard, avec l'âge, son style ira en s’épurant et dans son ultime ouvrage, un recueil de Stances, il se fera plus personnel. C'est là qu'il nous faudra aller le chercher.

 

philippe soler

Et enfin Jules Laforgue, lequel nous chantera les dérisions, les mesquineries de la vie quotidienne, avec tout ce qu'elle engendre de misère et de déception, Laforgue dont le rythme poétique sera comparable à celui de la chanson populaire, avec ses redites et ses refrains. Laforgue dont le vocabulaire sera familier, n'écartant en aucun cas la vulgarité, adepte des créations verbales, procédé de style chez lui qui se voudra discret ou appuyé. Il inspirera nombre de chansonniers et de poètes. Il annoncera Max Jacob, Desnos, Audiberti. Il sera chanté par notre Muse de Saint germain Des Prés, Juliette Gréco « Si mon air vous dit quelque chose, vous auriez tort de vous gêner. Je ne la fais pas à la pause, je suis la femme, on me connaît.

 

philippe soler

Poésie, musiques et chansons. Acte 4/8 « Baudelaire chantre de la modernité. Le symbolisme »

Samedi 2 aout à 16h, dimanche 3 aout à 00h et 20h. Philippe Soler. 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Poésie, musiques et chansons
©RCF
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