Accueil
« Naître humain, c’est naître fragile et dépendant, et c’est peut-être notre chance »: Café-philo avec Mathilde Naegelen

« Naître humain, c’est naître fragile et dépendant, et c’est peut-être notre chance »: Café-philo avec Mathilde Naegelen

Un article rédigé par Laetitia de Traversay - le 24 juin 2025 - Modifié le 24 juin 2025
Inspiration · RCF LyonEst-ce une chance de naître humain ? : Café-philo avec Mathilde Naegelen

Dans l’émission “Inspiration” diffusée sur RCF Lyon, la philosophe Mathilde Naegelen, professeure et conférencière au Collège supérieur de Lyon interroge avec finesse la condition humaine. Une plongée dans les fragilités et les défis de l’humanité, depuis la naissance jusqu’aux mirages du transhumanisme.

Naître humain- Photo d'illustration de G_Masters - © de PexelsNaître humain- Photo d'illustration de G_Masters - © de Pexels

« L’homme est l’animal qui a besoin des autres pour devenir lui-même »

« Est-ce une chance de naître humain ? » La question surprend, dérange presque. Mathilde Naegelen l’assume pleinement. Dans un monde où l’on rêve d’efficacité, de performance et de maîtrise, elle propose de revenir au point de départ : la naissance. Or, naître humain, ce n’est pas naître tout-puissant, bien au contraire. « Le petit humain est parmi tous les petits qui ont à naître au sein des différentes espèces animales, celui qui a besoin d’aide le plus longtemps », rappelle-t-elle. L’homme naît fragile, dépendant, inachevé. C’est ce que rappelle aussi le début du mythe de Prométhée, convoqué par la philosophe : oublié dans la distribution des attributs naturels, l’homme risque d'arriver au monde nu, sans défense, livré à une nature indifférente. Contrairement à l’animal déjà opérationnel à la naissance, l’homme doit tout apprendre. Mais cette fragilité n’est-elle pas aussi ce qui est à l'origine de l’éducation, la solidarité, la culture, voire ce qui les fonde ?

L’exemple de Victor, l’enfant sauvage, est éloquent : sans transmission, pas d’humanité. Comme l’écrivait le docteur Itard, « un homme avant l’éducation, c’est moins qu’une espérance ».

« Le transhumanisme, c’est la tentation de supprimer la fragilité humaine »

Face à cette fragilité originelle, notre époque a développé une autre voie : celle de la maîtrise technique. Mathilde Naegelen en retrace les conséquences dérives dans un échange passionnant. Grâce aux progrès de la médecine et de la génétique, la naissance peut pourrait demain désormais être contrôlée, anticipée, même programmée, transformant l’incertitude de la naissance en processus maîtrisé, quasi industriel. Difficile dans ces conditions de ne pas succomber à la tentation de l'eugénisme.  

Mais ce rêve de perfection cache une peur : celle de l’imperfection, de la maladie, de la mort. « Le déshonneur de l’homme tient au fait d’être né », écrivait Gunther Anders. Comparé à l’objet technique, parfait et efficient, l’homme, lui, est vulnérable, faillible. C’est ce que le transhumanisme prétend corriger : fabriquer un homme augmenté, réparé, voire immortel. Mais au fond, cette fuite vers l’homme-machine ne traduit-elle pas une honte de notre humanité biologique ? Et surtout : peut-on vraiment rester humain si l’on renonce à naître ?

L’inachèvement de celui qui naît humain est aussi à comprendre comme la possibilité pour lui de se déployer dans l’existence sous une infinité de devenir

Une aventure ouverte à l’infini

Mathilde Naegelen invite à inverser notre regard. Et si cette faiblesse n’était pas une malchance, mais une ouverture ? Rousseau parlait déjà de perfectibilité : l’homme est perfectible parce qu’il est inachevé. C’est ce qui fait de chaque vie humaine une aventure unique. Loin d’un programme pré écrit, naître humain, c’est avoir la capacité de devenir, d’être façonné par les autres, par la culture, par l’amour. Ce n’est donc pas seulement un défaut à compenser, mais une richesse à accueillir. 

La professeure le rappelle avec humour : « Moi je dis que c’est une chance de naître humain, parce qu’on peut faire de la philo ! » Une belle manière de refermer cette réflexion ouverte sur les promesses de notre fragilité.

RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Inspiration · RCF Lyon
RCF
Découvrir cette émission
Cet article vous a plu ? Partagez-le :

Votre Radio vit grâce à vos dons

Nous sommes un média associatif et professionnel.
Pour préserver la qualité de nos programmes et notre indépendance, nous comptons sur la mobilisation  de tous nos auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.