JavaScript is required

Notre-Dame de Paris, un mythe romantique forgé par Victor Hugo

RCF, le 28 novembre 2024 - Modifié le 28 novembre 2024

Notre-Dame de Paris est l'un des monuments les plus emblématiques de la capitale. Avant l’incendie d’avril 2019, elle était visitée par 13 millions de personnes chaque année. Pourtant elle n’est pas la plus grande des cathédrales gothiques de France. Si c'est à Victor Hugo que l’on doit l’attachement des Français à la cathédrale, que reste-t-il aujourd'hui du mythe romantique de Notre-Dame ?

Imaginée par l'architecte Viollet-le-Duc au XIXe siècle, dans le style néogothique, la Stryge est la plus célèbre des chimères de Notre-Dame de Paris ©Wikimédia CommonsImaginée par l'architecte Viollet-le-Duc au XIXe siècle, dans le style néogothique, la Stryge est la plus célèbre des chimères de Notre-Dame de Paris ©Wikimédia Commons

Elle n’est pas la plus ancienne ni la plus haute ni la plus large des cathédrales gothiques de France. Pourtant, Notre-Dame de Paris est connue dans le monde entier. Sa silhouette, sa flèche, sa rosace, ses gargouilles ou ses chimères ont été maintes fois représentées dans l’art. Des estampes médiévales aux toiles de Picasso ou Bernard Buffet, en passant par les gravures de Gustave Doré ou les caricatures d’Honoré Daumier, Notre-Dame de Paris n’a cessé d’inspirer les artistes. Mais c’est sans doute Victor Hugo qui a par ses œuvres et son engagement en faveur de sa restauration, le plus contribué à l’attachement des Français ont montré lors de l’incendie de 2019. Que reste-t-il aujourd'hui du mythe romantique de Notre-Dame ?

Restaurer Notre-Dame de Paris : l'influence de Victor Hugo

"Notre-Dame de Paris", le premier grand roman de Victor Hugo, a installé durablement la cathédrale dans l'imaginaire français. En 1831, il a reçu un succès mitigé mais durable, qui s'est installé dans le temps. Qui aujourd’hui encore ne connaît pas Esméralda ou Quasimodo ? La cathédrale est presque le personnage central du roman, tant elle est personnifiée. Et c’est tout la fascination de l’auteur pour l’architecture médiévale qui s’exprime, notamment lorsque Quasimodo s’aide des ornements gothiques pour grimper le long de l’édifice. Victor Hugo qui avait imaginé une scène d’incendie à Notre-Dame…

 

"Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient étaient extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée."

Victor Hugo, "Notre-Dame de Paris"

 

Le roman d’Hugo a permis de sensibiliser la société française du XIXe siècle à la nécessité d’entretenir les monuments. Lui-même s’est mobilisé en faveur d’un chantier de restauration de la cathédrale. "Faites réparer ces beaux et graves édifices ; faites-les réparer avec soin, avec intelligence, avec sobriété... Surtout que l'architecte-restaurateur soit frugal de ses propres imaginations", écrit Hugo en 1832 dans un texte publié en 2020, "Guerre aux démolisseurs" (éd. Allia).

 

Chimères, cloches et Quasimodo : Notre-Dame de Paris dans la culture populaire

C’est à l’architecte Eugène Viollet-le-Duc que fut confié le chantier de restauration (de 1845 à 1864). Quand celui-ci a décidé d’installer des chimères sur la balustrade entre les deux tours de Notre-Dame, c’est d’après une édition de 1844 du roman de Victor Hugo illustrée par Honoré Daumier. Les 54 chimères, dans un pur style néogothique, font écho à l’engouement romantique pour le fameux "temps des cathédrales".

Parmi ces chimères - à ne pas confondre avec les gargouilles qui crachent l’eau des gouttières - la Stryge est la plus célèbre. Elle puise dans la mythologie antique puisque la stryge est selon le "Dictionnaire de mythologie grecque et romaine" un "oiseau rapace légendaire, qui sort la nuit, et dont on dit qu'il suce le sang des petits enfants" (Source : Larousse). En 1850, le graveur Charles Meryon l’a rendue si célèbre qu’elle est devenue un des symboles du monument.

 

 

Quand, en 1952, Édith Piaf chante "Notre-Dame de Paris", écrite par Eddy Marnay, elle évoque le célèbre personnage d’Hugo. "Dans le Paris de Notre-Dame, de Notre-Dame de Paris, il y a un clochard qui en plein l’dos, porter Notre-Dame sur son dos, il se prend pour Quasimodo…" Des années après, on retrouve en effet les chimères aussi bien dans la version Disney "Le Bossu de Notre-Dame" (1996), librement adaptée du roman de Victor Hugo que sur la scène de la comédie musicale "Notre-Dame de Paris" (1998) - où les chimères mais aussi les cloches font partie du décor.

 

Notre-Dame de Paris au-delà du mythe romantique

Le mythe romantique de Notre-Dame forgé par Victor Hugo n’aurait sans doute pas eu le même poids si l'église n’avait été le théâtre de tant d’événements au cours de notre histoire. À la fin des années 1230, la cathédrale a accueilli la Sainte Couronne d’épines obtenue par le roi Louis IX (saint Louis) - couronne qui a échappé à l’incendie de 2019. Il y a eu le sacre de Napoléon Ier le 18 mai 1804, immortalisé par le peintre Jacques-Louis David. En 1831, Eugène Delacroix a associé Notre-Dame à la révolution de juillet, on la devine sur sa toile "La Liberté guidant le peuple" (1831).

Les Français agenouillés sur les quais de Seine au soir du 15 avril 2019 avaient-ils en tête d’autres événements plus proches de nous ? Par exemple le fameux fa dièse du bourdon Emmanuel, l’une des plus grosses cloches de France, qui a retenti le 24 août 1944 pour la première fois en quatre ans, alors que la division du général Leclerc entrait dans Paris… Un épisode que les générations suivantes ont pu découvrir grâce au film "Paris brûle-t-il ?" de René Clément (en 1966). Le 15 avril 2020 à 20 heures, il a à nouveau résonné un an après l'incendie.

Combien de passants se souvenaient-ils de la conversion fulgurante de Paul Claudel à l’âge de 18 ans, lors des vêpres du 25 décembre 1886 à Notre-Dame ? Une expérience spirituelle décisive dans la vie de l’écrivain, alors qu’il se trouvait non loin pilier de La Vierge à l’enfant. Ce n’est qu’en 1913 qu’il en a fait le récit, dans "Ma conversion" (publié dans la bibliothèque de La Pléiade en 1965).

 

"J'étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l'entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c'est alors que se produisit l'événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement de tout mon être, d'une conviction si puissante, d'une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d'une vie agitée, n'ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J'avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l'innocence, l'éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable."

Paul Claudel, "Ma conversion" (1913)

 

La statue du XIVe siècle que l’on appelle aussi La Vierge du pilier a été retrouvée intacte après l'incendie de 2019. Elle avait inspiré à Claudel le poème "La Vierge à midi" en 1922 (paru dans le recueil "Poèmes de Guerre 1914-1916"). "Parce que vous m'avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France... Parce que vous êtes là pour toujours / Simplement parce que vous êtes Marie, simplement parce que vous existez / Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !" Une procession a marqué son retour auprès du fameux pilier, le 15 novembre 2024, quelques semaines avant la réouverture de Notre-Dame.

 

Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.