"Mon petit frère" de Jean-Louis Foournier
« Tu n’étais pas exubérant, tu n’étais pas excentrique, tu n’étais pas extravagant, tu n’étais pas extraverti, tu n’étais pas excessif, tu n’étais pas extraordinaire, tu n’étais pas exceptionnel. Mais tu n’étais pas banal. » Quand Jean-Louis Fournier parle de son frère cadet Yves-Marie, c’est toujours avec une infinie tendresse et une pointe d’espièglerie. Que voulez-vous, le parolier de Pierre Desproges ne va quand même pas se ranger des voitures. A 84 ans, le trublion cathodique ne va pas se priver d’un portrait en l’emporte-pièce, lui qui a déjà croqué sa femme, son chat Art Déco, son père alcoolique, sa vache la Noireaude, sa mère du Nord et ses fils, ceux qui demandaient toujours « Où on va papa ? » récit couronné par le prix Femina 2008.
Mais son frère est mort, il n’avait qu’une année de moins que l’auteur. Peut-être était-ce la seule possibilité pour que Jean-Louis s’adresse à Yves-Marie, on a parfois de ses pudeurs… En fait, ils sont si différents que les frangins sont faits pour s’entendre. L’un est polytechnicien, l’autre comique, l’un est bavard comme une pie, l’autre silencieux et méditatif. En creux, c’est aussi son autoportrait que Jean-Louis Fournier nous dessine : « C’est pas évident d’avoir un frère surdoué, on passe vite pour le sous-doué de la famille. » Et encore : « Tu étais le premier en tout. Tu as même été le premier à mourir. »
On imagine la complicité de toute une vie pour les deux frères…
Et tous ces souvenirs en commun, que Jean-Louis Fournier évoque avec un brin de nostalgie : « C’était bien, le passé, on pouvait se parler. On n’avait pas d’écouteurs sur les oreilles. » Il raconte simplement ce lien fort qui les tenait tous les deux. Ils sont tout à la fois différents, complémentaires, complices : « Yves-Marie n’aimait pas les conflits. Il était patient, paisible, pacifique. J’étais la mer déchainée sur la côte sauvage de Quiberon. Il était le lac Léman par temps calme. » Si tout les oppose, ils sont pourtant inséparables, peut-être même pour cela : « Je voulais être remarqué. Son but à lui était de passer inaperçu. » Facétieux, Fournier l’écrivain allait parfois sur le terrain de Fournier le scientifique, histoire de s’amuser, encore et toujours : « Au début d’un livre, j’ai écrit : l’arithmétique appliquée et impertinente vous donne de faux problèmes mais des solutions justes », affirmait-il, prenant son frère à témoin. Qui lui ne dit mot : « Si c’était un son, il aurait été un silence avec un sourire… »
Un livre souvenir, un hommage au frère, un livre émouvant et drôle à la fois
Jean-Louis Fournier nous a habitué à cette tendre dérision, à cet humour parfois vachard qui masque mal un cœur grand comme ça. Au travers de courts textes entrecoupés de photos en noir et blanc, les souvenirs remontent à la surface comme de bulles de sourire. Le gamin déluré est aujourd’hui écrivain malicieux qui n’a rien oublié de ces histoires de famille : « Quand on nous parlait de notre mère, à Yves-Marie on disait ta chère mère, à moi on disait ta pauvre mère… » Il admire sans jalouser, il taquine sans méchanceté, il veut se faire remarquer, Jean-Louis Fournier, mais il sait tout ce qu’il doit aux autres, à sa famille : « J’aime bien qu’on m’aime, ça me permet de m’aimer un peu. J’avoue, je suis très sensible aux compliments, j’en ai besoin, ils me rassurent. » soyez donc rassuré, Monsieur Fournier, vous nous faites encore rire, et vous savez nous attendrir. C’est comme ça qu’on vous aime.
Mon petit frère, Jean-Louis Fournier, publié aux éditions Philippe Rey.
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