
LE MOT DE LA SEMAINE - Pour faire suite à la nuit des musées, Jean Pruvost met à jour l'étymologie et l'histoire du mot "musée".
Si j’étais bien avant-hier au Musée du loup, à Toucy, ville natale de Larousse, hier je n’étais pas dans un musée mais à la Cité internationale de la langue française, où il y avait un festival consacrés aux mets et mots et j’y ai parlé des mots du champagne. Alors revenons au mot « musée », et signalons d’emblée que c’est un des rares mots masculins qui se termine comme un mot féminin avec un e, tout comme « lycée ». Aucune logique grammaticale, mais simplement une évolution étymologique sans normalisation. En fait musée vient du grec mouseion, qui a donné museum en latin, puis musée en français au XIIIe siècle. Et dans la mythologie grecque les neuf muses séjournant au mont Parnasse étaient rassemblées au muséum.
Les neuf muses sont les neuf filles de Zeus et de Mnémosyne, en l’occurrence Clio muse de l’Histoire, Euterpe pour la musique, Thalie pour la Comédie, Melpomène pour la tragédie, Terpsichore pour la danse, Érato pour la poésie lyrique, Polymnie pour les hymnes, Uranie pour l’Astronomie, Calliope pour la poésie épique. Et ce qu’on constate d’emblée c’est que cinq de ces muses sont consacrées à la littérature. Ce qui fait que le Museum a par extension désigné un édifice public où l’on s’adonnait d’abord aux arts littéraires. Ce fut par la suite la partie du palais royal d’Alexandrie où Ptolémée Ier regroupait les savants et les artistes les plus célèbres, constituant une sorte de centre d’études artistiques et scientifiques. Puis le mot « musée » va entrer au XIIIe siècle en français d’abord en tant qu’Académie d’art des Anciens, puis au XVIIIe siècle le mot commence représenter nos pratiques culturelles, pour devenir dans un premier temps synonyme de cabinet d’un homme de lettres, ce lieu privilégié où il entreposait divers objets rares définissant une sorte de musée personnel. Puis, attesté en 1746, le musée prend son sens moderne d’établissement où sont regroupés des objets présentant un intérêt historique, technique ou scientifique, en vue de leur conservation mais aussi de leur présentation au public. On commence alors à « visiter » les musées. Enfin, en 1797 naît le Musée central des Arts, au Louvre, qui va s’appeler ensuite le musée Napoléon avant d’être le Louvre internationalement célèbre.
Les frères Goncourt déclaraient plaisamment que « ce qui entend le plus de bêtises dans le monde, c’est peut-être un tableau de musée ». Heureusement il y a des conservateurs qui font en sorte que ce soit aussi des lieux de découvertes. D’ailleurs les auteurs de mots croisés leur rendent hommage. Quelle définition proposent-ils pour faire deviner le mot musée ? « Royaume des conservateurs ». De musée bien sûr.
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !
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