Nationale 7 : histoire, héritage et mémoire d'une route mythique
Pendant près d'un siècle, la Nationale 7, surnommée "la route des vacances", a symbolisé l'évasion estivale vers le Sud. De Paris à Menton, elle a guidé des générations de Français vers la Méditerranée. L'historien Mathieu Flonneau, spécialiste des mobilités, nous aide à comprendre ce que cette route représente encore aujourd'hui.
Borne de la Nationale 7 au niveau de La Palisse (03) © PexelsLa Nationale 7, bien que déclassée, reste un miroir de la France : celle qui roule, qui voyage, qui se souvient. Derrière l'image des embouteillages d'août ou des cartes postales rétro, elle incarne une civilisation routière que Mathieu Flonneau nous invite à penser comme un patrimoine vivant.
Une route millénaire au service du pouvoir
La Nationale 7 ne naît pas au XXe siècle. Elle suit, dans sa grande majorité, le tracé des anciennes voies romaines, notamment la via Agrippa, reliant Lyon à la Méditerranée. "Le côté rectiligne ne trompe pas", explique Mathieu Flonneau. "Les voies romaines étaient déjà pensées pour la régularité et la rapidité, avec une technique de construction très avancée pour l'époque."
Cette route deviendra ensuite un axe impérial sous Napoléon Ier, intégré au système des routes royales puis nationales. "Il y a un héritage que la géographie impose : celui de la domination des territoires par la route. Elle devient un outil stratégique, un support de pouvoir, d'économie et de contrôle", ajoute l'historien. La RN7 est donc bien plus qu'un simple axe routier : elle est le reflet des ambitions politiques et économiques de la France, à travers les siècles.
L'âge d'or de la Nationale 7 : entre vacances, gastronomie et convivialité routière
C'est entre les années 1950 et 1970 que la Nationale 7 devient la route emblématique des vacances en voiture, dans un contexte de démocratisation de l'automobile et des congés payés. "C'est l'âge d'or de l'automobilisme populaire. On voit émerger une société en mouvement, où la route devient un mode de vie", explique Mathieu Flonneau. Mais ce n'était pas uniquement une route de loisirs. "Dès les années 1920-1930, la RN7 était déjà une artère vitale pour le transport routier, pour les grands routiers, les camionneurs", rappelle-t-il.
C'est l'âge d'or de l'automobilisme populaire.
Au-delà de l'usage, l'ambiance même de la RN7 est devenue légendaire. Motels, relais routiers, stations-service aux enseignes colorées, restaurants de bord de route et même publicités peintes sur les murs ont donné vie à ce que Mathieu Flonneau appelle une "convivialité du mobilisme". Il évoque aussi un jalonnement gastronomique, de la cuisine populaire aux établissements étoilés, qui faisait de la route une expérience à part entière.
Du déclin routier à la mémoire patrimoniale
À partir des années 1970, avec la construction des autoroutes A6 et A7, la Nationale 7 perd son rôle central. Le trafic est progressivement détourné, les portions sont déclassées en routes départementales. Pourtant, son imaginaire demeure intact. "Il y a un effet Route 66 sur la RN7", analyse Mathieu Flonneau. Il fait référence au phénomène de patrimonialisation des routes, comme aux États-Unis. "Ce sont des itinéraires que l'on redécouvre, qui ont été délaissés, puis réinvestis symboliquement par des passionnés, des historiens, des antiquaires de la route."
L'état de santé de la route en dit long sur l'état de santé d'une société.
Aujourd'hui, la Nationale 7 est célébrée pour ce qu'elle représente : la France des territoires, de la lenteur, de la mémoire populaire. Mais l'historien alerte aussi sur les enjeux contemporains : "L'état de santé de la route en dit long sur l'état de santé d'une société. Une route, c'est ce qui permet aux citoyens d'être contemporains de leur propre pays, d'être acteurs de la République."


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