"Panorama" de Lilia Hassaine
Imaginez, on se retrouve entre 2029 et 2050. Le monde est-il devenu fou ? A vous de juger. Après une semaine assassine où chacun a pu se faire justice et trucider son agresseur ou son voisin, il faut stopper net cette folie revancharde. Pour éviter les complots, intrigues mais aussi les violences publiques et privées, c’est la transparence qui s’impose. Non seulement vous pouvez voir votre voisin dans sa maison de verre, mais vous avez même le devoir de signaler toute anomalie. On n’est jamais aussi bien surveillé que par ses proches et la société s’est transformée en gigantesque open space…
« Au fond, qu’avons-nous à cacher ? Si nous n’avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas accepter de tout montrer ? » Il y a même une nouvelle constitution on ne peut plus claire : « La transparence est un pacte citoyen fondé sur la bienveillance partagée et la responsabilité individuelle ». Autrement dit, c’est le paradis sur terre… Sauf que… en 2049, la famille Royer-Dumas a disparu ! Personne n’a vu le père, la mère, le filston introuvables. L’affaire est confiée à Hélène, la narratrice, une enquêtrice comme on n’en fait plus puisqu’il n’y a plus de délinquance, et qui n’est pas fâchée de retrouver le terrain, même si on ne dit plus policier mais « gardienne de protection ».
Une intrigue bien ficelée dans un monde futuriste
En fait, cette société parfaite concerne une partie du territoire, où les gens qui se ressemblent se sont rassemblés : « A force de nous comparer et de nous jalouser, nous finissons par nous imiter. » Pour vivre heureux, vivons transparents, se disent-ils. Mais si tout commence par une disparition, l’enquête va révéler bien d’autres choses encore, comme quoi, la transparence n’empêche pas les petits et grands secrets qui font le sel de la vie et le ressort des romans. Dans d’autres provinces, on a refusé la transparence, mais à quel prix : trafic, violence et peur règnent encore, alors même que la vraie vie est peut-être dans ces rapports de force, allez savoir… La narratrice qui se dépatouille avec ses soucis conjugaux voit l’enquête rebondir quand on retrouve le corps de deux des disparus. Impensable dans ce monde idéal ! Y’aurait-il une faille dans le système ?
Cette société de la transparence qui nous fait sourire est quand même passablement inquiétante. Peut-être sommes-nous d’ailleurs menacés par cette transparence lancinante que constitue les réseaux sociaux et notre société de l’information, mais c’est un autre sujet. Dans ce monde parfait, même les enfants sont réduits à l’obéissance : « Quand j’étais jeune prof, je me plaignais des bavardages… Aujourd’hui, je me plains du silence. Ce silence partout… », confie un personnage. En fait, l’auteur nous décrit une société bloquée, figée, paralysée : « Pour qu’un incident puisse se produire, il faut deux ingrédients : la liberté et l’ennui, deux denrées en rupture de stock. » C’est dire que « l’affaire » vient bousculer l’ordre établi et révèle le miroir aux alouettes que constitue la transparence : « C’est tout le paradoxe de cette situations, l’utopie d’une société sans secrets nous condamne au mensonge… »
Panorama de Lilia Hassaine, est paru chez Gallimard et a remporté le Prix Renaudot des lycéens.
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