L'histoire du surf : des origines sacrées aux plages de la côte Atlantique
Sport de glisse devenu emblématique sur les littoraux français, le surf cache derrière ses vagues une histoire riche, méconnue et traversée par les cultures du monde. Christophe Guibert, sociologue et surfeur, nous plonge dans les racines profondes d’une discipline bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Photo d'un surfeur © FreepikQue vous séjourniez sur les plages de la côte Atlantique ou que vous flâniez le long du littoral, il y a de fortes chances que vous croisiez des surfeurs, planche à la main ou en train de dompter les vagues. Devenu incontournable sur les côtes françaises, ce sport aux airs de liberté puise pourtant ses racines bien plus loin.
Une pratique spirituelle née dans les îles du Pacifique
Avant d’être un sport, le surf est d’abord une pratique culturelle et spirituelle profondément ancrée dans les traditions polynésiennes et hawaïennes. Selon Christophe Guibert, professeur de sociologie à l’Université d’Angers, "la découverte du surf se fait à la faveur des expéditions européennes, en particulier anglaises, avec le navigateur James Cook". Celui-ci observe les autochtones d’Hawaï glisser sur les vagues, une activité alors inconnue en Europe.
Mais ce n’est pas du tout le surf que l’on connaît aujourd’hui. "C’est une activité spirituelle qui a une dimension symbolique [...] très loin de l’activité sportive au sens strict", précise Christophe Guibert, également surfeur. À l’époque, seuls certains membres des tribus, comme les chefs ou les guerriers, pouvaient surfer sur de grandes planches, tandis que les autres devaient se contenter de modèles plus petits. Le surf avait donc aussi une dimension hiérarchique et sociale.
C’est une activité spirituelle qui a une dimension symbolique.
Cette tradition connaît un brutal recul à l'époque coloniale. Les missionnaires européens, choqués par une pratique souvent dénudée et perçue comme païenne, répriment le surf, qui survit alors dans l’ombre. "Il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que cette activité soit à nouveau valorisée", explique Christophe Guibert. Des figures comme l’écrivain Jack London redonnent ses lettres de noblesse à cette pratique ancestrale en célébrant le corps hawaïen et son lien avec la mer.
De la Californie aux côtes françaises : le surf devient global
C’est aux États-Unis, notamment en Californie, que le surf entre véritablement dans l’ère moderne. "Le surf va être mobilisé notamment par des entrepreneurs américains [...] qui vont promouvoir cette activité rare, originale", raconte Christophe Guibert. Dès les années 1920, des surfeurs hawaïens sont invités pour faire la démonstration de leur talent dans les nouvelles stations balnéaires. Le surf devient un outil de marketing touristique puissant.
L’après-guerre marque un tournant : planches modernisées, musique surf, culture beachwear, films... tout converge pour transformer le surf en un phénomène de masse. "Le surf se développe très largement entre les années 1940 et 1960 en Californie", appuyé par une esthétique et une philosophie qui flirtent avec la contre-culture.
En France, le surf est une activité initialement bourgeoise.
Mais qu’en est-il de la France ? Contrairement à ce que véhiculent les magazines de surf des années 1980-1990, "en France, le surf est une activité initialement bourgeoise", rappelle le sociologue. Introduit à Biarritz dans les années 1950, le surf attire d’abord une élite : "des jeunes gens de la bourgeoisie locale, ou des riches Parisiens en vacances", précise-t-il.
Le développement est progressif : des Pyrénées-Atlantiques au sud des Landes, puis vers la Bretagne et la Vendée, le surf s’impose peu à peu comme une pratique estivale incontournable, mais son image en France reste très différente de celle californienne.
Les mythes et réalités d’une culture plurielle
Aujourd’hui, parler de culture surf est en réalité une simplification. Pour Christophe Guibert, "la culture du surf n’existe pas" en tant que telle. Il préfère parler de cultures du surf, tant les pratiques, motivations et visions sont variées : certains surfent pour le plaisir, d’autres pour la compétition, d'autres encore pour le voyage ou la méditation.
Ce sont des cultures qui, parfois également, peuvent s’opposer.
En France, la culture surf a longtemps été imposée par le marketing des marques de surfwear, désireuses de capitaliser sur l’imaginaire californien : "ces mythes s’imposent [...] en associant systématiquement le surf au voyage, à la contre-culture, à l’oisiveté, au refus des règles de vie en société", observe Christophe Guibert. Pourtant, cet héritage est souvent en décalage avec les réalités françaises du terrain.
Le sociologue conclut sur une idée forte : "les raisons pour lesquelles on s’investit dans le surf sont tout à fait plurielles [...]. Ce sont des cultures qui, parfois également, peuvent s’opposer". Une diversité qui fait toute la richesse de ce sport, entre tradition et modernité, élitisme et démocratisation, liberté et récupération commerciale.


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