Les druides, artisans de la nation gauloise
Et si c'était aux druides que l'on devait la nation gauloise ? Comparables aux mages de Perse ou aux grands prêtres d’Égypte, ces intellectuels étaient imprégnés de philosophie grecque. En luttant contre les bardes et les ovates, les druides ont battu en brèche des pratiques archaïques et ont su imposer un système religieux et politique.
Le néodruidisme n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’a été le druidisme au temps des Gaulois. ©UnsplashOn a tendance à considérer le néodruidisme comme un courant ésotérique issu du New Age quand on ne l'assimile pas à la contre-culture des années 1960. C’est oublier que cette spiritualité est née au XVIIIe siècle en Irlande. L'Ordre ancien des druides créé en 1781 en Angleterre, compte de grands noms de la civilisation britannique, comme William Thackeray ou Winston Churchill. Le néodruidisme a en tout cas tendance à masquer ce qu’était le druidisme au temps des Gaulois. C’est-à-dire une organisation religieuse autour de grands prêtres proches du pouvoir.
Les druides, artisans de la nation gauloise
Les Ségobriges, les Élisyques, les Volques, les Arvernes, les Éduens, les Bellovaques, les Bituriges, les Véliocasses, les Atrébates... sont quelques-unes des soixante-dix tribus gauloises. Si elles ont pu, malgré leur diversité, se constituer en nation, c’est grâce aux druides. Une nation qui "fonctionnait" si bien qu’après avoir conquis la Gaule, Jules César "n’a rien changé à l’organisation politique en Gaule", explique l’historien Jean-Louis Brunaux, spécialiste de l’archéologie gauloise et auteur de "La Cité des druides. Bâtisseurs de l'ancienne Gaule" (Coll. L'esprit de la cité, éd. Gallimard, 2024).
On peut même parler de "pays" pour désigner la Gaule des VIIe, VIIe siècles av. J.-C., selon Jean-Louis Brunaux. "Beaucoup d’historiens et même d’archéologues actuellement ne voient pas que ces peuples sont apparus très, très tôt, probablement au VIIIe, VIIe siècle av. J.-C. Ce pays, la Gaule, apparaît dès cette époque-là."
Sur un territoire allant des Pyrénées jusqu’aux Bouches-du-Rhin, de la Manche jusqu’aux Alpes, et délimité à l’Est par le Rhin, ces peuples ont été sédentaires très tôt. "Parce que c’est un pays extraordinaire pour l’Europe", comme l’a rapporté le philosophe stoïcien du Ier siècle, Posidonios d'Apamée. Celui dont s’inspire largement César dans sa "Guerre des Gaules".
Des savants imprégnés de philosophie grecque
Le mot "druide" vient du gaulois "dru-wida". "Wida" a donné en latin "videre" c’est-à-dire "voir" et qu’on peut lier au grec "eido", qui veut dire "voir" et "savoir". "Dru" est un adverbe en relation avec le chêne et renvoie à l’idée de puissance. Les druides sont donc "des hommes qui voient et prévoient de façon extrêmement puissante, rappelle Jean-Louis Brunaux, à l’image du chêne".
Les druides pratiquaient la science divinatoire et effectuaient des calculs savants. Ils étaient avant tout de "grands intellectuels". C’est grâce à leur savoir et leur influence qu’ils se sont imposés sur le plan politique, surtout aux VIe, Ve siècles av. J.-C. Ils ont aussi été amenés peu à peu à rendre la justice. Contrairement à ce que disent "tous les historiens notamment français depuis trois ou quatre siècles", observe Jean-Louis Brunaux, les druides avaient leurs "équivalents" chez les mages de Perse, les chamanes de Bactriane, les brahmanes d’Inde ou encore les grands prêtres d’Égypte.
Ces savants étaient aussi des philosophes, imprégnés de pensée grecque, en particulier la philosophie pythagoricienne. "La proximité entre les pythagoriciens et les druides était très importante, selon Jean-Louis Brunaux. Les druides ont partagé les mêmes idées, la même théologie que les pythagoriciens." Surtout après le sac de Rome en -390 par les Gaulois, qui ont poursuivi jusqu’à Crotone, la ville de Pythagore, dans l’actuelle Calabre.
Le système druidique, entre politique et religion
En luttant contre les bardes et les ovates, les druides ont battu en brèche des pratiques archaïques, comme les sacrifices. Ils ont donné la prééminence à une vision religieuse plus structurée, plus intellectuelle, plus scientifique, plus raisonnée en quelque sorte. On serait tenté de dire plus moderne.
En témoigne le site de Gournay-sur-Aronde, dans l’Oise, le premier sanctuaire druidique trouvé en France. "Il correspond parfaitement au sanctuaire que les Grecs appelaient temenos, au début du IIIe siècle", décrit Jean-Louis Bruneaux. Un lieu quadrangulaire délimité par une enceinte et accessible aux seuls prêtres, guerriers ou religieux, ont été installés dans toutes les cités gauloises.
À l’opposé d’un culte panthéiste en pleine nature, le système druidique avait ses temples et son panthéon. Et il était "en rapport direct avec la construction du monde politique". C’est ce que montre le portrait de Diviciac, le célèbre druide des Éduens, dans le Morvan actuel, qui "a joué un rôle très important durant la guerre des Gaules". Pour Jean-Louis Brunaux, il "montre que dès cette époque-là, les druides étaient passés du côté des politiques et avaient abandonné la théologie, en quelque sorte".


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