« Les enfants sont-ils devenus gênants ? »
Professeure de philosophie et conférencière au Collège supérieur de Lyon, Mathilde Naegelen était l’invitée du Café philo de l’émission Inspiration sur RCF Lyon. Elle y interroge la place de l’enfant dans nos sociétés modernes : entre maîtrise technique, responsabilité parentale et mystère de la vie.
L'enfant nous relie à la vie- Photo de Lukas - © from PexelsLes enfants sont devenus l'objet d'un choix
La question peut sembler provocatrice : les enfants sont-ils devenus gênants ? Pourtant, pour Mathilde Naegelen, elle découle d’un constat très actuel. De plus en plus, nos sociétés valorisent la liberté de ne pas avoir d’enfants et multiplient les espaces où ils sont exclus. « Nous n’avons jamais autant maîtrisé la procréation », explique-t-elle. Les progrès techniques permettent aujourd’hui de choisir le nombre, parfois même les caractéristiques de nos enfants. Cette possibilité bouleverse profondément notre rapport à la vie : « L’enfant n’est plus le prolongement inévitable du vivant, il devient l’objet d’un projet ».
Le refus de l'imprévisible
Cette maîtrise nouvelle fait peser sur les parents une responsabilité accrue : puisque l’enfant est choisi, il est aussi le résultat d’une décision à assumer. « Si un enfant naît malade ou porteur de handicap, la société peut renvoyer aux parents une forme de culpabilité », remarque Mathilde Naegelen. En distinguant le projet de l’événement, elle reprend la réflexion de la philosophe Marianne Durano dans son essai "Naître ou le néant" : concevoir un enfant comme un projet, c’est lui retirer cette part d'inédit et d'imprévisible qui accompagne toute naissance.
Avoir un enfant, c’est toujours être surpris par l’enfant qu’on a
L’enfant nous invite à rester vivants
Dans un monde où la technique cherche à supprimer le risque, Mathilde Naegelen rappelle que « donner la vie, c’est aussi risquer la mort ». La naissance, comme la mort, fait partie du mystère de la vie. Elle cite la société imaginée par Aldous Huxley dans Le Meilleur des mondes, où les bébés sont fabriqués en usine et les liens effacés : « Si on supprime tout risque, on supprime aussi la vie ».
Face à cette tentation de tout maîtriser, l’enfant demeure une chance : « Il nous relie à la vie, à la fragilité, à l’émerveillement ». La relation à l’enfant est une école d’humanité : elle nous apprend à prendre soin d’un être plus faible, sans rien attendre en retour. C'est ce que le philosophe Hans Jonas nous montre dans le Principe responsabilité en prenant la relation à l'enfant comme modèle de toute relation éthique. "L’enfant nous oblige à être meilleurs ».


Des itinéraires inspirants, des cafés philo, du conseil conjugal et familial et de la Communication Non Violente, le samedi à 16h50 et le dimanche à 9h30.
Lætitia de Traversay donne la parole aux hommes et aux femmes qui construisent ce monde, discrètement et passionnément : spécialistes du couple et de la famille, philosophes, formatrices en CNV (Communication Non Violente), des personnes qui osent s'engager et relever des défis, portées par leur foi en Dieu et leur foi en l'Homme.
