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Louis Bonaparte, le destin contrarié du frère de Napoléon

Louis Bonaparte, le destin contrarié du frère de Napoléon

Un article rédigé par Frédéric Mounier, avec OR - RCF, le 10 septembre 2025 - Modifié le 13 septembre 2025
Les Racines du présentNapoléon, encore et toujours...

Un destin contrarié... par son frère. Louis Bonaparte n'a choisi ni la femme qu'il a épousée, ni sa carrière militaire. Napoléon a décidé pour lui. Il se rêvait en grand homme dès ses jeunes années, à la faveur de ses lectures. Et il a tôt fait de jouer les pères de substitution avec ses frères et sœurs... "Être le frère de Napoléon Ier devait être une horreur !"  

"Louis Bonaparte, frère et père d’empereurs, écrit François de Coustin, perpétuellement malade, ne voulut rien de ce qui lui arriva..." ©Wikimedia commons"Louis Bonaparte, frère et père d’empereurs, écrit François de Coustin, perpétuellement malade, ne voulut rien de ce qui lui arriva..." ©Wikimedia commons

A-t-on publié plus de livres sur un autre personnage de l’histoire que Napoléon Ier ? Cet Himalaya de la littérature historique fait l’objet de deux ouvrages en 2025. Ses auteurs l’abordent avec des angles originaux : son frère Louis et ses lectures. Sous la plume du journaliste et historien François de Coustin, on découvre les relations entre les deux frères, dans "Louis Bonaparte - Roi rebelle et mélancolique" (éd. Perrin, 2025). Le jeune historien franco-américain Louis Sarkozy publie "Napoléon Bonaparte - L'Empire des livres" (éd. Passés composés, 2025). Et si Louis Bonaparte avait souffert d’avoir pour frère et "père de substitution" un homme comme Napoléon ? Un grand frère qui, très jeune, s'est rêvé un destin... à force de lire des livres.

Louis Bonaparte, la vie méconnue d'un frère et père d'empereurs

Dans la famille Bonaparte, Louis, c’est le père de Napoléon III et le frère de Napoléon Ier. Il y a toutefois un léger doute sur les origines de Louis Bonaparte. L’association Le Souvenir napoléonien a montré, analyses ADN à l’appui, "qu’il n’y avait aucun lien de parenté par les hommes entre Napoléon et Napoléon III, rapporte François de Coustin. Si les analyses montrent qu’il n’y a pas de lien, cela veut dire que Louis est soit bâtard, soit cocu, soit les deux !" 

Dans cette famille de la petit noblesse corse, au fonctionnement clanique et clientéliste, il se pourrait qu’avec l’accord de Charles Bonaparte, sa femme Laetitia ait "œuvré pour aider à la carrière" de son mari. Et que le Père de Louis soit en réalité le gouverneur général de la Corse, le marquis de Marbeuf. Quoi qu’il en soit, "la question est ouverte et je me garderai bien de la trancher", prévient l’historien.

Louis est né neuf ans après Napoléon. Entre les deux hommes, la relation a été complexe, marquée par la mort du père en 1785, à l’âge de 38 ans. "Napoléon a pris en charge ce frère et l’a emmené avec lui. Et donc on a un jeune officier qui débute dans la carrière accompagné d’un jeune adolescent que Napoléon va faire travailler, va sortir, va repriser ses chemises ses chaussettes. Il va le battre aussi…" 

Pour l’historien Napoléon a été le "père de substitution" de Louis, lui laissant peu de liberté. Il a par exemple décidé de son mariage. Louis et Hortense de Beauharnais, la fille de Joséphine, n'avaient pas l'intention de se marier mais leur mariage a eu lieu. Quand ils ont eu un fils, le futur Napoléon III, le couple impérial a voulu l’adopter…

 

"Être le frère de Napoléon Ier devait être une horreur !"

"Louis Bonaparte, frère et père d’empereurs, écrit François de Coustin, perpétuellement malade, ne voulut rien de ce qui lui arriva, ni être soldat, ni régner, ni vivre. Il était taiseux et dépressif, avec une femme brillante et de plus en plus éloignée. Il aimait rêver, écrire, se soigner, se plaindre." Louis Bonaparte, c’est le destin contrarié d’un homme "qui aurait adoré écrire des romans, des poésies, ce qu’il fera plus tard quand il sera en exil".

D’après la "Correspondance générale de Napoléon Bonaparte", publiée par la Fondation Napoléon (plus de 40.500 lettres), il y a lieu de supposer que le caractère de Napoléon "devait être insupportable dans la famille, s’exclame Louis Sarkozy. Être le frère de Napoléon Ier devait être une horreur !" Il semble que le cadet ait aimé joué au père de famille y compris vis-à-vide son frère aîné Joseph.

De quoi entretenir cette fausse croyance autour des frères et sœurs de Napoléon, l’idée que "tous sont des idiots, résume Louis Sarkozy, et qu’il est l’unique intelligent, l’unique décideur et l’unique homme d’action". Ce qui est "complètement faux", assure le jeune historien. "Tous les Bonaparte, confirme François de Coustin, sauf probablement Jérôme ont écrit." Joseph, Lucien, Louis… ont été de "grands liseurs" et de véritables bibliomanes, sans doute sous l’influence de leur père Charles. 

 

Où Napoléon a puisé l'idée qu'il pouvait avoir lui aussi un destin

Napoléon, "le plus intellectuels des monarques français, et peut-être du monde", d’après Louis Sarkozy, a puisé dans les livres pour prendre "toutes ses décisions politiques, ses manœuvres stratégiques et militaires". Et entretenir ses relations amoureuses. Il lui est arrivé ainsi pour écrire à Joséphine de recopier mot pour mot des lettres de romans qu’il lisait.

C’est ainsi que Louis Sarkozy reconstitue dans son livre la vie de Napoléon à partir de ses lectures. "Personne n’autant approché le livre avec une telle passion et une telle nécessité, décrit-il. Il les traitait comme des amis et des collègues." Il décrit Napoléon comme un "drogué de lectures" qui doit "sa dépression" et "sa mélancolie totale", lors de son exil à Sainte-Hélène, au manque de livres. Il aurait accumulé plus de 60.000 ouvrages, en grande majorité des livres d’histoire.

 

L'idée que les grands hommes sont l'Histoire

Tôt dans sa jeunesse, Napoléon a été marqué par les "Vies parallèles" de Plutarque, un moraliste du IIe siècle, intéressé par la personnalité des grands personnages, les traits de caractère d’une Cléopâtre, d’un Jules César ou d’un Marc-Antoine. "Bonaparte va lire Vies des grands capitaines, de Cornélius Nepos, il va aussi lire Vie des Douze Césars, etc. Et il va se dire une chose : Je peux être comme eux !"

Napoléon Bonaparte était imprégné de cette vision de l’histoire largement partagée à son époque, qu’elle se faisait par les grands hommes. Il rejoint, souligne Louis Sarkozy, l’incarnation de la théorie du grand homme de Thomas Carlyle, selon laquelle "l’histoire, c’est la biographie des grands hommes… Constamment avec Napoléon il y a cette vision de l’histoire comme une chaîne où les maillons sont les grands hommes et lui est le dernier maillon de cette chaîne." 

Cela explique sans doute pourquoi très jeune Napoléon s'est imaginé un destin national, voire impérial. "Un destin tout court", corrige Louis Sarkozy puisque Napoléon a d'abord voulu être écrivain avant de se rendre compte, après la Révolution française "que son destin serait d’abord l’épée".

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Les Racines du présent
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