JavaScript is required

Le mot de la semaine : "Décret", par Jean Pruvost

Un article rédigé par Jean Pruvost - RCF, le 3 février 2025 - Modifié le 3 février 2025
Le mot de la semaineLe mot de la semaine : "Décret", par Jean Pruvost

LE MOT DE LA SEMAINE - Avec l’élection du président américain Donald Trump, désormais aux commandes de la Maison-Blanche, un mot revient constamment en matière de décisions : le mot « décret ». En effet, plusieurs décrets récents ont déjà eu un impact commercial sur le Canada et le Mexique et menacent désormais la France.

Jean Pruvost ©Pascal HausherrJean Pruvost ©Pascal Hausherr

C'est ce que j’ai "décrété" ce matin à 4 h 30, heure française.

De la famille de "décerner"

D’emblée, en disant cela, on perçoit combien le mot "décret" et le verbe "décréter" ont pour le moins quelque chose d’extrêmement autoritaire ! Or, lorsqu’on consulte en 1694 la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, l’article correspondant au mot décret renvoie à l’article décerner, sous lequel il est classé. Cela peut surprendre, tant on est habitué à l’expression décerner des compliments, des récompenses, qui n’a rien de déplaisant, contrairement à ce que suggèrent aujourd’hui un décret et le verbe décréter. Cette association est pourtant étymologiquement justifiée, car décret appartient bien à la même famille que décerner, lequel, à l’origine, signifie ordonner juridiquement et par l’autorité publique quelque chose.

On peut ainsi être étonné de lire, dans les dictionnaires du XVIIe siècle, les usages consignés à cet égard. Par exemple, on y trouve que l’on a décerné de grandes peines contre tel ou tel, bien que l’on décernât déjà aussi des récompenses. En réalité, tout provient du latin cernere (juger, décider, discerner), qui a donné decernere (décider, décréter). Son participe passé neutre substantivé, decretum, a ensuite naturellement donné en français notre décret, attesté dès le XIIe siècle comme synonyme de décision. Ainsi, le verbe décerner traduit alors une décision, qu’elle soit négative (des peines de prison) ou positive (des récompenses). Quant au décret, il émane d’une autorité : c’est celui qui détient le pouvoir qui décrète… Dès lors, une question s’impose : un décret est-il toujours d’origine humaine ?

"Les décrets de la providence divine"

On pense spontanément à l’autorité gouvernementale, mais puisque le mot décret est attesté dès le XIIe siècle, il faut peut-être envisager d’autres puissances. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter la première définition donnée par l’Académie en 1694 : "Décret : ordonnance", suivie d’exemples éloquents : "Ce fut par un décret éternel de Dieu. Les décrets éternels. Les décrets de la providence divine. Les décrets du ciel." Voilà pour la puissance supérieure. Puis, par un glissement vers le terrestre, viennent d’autres exemples : "Un décret du Pape. Les décrets de l’Église. Les décrets de la Sorbonne." Enfin, on trouve le décret en tant qu’ordonnance du Magistrat, qui porte ordinairement saisie de la personne ou des biens. On ne s’étonne donc pas de relever cet usage : "On dit décréter une maison, une terre, pour dire en faire le décret pour le paiement des créanciers…"

Il convient aussi de signaler l’emploi impératif de la majuscule pour un autre sens du mot Décret au Grand Siècle : "On appelle Le Décret un recueil d’anciens Canons des Conciles, de Constitutions des Papes & de Sentences des Pères." Mais s’agissant de l’avalanche de décrets américains, je suis soudain inquiet en lisant cette citation de Régnier : "Ces jours, le bien de Jean par décret fut vendu." Non, tout de même, je n’imagine pas qu’un Président, fut-il fou, en arrive jusque-là. Ciel, qu’on me laisse au moins ma guitare…

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le mot de la semaine
©RCF
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.